Le positionnement de Vienne en matière de politique migratoire est scruté de près par les institutions européennes. Le chrétien-démocrate Sebastian Kurz – chancelier autrichien élu en octobre 2017 - à la tête d’une coalition gouvernementale avec l’extrême droite, a annoncé vouloir faire de la crise migratoire la priorité de ses projets dans le cadre de la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne assurée par son pays pour le second semestre 2017. « Une Europe qui  protège ! », slogan pour ces six prochains mois, donne le ton.

Partisan d’une ligne dure – proche de celles des Etats d’Europe centrale et de l’Est - en matière d’immigration, Sebastian Kurz annonçait, il y a quelques semaines, vouloir adopter de nouvelles mesures pour  durcir sa législation nationale sur l’asile. Parmi celles-ci figuraient notamment l’introduction de la possibilité, pour les autorités Autrichiennes, de saisir des sommes d’argent liquide pouvant aller jusqu’à 840 € afin de « rembourser les coûts de la procédure d’asile », mais aussi la possibilité de saisir les téléphones portables des personnes pour en extraire les données personnelles de géolocalisation dans le but de les comparer avec le témoignage du demandeur d’asile, ou encore repousser à dix ans (contre six ans aujourd’hui), la durée minimale pour qu’un réfugié puisse demander la nationalité autrichienne.

Face a cette annonce, le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a exprimé ses inquiétudes dans un communiqué de mai 2018. Il estime tout d’abord que ces amendements se basent sur la présomption que les personnes cherchent à abuser du système d’asile, ce qui risque d’impacter l’opinion publique et de rendre plus difficile l’intégration. Le HCR s’inquiète aussi de la mesure très intrusive qui consisterait à utiliser les données géographiques stockées dans le téléphone portable de chacun pour obtenir des informations sur le parcours d’asile. Enfin, il considère que l’augmentation du délai pour demander l’obtention de la nationalité autrichienne porte atteinte à l’objectif d’intégration et de cohésion sociale.

Alors que l’Autriche a pris la suite de la Bulgarie pour la présidence tournante de l’Union européen pour une période de six mois à partir du 1er juillet 2018, le chancelier Kurz souhaite transposer ces orientations politiques à l’échelle européenne.

Une note rédigée par l’Autriche et destinée aux experts des 28 pays de l’Union européenne lors d’une réunion à Vienne début juillet a fuité. Celle-ci dévoile de façon plus précise les objectifs de l’Autriche, qui rejoignent ceux des pays membres du groupe « Visegrad » (Hongrie, République Tchèque, Slovaquie, Pologne), partisans d’une politique « zéro-migrant ». D’après cette note, il faut penser un nouveau « système de protection » où « aucune demande d’asile ne sera déposée sur le sol européen ». Un objectif d’autant plus inquiétant qu’il repose sur de fausses idées : frontières-passoires, migrants « sensibles aux idéologies hostiles à la liberté ou qui prônent la violence », etc.

La secrétaire générale d’ECRE (European Council on Refugees and Exiles), Catherine Woollard s’alarmait en mars dernier face aux objectifs annoncés par Vienne, et rappelait que « le renforcement des frontières extérieures ne permet pas de créer un système d’asile fonctionnel en Europe ». Suite au Conseil européen des 28 et 29 juin dernier, Sebastian Kurz a pourtant déclaré se réjouir de « l’attention portée à la protection des frontières extérieures » par l’ensemble des Etats membres. Mais le gouvernement autrichien souhaite aller bien plus loin dans la remise en cause du droit fondamental à demander l’asile.

Lors d’une conférence de presse organisée le 10 juillet 2018, le ministre de l’intérieur, Herbert Kickl (FPÖ, extrême droite) a formulé une proposition visant à proscrire les demandes d’asile sur le territoire de l’UE, celles-ci devant être examinées au sein de pays tiers. Il a également indiquait qu’à terme il souhaitait ne garantir l’asile qu’à ceux « qui respectent les valeurs de l’UE et ses droits et libertés fondamentales ». Reste à savoir comment les autres Etats européens se positionneront face à ces propositions qui constituent une violation flagrante de la Convention de Genève relative au statut de réfugié et à de nombreuses dispositions du droit européen.