La procédure devant la CNDA permet au demandeur d’asile, qui a vu sa demande rejetée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), de disposer d’un nouveau regard sur sa demande de protection. Elle s’inscrit dans le cadre du droit à un recours effectif, considéré comme un droit fondamental. La CNDA est compétente pour revoir l’ensemble du contenu de la demande, et décider d’attribuer une protection (statut de réfugié ou protection subsidiaire) ou dans certains cas exceptionnels de renvoyer le dossier à l’OFPRA en cas d’erreur procédurale (absence d’entretien par exemple). Cette procédure est écrite et contradictoire – la cour tient à la disposition du requérant et de l’OFPRA, sur simple demande, le dossier du recours pour consultation –, ce qui permet au juge de demander aux parties de clarifier certains points ou de produire des pièces supplémentaires.

Plusieurs dispositions du projet de loi asile-immigration pourraient modifier substantiellement les modalités d’exercice de ce recours. Tout d’abord, le délai d’appel après un refus en première instance pourrait être réduit à 15 jours, contre un mois actuellement. La réduction de moitié de ce délai va complexifier la procédure, et ce à plusieurs niveaux. Les prestations des dispositifs d’accompagnement (plate-forme d’accueil pour demandeur d’asile, lieux d’hébergement) n’incluent pas d’aide à la rédaction du recours. Le délai d’un mois est utile aux demandeurs d’asile, pour comprendre la décision de rejet et la possibilité de recours, se poser et constituer un récit précis et détaillé, indispensable au succès de leur demande.

Les conditions d’audience à la CNDA vont également être modifiées, puisqu’il est prévu de développer la vidéo-audience. Si cette possibilité n’est pas nouvelle, un demandeur d’asile pouvait, jusqu’ici et en France métropolitaine, s’opposer à son utilisation. Bien que les députés aient adopté des amendements au projet de loi qui visent à s’assurer de la bonne qualité de la vidéo pour le bon déroulement de l’audience, la qualité de la communication et donc de l’instruction sera nécessairement moindre que lors d’une présence à l’audience. Le Conseil national du barreau avait d’ailleurs alerté dès 2011 sur le développement de la vidéo-audience qui « banalise l’audience qui perd de sa solennité et modifie la parole judiciaire ».

Enfin, il est prévu que certains demandeurs d’asile – notamment ceux originaires de pays d’origine sûrs - ne disposeront plus d’un recours automatiquement suspensif devant la CNDA : en d’autres termes, ils pourront être éloignés du territoire avant que la Cour n’ait statué définitivement sur leur demande d’asile. Ils seront par ailleurs privés des conditions matérielles d’accueil pendant cette phase de recours.  

Ces baisses des garanties procédurales lors de la phase de recours pourraient avoir pour conséquence d’affaiblir le système d’asile en ce qu’il ne permettrait pas une bonne identification des besoins de protection. Le rôle de la CNDA en matière de protection est en effet déterminant.

La CNDA a connu une augmentation du nombre de recours en 2017 – parallèlement à l’activité de l’OFPRA – de 34% supplémentaires. 47 814 décisions ont été rendues par la Cour, ce qui correspond à une hausse de 11,3% par rapport à 2016. Dans 16,8% des cas, une protection a été accordée (ce qui représente 8 006 décisions de protection). Pour l’ensemble des demandeurs d’asile, les décisions de protection ont été accordées à 75% par l’OFPRA et à 25% par la CNDA. Pour les demandeurs d’asile originaires de pays d’origine sûre, principalement concernés par la baisse des garanties procédurales lors de la phase de recours, l’importance de la phase CNDA est encore plus marquante puisque sur les 2452 décisions de protections accordées à ces personnes en 2017, 44% l’ont été par la Cour.