Cet événement a confirmé la cristallisation des tensions entre le ministre de l'Intérieur italien, Matteo Salvini, et ses confrères européens. La France a notamment exhorté l'Italie d’adopter l'accord européen trouvé en juin pour des «centres contrôlés» dans l’Union européenne et à abandonner la politique de «ports fermés» aux bateaux de sauvetage. D'autre part, le Commissaire européen aux migrations, Dimitris Avramopoulos, a proposé d’établir un «modèle-test » de centre contrôlé, alors qu'a été suggérée une contribution financière des pays refusant l'accueil de migrants, tels que la Hongrie ou la Pologne. Enfin, le Maroc était également représenté par son ministre Abdelouafi Laftit, afin notamment d'exprimer ses inquiétudes concernant la hausse considérable de migrants rejoignant l'Espagne en passant par son pays, devenu la principale voie d'immigration vers l'Europe.

L’objectif de cette réunion était également de préparer le Conseil de l’UE Justice et Affaires Intérieures où cette fois tous les ministres de l’Intérieur des États membres étaient réunis les 11 et 12 octobre 2018. Les ministres ont exprimé leur intérêt commun pour le renforcement du mandat de Frontex, ont débattu des modalités de création d'un corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, et ont discuté de la proposition de la Commission européenne relative à une réforme de la directive Retour. De plus, sur le prochain cadre financier pluriannuel, la majorité des Etats se sont entendus sur la nécessité d'inclure la mise en œuvre des aspects extérieurs de la politique migratoire de l'UE dans les trois programmes de financement.

Enfin, Le Conseil européen s’est réuni les 17 et 18 octobre à Bruxelles. Le Conseil a abordé la coopération européenne en matière de migration durant le deuxième jour. Parmi ses conclusions, le Conseil a souligné l’importance de continuer à prévenir la migration illégale et de renforcer la coopération avec les pays d’origine et de transit, en particulier en Afrique du Nord. Il a appelé à intensifier les efforts déployés avec les pays tiers pour interpeller et poursuivre les passeurs et les trafiquants pour lutter contre les filières d’immigration clandestine. Le Conseil a également invité la Commission à élaborer d’ici décembre des mesures dont une task force conjointe auprès du centre européen chargé de lutter contre le trafic de migrants, mis en place au sein d’Europol, et de renforcer la surveillance des communications en ligne des filières d’immigration clandestine. Sur les dossiers législatifs en cours, le Conseil a invité le Parlement et le Conseil de l’UE à examiner, en priorité, les propositions sur la directive Retour, l’Agence de l’UE pour l’asile, le corps permanent de Frontex. Enfin, il appelle à faciliter les retours effectifs via l’amélioration de la mise en œuvre des accords de réadmission existants et de conclure de nouveaux accords et arrangements, et d’utiliser tous les moyens d’incitations nécessaires y compris la politique et les outils de développement, de commerce et des visas.

Comme prévu lors du Conseil européen de juin 2018, la présidence autrichienne a aussi présenté un rapport d’avancement sur la révision du régime d’asile européen commun, enclenché depuis 2016 et bloqué en grande partie par la refonte du règlement Dublin. Concernant ce dernier, les négociations se poursuivent pour trouver un équilibre entre responsabilité et solidarité, tout en incluant l’approche « débarquement ». Des discussions seraient en cours sur les différentes formes de solidarité qui pourraient être mise en place. Sur la directive Accueil et les règlements Qualification et Réinstallation, un accord provisoire avait été atteint entre le Parlement et la Commission en juin 2018 mais rejeté par les Etats. Aucun accord n’a encore été atteint sur le règlement Procédures dont la procédure à la frontière (obligatoire ou optionnelle) et la définition de la décision finale sont au cœur des discussions. Le règlement Eurodac fait également dissension sur le transfert des données vers les pays tiers pour les retours, la prise d’empreinte pour les mineurs et la durée de responsabilité de l’Etat membre (lié à la procédure Dublin), et les données sur les réinstallés. Enfin, alors qu’un accord provisoire avait été atteint sur l’Agence de l’UE pour l’asile, la Commission a présenté une proposition amendée sur la base de cet accord incluant l’assistance technique et opérationnelle permettant à l’Agence de mener l’entièreté de la procédure d’asile ou une partie sans préjudice de la compétence des autorités en charge de prendre les décisions. Les amendements visent également à assurer une complémentarité avec la nouvelle agence Frontex en particulier pour les équipes de soutien à la gestion migratoire.