L’année 2018, a été marquée par une forte utilisation de l’enfermement des personnes étrangères en centres de rétention administrative, y compris les plus vulnérables. En métropole, 24 912 personnes ont été enfermées en Centre de rétention (CRA) et 1702 en Local de rétention administratif (LRA). Outre-mer, 18 697 personnes ont été enfermées en CRA et 540 en LRA.

Plusieurs faits marquants de l’année 2018 ont été mis en lumière dans le rapport publié début juin par l’ensemble des associations assurant une mission d’aide à l’exercice des droits au sein de ces lieux. Au sein du rapport, un bilan de la situation pour chaque centre de rétention administratif est dressé (nationalités, conditions d’interpellations, mesures d’éloignement, durée de rétention destin des personnes retenues etc.).

Les associations relèvent un accroissement des décisions d’éloignements vers les pays où les personnes risquent d’être en danger. Ainsi en dépit des menaces graves, l’administration a tenté de renvoyer vers leurs pays d’origine 278 Afghans, 165 Érythréens, 320 Iraniens, 690 Irakiens, 247 Soudanais et 133 Syriens. Le rapport fait plus généralement état d’une multiplication des pratiques illégales des préfectures dans le cadre des procédures d’éloignement. En effet, en métropole, 40% des retenus ont été libérés par des juges du fait d’un non-respect de leurs droits. En outre-mer, 25% des libérations étaient aussi dues à des décisions de la part des juridictions.

Un autre fait abordé est l’allongement de la durée de rétention. Depuis la loi du 10 septembre 2018, la durée maximale de rétention est de 90 jours, contre 45 jours auparavant. Cette mesure est applicable depuis le 1erjanvier 2019. En 2018, la durée moyenne de séjour en CRA était de 14,6 jours contre 12,8 jours en 2017. Le nombre de personnes enfermées plus de 30 jours est en hausse, passant de 2 468 en 2016 à 4 432 en 2018. Cette tendance s’est accentuée avec l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions législatives : les associations constatent un nouvel allongement de la durée moyenne pour le début de l’année 2019, « au détriment des personnes enfermées qui subissent cette privation de liberté anxiogène et traumatisante ». L’inutilité d’une durée plus longue de rétention pour améliorer l’efficacité des mesures d’éloignement a pourtant été démontrée lors des débats précédant la loi de septembre (voir notre article de newsletter de juillet 2018 ).

L’enfermement des demandeurs d’asile sous procédure Dublin, s’est par ailleurs accentué l’an dernier sous l’effet notamment d’une loi du de mars 2018 permettant le placement en rétention dès le début de la phase de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen de leur demande, avant toute décision de transfert. Le taux de « dublinés » retenus en CRA est passé de 10 à 14% entre 2016 et 2018 (soit 3 857 demandeurs d’asile retenus).

La question des familles et mineurs enfermés en rétention est également abordée par le rapport. En métropole, 1 114 familles avec 208 enfants ont été privés de liberté pendant 1 à 13 jours. Certains départements, pratiquent ces placements illégaux, plus que d’autres : à elle seule, la préfecture du Pas-de-Calais est à l’origine de 42% d’enfermements de mineurs, la plupart interpellés alors qu’ils tentaient de franchir la frontière franco-britannique.Le rapport aborde également le sujet des personnes retenues atteintes de troubles psychiatriques et malades. Les associations constatent de la multiplication de l’enfermement de personnes dont l’état de santé est manifestement incompatible avec la rétention.

La situation en outre-mer continue de susciter des préoccupations concernant le respect des droits fondamentaux. Les enfermements y sont nombreux, et généralement très courts. La durée moyenne de rétention est de 5 jours en outre-mer (17 heures à Mayotte), contre 17 jours en métropole. Les mineurs en font particulièrement les frais, notamment à Mayotte ou des enfants, y compris nouveaux nés, sont toujours massivement enfermés (1 221 mineurs enfermés au CRA en 2018).

Ces situations entraînent des tensions en CRA. Les associations y ont recensé une hausse des conflits et des violences physiques.

L’ensemble des constats issus de ce rapport posent la question de l’usage de la rétention par les autorités préfectorales, trop fréquent, souvent inefficace, impactant les droits des personnes, mais aussi les finances publiques. Un rapport parlementaire publié quelques jours seulement après le rapport associatif soulignait ainsi le coût excessif de ces procédures d’éloignements forcés au regard de leur efficacité, recommandant l’élaboration de politiques publiques favorisant davantage les retours aidés.