La rétention administrative consiste à priver de liberté un étranger qui fait l’objet d’une décision d’éloignement, dans l’attente de sa mise en œuvre par les autorités. Depuis le 1er janvier 2019, les personnes peuvent être retenues jusqu’à 90 jours, la loi du 10 septembre 2018 ayant acté un doublement de cette durée maximale de rétention. 

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), autorité administrative indépendante instituée en 2007, peut visiter à tout moment, sur l’ensemble du territoire français, tous les lieux où les personnes sont privées de liberté - dont les centres de rétention administrative (CRA) - et rendre des recommandations publiques. C’est dans ce contexte qu’il a publié le 21 février 2019 un «  avis relatif à la prise en charge sanitaire des personnes étrangères au sein des centres de rétention administrative ». Cette question revêt une importance particulière pour ces personnes du fait de leur « pauvreté administrative, sociale et médicale, de leur éventuel isolement linguistiques, de la prévalence de certaines pathologies et de troubles psychiques qui peuvent résulter de l’enfermement et de l’imminence d’un éloignement ».

Dans son avis, le CGLPL constate que les prises en charges sanitaires des personnes retenues en centre de rétention administrative doivent être réorganisées. A ce titre, il recommande aux pouvoirs publics plusieurs améliorations pour éviter toute atteinte ou risques d’atteintes aux droits fondamentaux des personnes enfermées. 

Le contrôleur constate tout d’abord que le personnel médical ne connait pas suffisamment les textes applicables concernant les droits des patients. Afin de garantir une homogénéité des missions, les professionnels de santé doivent effectuer des soins de bases auprès des retenus mais aussi être en capacité de pouvoir accomplir des examens approfondis et de recourir à des spécialistes. Dans un souci de santé publique, le contrôleur recommande aussi de proposer un dépistage systématique des maladies sexuellement transmissibles. Pour accomplir ces missions, les financements et le pilotage des unités médicales dans les centres de rétention (UMCRA), qui permettent l'accès à des soins dans ces lieux, doivent être renforcés 

Le CGLPL constate que les personnes retenues peuvent rencontrer des contraintes matérielles dans l’accès à une unité médicale, qui n’est pas libre dans la plupart des centres. Les fonctionnaires de police servent généralement d’intermédiaires entre les étrangers et les personnels de santé, constituant ainsi un obstacle à l’accès des soins. Dès lors, le Contrôleur recommande qu'un libre accès à l’UMCRA soit organisé, permettant une meilleure garantie du secret médical. Le recours aux chambres de mise à l’écart doit être exceptionnel, et l’hospitalisation doit conduire à la levée de la mesure de rétention.

Par ailleurs, il est nécessaire de repérer et de prendre en charge les troubles psychiques des personnes retenues.  Pour cela, le contrôleur recommande notamment que les centres bénéficient de la présence d’un psychiatre. Cette présence permettrait une évaluation plus approfondie, étant donné que 37 % des consultations sont relatives à des pathologies en lien avec la santé mentale.

Enfin il est rappelé que « la protection de la santé des étrangers malades doit être une préoccupation des soignants, quel que soit le devenir de la personne ». Dans certaines situations, il est possible que l’état de santé du retenu soit incompatible avec l’enfermement. C’est le médecin de l’unité médicale du centre de rétention, soit sur demande de l’intéressé, soit à sa propre initiative, qui évalue l’état de vulnérabilité de l’étranger et qui rédige un certificat d’incompatibilité. Ce certificat est remis à l’individu et au responsable du centre qui informera l’autorité préfectorale. Pour le contrôleur « les autorités administratives doivent tirer les conséquences de l’incompatibilité ainsi attestée et lever la rétention ». En d’autres termes, l’incompatibilité de l’état de santé avec l’enfermement doit être appréciée par le médecin de l’UMCRA dont l’avis doit s'imposer à l’autorité administrative. La continuité des soins doit par ailleurs être une préoccupation de l’ensemble des professionnels

Dans un courrier du 18 février 2019 en réponse à cet avis, le ministère de l’intérieur ainsi que le ministère de la Solidarité et de la santé, se sont accordés sur l’importance de relancer les travaux en vue d’actualiser le dispositif sanitaire mis en place dans les centres de rétention administrative. A ce titre, un groupe de travail interministériel qui avait été mis en place de 2012 à 2014 devrait reprendre au cours du premier semestre 2019 en vue d’harmoniser les pratiques liés aux soins médicaux et d’éviter toutes atteintes aux droits fondamentaux des personnes retenues.