Le Soudan est plongé en plein marasme économique. Depuis plusieurs années le pays fait face à une inflation exceptionnelle et à une pénurie de carburant et de pain. La population est en colère et le fait savoir depuis la mi-décembre 2018 par des manifestations quasi-quotidiennes. Ces mouvements de contestation sont pacifistes mais les forces de sécurité les répriment dans la violence.

Les manifestations appelant à la démission du Président el-Béchir ont commencé à Atbara et se sont étendues à d'autres villes, notamment Gedarif, Wad Madani, Port-Soudan, Dongola, El Obeid, El Fasher, Omdurman, et la capitale, Khartoum.

Dès le 24 décembre 2018, soit 5 jours après les premières manifestations, Amnesty International annonçaitque 37 manifestants avaient été tués. Le bilan officiel évoque 30 morts début février 2019, alors que Human Rights Watch (HRW) et Amnesty International comptabilisent 51 morts dont des enfants et des personnels médicaux.

HRW a diffusé le 11 février 2019 des vidéos montrant les méthodes « extrêmement violentes » employées par les forces gouvernementales contre les manifestants : tirs de gaz lacrymogènes et tirs à balles réelles sur des personnes non-armées. D’autres vidéos montrent des arrestations brutales de manifestants ou de passants rués de coups de bâton. Par ailleurs selon HRW, des membres des forces de sécurité ont délibérément attaqué un hôpital, pour frapper et tirer sur des médecins et patients.

Des centaines de membres de partis d'opposition, de manifestants, d'étudiants ont été arrêtés arbitrairement. Le 7 janvier 2019, le ministre de l'Intérieur a déclaré qu'au moins 816 personnes avaient été arrêtées lors des manifestations à travers le pays. Ce nombre est probablement beaucoup plus important d'après les ONG. Un grand nombre des personnes arrêtées restent en détention au secret, sans accès aux visites de leur famille ou de leur avocat.

Reporters sans frontières a par ailleurs annoncé le 13 février que 79 journalistes avaient été arrêtés en marge du mouvement de contestation depuis fin 2018. Des journaux sont censurés et les moyens matériels de parution confisqués par le service de renseignement et de sécurité soudanais.

Les problèmes économiques à l’origine de la colère populaire ont pour cause, en partie, la perte de revenus pétrolier après l’indépendance du Soudan du Sud en 2011, mais également les dépenses excessives dans l’armée et les services de sécurité. Le président Omar El-Béchir, président depuis 30 ans, a déjà connu des mouvements d'opposition mais aujourd’hui il fait face à une révolte inédite par son ampleur. La contestation s’est généralisée dans toutes les couches de la société et s’est propagée à travers tout le pays, même dans les régions soutenant historiquement El-Béchir. Les manifestants sont issus de milieux économiques et politiques hétérogènes, membres de différents partis politiques et syndicats. Pour la majorité, ce sont des citoyens sans appartenance partisane, qui attribuent leurs conditions de pauvreté à la mauvaise gestion du gouvernement.

Omar El-Béchir est sous le coup de deux mandats d’arrêt émis en 2009 et 2010 par la Cour pénale internationale, accusé de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis au Darfour où les forces soudanaises et des groupes armés d’opposition combattent depuis 2003. Il envisage cependant, à 75 ans, de briguer un troisième mandat lors de la présidentielle de 2020.