En attribuant le prix à Nadia Murad, le comité Nobel met en avant l’action courageuse de cette militante, devenue ambassadrice des Nations unies pour la dignité des victimes du trafic d’êtres humains. Son histoire douloureuse et son combat pour dénoncer les violences sexuelles en tant qu'arme de guerre rappellent la dimension prise par ce fléau sur les théâtres de conflits récents et plus anciens, sous toutes les latitudes, mais aussi l’engagement de celles et ceux qui luttent chaque jour contre cette forme de la barbarie humaine.

Quant au prix Nobel attribué à Denis Mukwege, déjà récipiendaire en 2014 du prix Sakharov décerné par le Parlement européen, il consacre l’engagement de ce médecin pour une cause à laquelle notre association est particulièrement sensible, celle de la prise en charge des femmes victimes de violences sexuelles, notamment dans le contexte de conflits ouverts ou larvés dans l’Est de la RDC depuis plus de vingt ans. Cette situation s’est accompagnée d’une terrible banalisation du viol, parfois arme de guerre, toujours réification du corps de la femme, mise au défi d’une réhabilitation médicale, psychologique, familiale, sociale et judiciaire.

À la faveur d’un premier programme mis en œuvre par le Cosi en RDC en 2002-2003 sur financement européen, puis d’un deuxième en 2010-2011 porté en consortium et cofinancé par l’Agence française de développement (AFD), des associations congolaises actives dans l’Est du pays, mais aussi dans la capitale Kinshasa et au Sud du Kasaï, ont porté des projets de sensibilisation, de prévention et de défense des droits en faveur de femmes victimes de violences et de discrimination. Plus récemment, à une petite échelle en 2013 au Sud-Kivu, et plus largement dans l’Est de la RDC en 2016-2017 dans le cadre du programme AJUST cofinancé par l’AFD et la Fondation de France, Forum réfugiés-Cosi a soutenu les activités d’ONG locales visant à améliorer l’accès à la justice pour les victimes de violences sexuelles.

En février 2016, Forum réfugiés-Cosi avait organisé en partenariat avec le Comœdia (Lyon) un ciné-débat ayant réuni 400 personnes à l’occasion de la sortie du film L’Homme qui répare les femmes. La colère d’Hippocrate, dédié à l’action du Dr Mukwege, en présence du réalisateur Thierry Michel. Le film a suivi la publication du livre L’Homme qui répare les femmes publié en 2012 par la journaliste belge Colette Braeckman.

La situation des droits humains dans l’ancien Zaïre et dans la sous-région, mais aussi l’accueil en France des réfugiés originaires d’Afrique centrale, avaient été à l’origine, en 1990 à Lyon, de la création du Cosi (Centre d’information et de solidarité avec l’Afrique), qui a fusionné avec Forum réfugiés en 2012. Quant aux enjeux de la protection et de l’accompagnement psychologique des femmes (et aussi d’hommes) victimes de violence sexuelle, ils sont au cœur de la prise en charge par le centre de santé mentale Essor géré par l’association à Villeurbanne (Rhône), et plus largement de ses structures d’accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile et des réfugiés.

À l’heure où l’accueil de celles et ceux – femmes, hommes, enfants – qui cherchent un lieu sûr où se reconstruire après avoir subi la guerre, la persécution et les violences en tous genres dont le viol, est soumis en France et en Europe à une instrumentalisation démagogique à des fins électorales, cette double attribution du prix Nobel vient rappeler l’impérieuse nécessité de protéger, partie prenante du socle des valeurs de notre république comme de l’Union européenne.