Alors que la guerre en Ukraine se poursuit, la protection temporaire déclenchée en mars 2022 en réponse aux déplacements de réfugiés ne peut normalement être mise en œuvre que pour une durée maximale de trois années. Se pose par conséquent la question de la transition de ce régime de protection, qui devrait s’arrêter en mars 2025, à un autre.

Afin de faire face aux déplacements majeurs de population suite au déclenchement de la guerre en Ukraine, le Conseil de l’Union européenne (UE) activait pour la première fois la directive relative à la protection temporaire en mars 2022, prolongée par la suite. Cette protection, qui bénéficie aujourd’hui à plus de 4,3 millions de personnes dans l’UE, devrait arriver à sa limite temporelle en mars 2025 car la directive limite son application à une durée maximale de trois années. Alors que les analystes géopolitiques ne prévoient pas de fin prochaine au conflit, il convient de se demander quel sera le futur des personnes protégées à la fin du régime temporaire.

Plusieurs options ont été avancées et sont reprises dans le document d’orientation du Conseil européen sur les réfugiés et les exilés (ECRE de son sigle anglais) sur le sujet :

  • L’aide au retour volontaire en Ukraine (conseils et financements) : malgré les va-et-vient observés, cette option ne peut cependant concerner l’ensemble des réfugiés d’Ukraine au vu du conflit armé et du manque de perspectives dans le pays (logements détruits, offres de travail extrêmement limitées, etc.).
  • L’entrée de l’Ukraine dans la zone de libre circulation dans le cadre de sa candidature à l’UE : une option improbable à l’échéance de mars 2025
  • L’extension de la protection temporaire : tout le monde s’accorde à dire que l’activation rapide de ladite protection a permis une gestion efficace des déplacements à grande échelle, ce qui est assez rare pour être souligné. Par conséquent, nombreux sont ceux souhaitant la maintenir, par une interprétation large des délais ou par un amendement des délais de la directive.

L’article 4 de la directive 2001/55 dispose que « 1. (…) la durée de la protection temporaire est d'une année. À moins qu'il n'y soit mis fin (…), elle peut être prorogée automatiquement par périodes de six mois pour une durée maximale d'un an. 2. S'il subsiste des raisons de maintenir la protection temporaire, le Conseil peut décider à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission, qui examine également toute demande d'un État membre visant à ce qu'elle soumette une proposition au Conseil, de proroger cette protection temporaire pour une période maximale d'un an. »

La durée maximum devrait donc être de trois ans (1 an + 2x6 mois + 1). Cependant, certains allèguent que rien n’empêche le Conseil de décider d’une nouvelle prorogation d’un an maximum sur proposition de la Commission. L’article n’empêcherait que des prorogations supérieures à un an, pas des prorogations successives.   

L’option de l’amendement du texte pourrait dissiper les doutes. Toutefois, la procédure législative ordinaire est d’ordinaire assez longue, avec les prochaines élections européennes qui ralentiront le rythme des réformes cette année. Il est donc peu plausible qu’un amendement puisse répondre au besoin persistant de protection actuel.

Dans les deux cas, l’extension de la protection temporaire poserait la question de la définition de « temporaire ».

  • La réactivation de la protection temporaire : cela nécessiterait une nouvelle décision des États membres sur proposition de la Commission, pour une nouvelle période de maximum trois ans, ce qui poserait également la question de la temporalité. De plus, le soutien politique aux réfugiés d’Ukraine a diminué depuis la première activation.
  • L’asile : la protection temporaire permet de demander l’asile à tout moment. Cependant, une minorité l’a déjà fait, le statut de demandeur d’asile étant moins avantageux dans certains États (notamment au regard de l’accès au marché du travail par exemple). À l’approche de la fin de la protection temporaire et si l’incertitude demeure quant à la protection après 2025, les bénéficiaires risquent d’engorger les systèmes de protection internationale des États membres, déjà sous une charge importante de travail, si aucune autre solution n’est trouvée. Une approche prima facie pourrait être recommandée par la Commission européenne, en utilisant la possibilité d’une procédure d’asile accélérée pour les bénéficiaires et anciens bénéficiaires.
  • Un nouveau statut européen qui prendrait la forme d’un statut humanitaire. Cependant, ici aussi, le problème de la longueur de la procédure législative se pose.
  • Les permis travail : la Pologne et l’Italie ont, par exemple, déjà pris des initiatives dans le but de faciliter la transition de la protection temporaire à un permis travail. Du point de vue européen, les régimes de la carte bleue et du permis unique ne mentionnent pas les bénéficiaires de la protection temporaire. Il était question de les inclure dans le régime de la résidence de longue durée. Malheureusement, le Conseil a rejeté la proposition (la France aurait influencé ce choix). Quoi qu’il en soit, la voie travail n’est pas ouverte à tous.
  • Les statuts nationaux : l’avenir des réfugiés d’Ukraine pourrait être traité par le droit national de chaque Etat membre qui peut prévoir par exemple des statuts humanitaires, au risque de créer des disparités dans l’UE.

En tout état de cause, il est important de prévoir au plus vite une transition, afin d’éviter la panique et une possible saturation des services administratifs, tout en prenant en compte le fait que certains bénéficiaires ne sont pas Ukrainiens et qu’une solution unique pourrait porter préjudice à un ou des groupes de bénéficiaires. En outre, une approche européenne serait bénéfique dans l’espace de libre circulation.