Arrivant à la fin de son mandat, la présidence la Commission européenne poursuit son travail de réforme législative en matière migratoire et de renforcement de sa politique extérieure, dans un contexte européen de plus en plus divisé et sous une présidence autrichienne axée sur les enjeux de sécurité.  

Pour son dernier discours sur l’État de l’Union en tant que président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker était grandement attendu sur le sujet des migrations en ce 12 septembre 2018. Après un été marqué par de multiples crises sur les opérations de débarquement, il a d’abord invité « la présidence autrichienne du Conseil de l’Union européenne (UE) à faire dès maintenant le pas décisif indispensable pour élaborer des solutions durables concernant une réforme équilibrée en matière de migration », jugeant les solutions ad hoc pour chaque navire insuffisantes. S’en est suivi l’énonciation de plusieurs propositions phares en matière de politique migratoire européenne.

Tout d’abord, la Commission propose un règlement pour l’établissement d’un dispositif européen de garde-frontières et de garde-côtes comprenant « un corps permanent de 10 000 agents opérationnels dotés de pouvoirs exécutifs couvrant l’ensemble de ses activités de manière à soutenir efficacement les États membres sur le terrain ». Sous l’autorité et le contrôle de l’État membre, ce corps sera notamment habilité à effectuer des contrôles d’identité, à autoriser ou refuser l’entrée aux frontières extérieures, et à intercepter les personnes aux frontières. La coopération avec les pays tiers sera au cœur du mandat de ce corps permanent qui aura la capacité de lancer des opérations conjointes et de déployer du personnel dans les pays tiers, au-delà de la limitation actuelle aux pays voisins, avec l’accord préalable entre l’UE et les pays concernés. Dans le cadre du renforcement de la politique de retour, le personnel pourra appuyer l’exécution des procédures de retour, par la préparation des décisions de retour, l’acquisition des documents de voyage, ou par l’accompagnement des ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’une procédure de retour forcé.

Pour compléter cette politique visant à renforcer l’efficacité des retours, la Commission propose également une refonte de la directive européenne « Retour » de 2008. Cette dernière établit les normes et les procédures communes pour le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans l’UE. L’objectif de cette révision est de « supprimer les obstacles et les incohérences qui empêchent les retours effectifs ». La Commission propose notamment d’émettre une décision de retour systématiquement après ou parallèlement à un rejet de demande d’asile, d’établir des procédures de retour simplifiées aux déboutés d’asile dans une procédure à la frontière, ou encore d’établir un délai de cinq jours pour l’introduction d’un recours contre une décision de retour suite à une décision de rejet de demande d’asile. La révision prévoit également l’introduction d’une durée légale de rétention d’un minimum de trois mois ainsi que des critères communs aux risques de fuite. La Commission propose aussi de renforcer les offres de retour volontaire et d’aide à la réintégration.

Jean-Claude Juncker a également annoncé une proposition amendée pour le développement de l’Agence de l’UE pour l’asile comprenant un budget renforcé afin d’apporter un appui européen plus important dans le traitement des demandes d’asile. Enfin, la Commission a également publié une communication sur le renforcement des voies légales d’accès portant sur la réforme de la directive « Blue Card » pour attirer les travailleurs hautement qualifiés, la réinstallation et la coopération avec les pays tiers notamment à travers la nouvelle « alliance Afrique-Europe pour des investissement et des emplois durables ».

La semaine suivante (19 et 20 septembre) s’est tenu à Salzbourg un sommet informel des dirigeants européens, pour discuter notamment de la sécurité intérieure et des migrations. Dans sa déclaration après le sommet , le président du Conseil européen Donald Tusk a déclaré que si « le débat sur les migrations a démontré que nous ne pouvions pas être d'accord sur tout, nous nous accordons sur le principal objectif qui est de réduire les migrations illégales vers l’Europe ». Les chefs d’États ont abordé la proposition de la Commission sur le corps européen permanent de garde-frontières et de garde-côtes, qui ne semble pas faire l’unanimité car elle questionne notamment la souveraineté des États membres à défendre leurs frontières nationales. Si l’Autriche, l’Allemagne et la France poussent à ce renforcement de mandat, la Hongrie, la Slovaquie, la République tchèque s’opposent au projet. Entre deux, les Pays-Bas, l’Italie, l’Espagne semblent plus sceptiques.

En outre, les chefs d’États ont également poursuivi les discussions sur les dispositifs régionaux de débarquement dans les pays tiers. Le Maroc ou la Tunisie ayant refusé d’accueillir de tels centres, le Chancelier autrichien Sebastian Kurz et le Président du Conseil européen Donald Tusk ont entamé des discussions avec l’Egypte et ont rencontré le Général Al Sisi en amont du sommet. Le rapprochement avec l’Egypte se fonde sur le « succès » de l’Egypte à empêcher depuis 2016 le départ de migrants par la mer selon le chancelier autrichien, qui a salué l’efficacité du Caire. Le Ministère des affaires étrangères de l’Egypte a confirmé la proposition d’un sommet UE-Ligue arabe en Egypte en février 2019, en précisant que la question migratoire ne sera pas le seul sujet de l’agenda.

Le prochain rendez-vous des leaders européens sera le Conseil européen du 18 octobre. Si la question de la réforme du régime d’asile européen commun, et plus particulièrement du règlement Dublin, n’a pas fait l’objet d’une grande attention dans ces évènements, un état des lieux de la réforme est attendu pour cette date.