Dans un rapport publié le 17 décembre 2020, la Cour des comptes souligne le manque de données sur les mineurs non accompagnés, notamment en raison d’un  pilotage national fragile. Les quelques statistiques disponibles sont par ailleurs souvent méconnues ou citées de façon imprécise.  

Les mineurs non accompagnés (MNA), ces étrangers de moins de 18 ans présents sur le territoire français sans représentant légal, sont au cœur de nombreux débats politiques. Ces derniers sont souvent marqués par une méconnaissance des données statistiques entourant cette problématique, pourtant essentielles pour élaborer des politiques publiques pertinentes. De nombreuses données erronées et non sourcées apparaissent régulièrement dans les débats publics et sont repris par les médias, les décideurs, et d’autres acteurs travaillant sur ces sujets. 

Dans une publication du 17 décembre 2020, la Cour des Comptes souligne ainsi « une absence de statistique et de connaissance des jeunes concernés » et précise que « la construction d’un outil statistique national constitue donc une priorité, de même que le développement des études en vue d’une meilleure compréhension de ce public ». De nombreux éléments statistiques sont recueillis par les Conseils départementaux, mais aucune remontée d’information au niveau national n’est organisée en raison d’un « pilotage et une organisation interministérielle fragiles » sur ce sujet, souligné par la Cour des comptes. 

Plusieurs données statistiques sont disponibles au sujet des MNA, tandis qu’une partie d’entre elles demeurent encore inaccessibles ou non collectées. Cet article propose un éclairage sur l’ensemble des questions statistiques posées dans ce domaine, pour la France métropolitaine.

1. Combien de jeunes sollicitent une protection en tant que MNA sur l’ensemble d’une année ?

Il n’existe pas de recueil de données au niveau national permettant de savoir combien de jeunes se sont présentés auprès des dispositifs d’évaluation mis en place dans chaque département, pour bénéficier d’une admission au sein d’un service d’aide sociale à l’enfance (ASE).

Quelques chiffres sont évoqués dans certains rapports, mais aucun ne présente une précision suffisante pour répondre à la question.

Dans un avis présenté en octobre 2017 à l’Assemblée nationale, la députée Delphine Bagarry a rassemblé les données de l’Agence des services de paiement (ASP) portant sur les remboursements demandés par les conseils départementaux auprès de l’État pour l’évaluation et la mise à l’abri des jeunes étrangers sollicitant une protection en tant que MNA. Il en ressort que 14 993 jeunes ont été soumis à évaluation en 2015 et 15 188 en 2016. La direction générale de la cohésion sociale (DGCS), qui a transmis ces chiffres, estimait par ailleurs que « 26 000 jeunes au moins pourraient bénéficier d’une évaluation sociale remboursée au cours de l’exercice 2017 ». Ces données présentent plusieurs limites : un jeune peut être comptabilisé plusieurs fois dans différents départements et tous les départements ne renseignent pas les formulaires de remboursement. Dans son rapport précité de décembre 2020, la Cour des compte rappelait ainsi que les données de l’ASP « ne permettent pas de décompter avec rigueur le nombre de jeunes mis à l’abri et évalués en identifiant notamment les réévaluations ». La Cour évoque un décalage temporel dans la transmission des données, le caractère incomplet de celles-ci et leur absence de contrôle par les services de l’État.

Un rapport d’une mission bipartite réunissant plusieurs services d’inspection et l’ADF, publié en 2018, faisait état de 21 471 demandes de remboursement enregistrées par l’ASP en 2016. Un chiffre largement supérieur à celui du rapport de la députée Bagarry, pourtant issu de la même source – et présentant les mêmes limites. L’ADF mentionne par ailleurs les résultats d’une « enquête flash » menée auprès de 63 départements, qui ont totalisé 49 154 évaluations en 2017. Comme pour les chiffres de l’ASP, il est précisé que ces données « incluent pour partie des réévaluations, sans qu’il soit possible de les quantifier ».

La mise en place d’un fichier d’ « aide à l’évaluation de la minorité » instauré en 2019 pourrait permettre de connaître plus précisément le nombre de personnes concernés, puisqu’il instaure une base de données nationale des jeunes sollicitant une évaluation. Aucune statistique issue de ce fichier n’a cependant été diffusée à ce jour, et ces données seront de toutes façons trop incertaines pour quantifier le nombre de jeunes sollicitant une protection en tant que MNA au niveau national : certains départements n’ont pas mis en place de protocole avec la préfecture pour imposer un enregistrement dans le fichier, tandis que dans les autres, les jeunes peuvent solliciter une évaluation mais par la suite refuser de se rendre en préfecture pour s’enregistrer dans le fichier.

Les données des Conseils départementaux dans ce domaine pourraient par ailleurs s’avérer incomplètes au regard des pratiques documentées sur certains territoires de refus de prise en charge dès la présentation de la personne, sans même mener d’évaluation (et donc sans comptabiliser cette sollicitation de protection). Dans son rapport précité de décembre 2020, la Cour des comptes indiquait ainsi que « de nombreux départements ont (…) institué, sans base règlementaire, une «pré-évaluation» sous la forme d’un entretien succinct qui peut se conclure par un refus de prise en charge ».

Enfin, il faut noter que certains jeunes peuvent solliciter une protection en saisissant directement un juge pour enfants, sans passer préalablement par le dispositif d’évaluation de la minorité et de l’isolement des conseils départementaux – aucune exigence légale n’étant posée en ce sens. Il n’existe cependant pas de données du ministère de la Justice sur les saisines du juge pour enfants par des jeunes isolés étrangers, que ce soit en première démarche ou suite à un refus du conseil départemental (voir point 2 à ce sujet).

2. Quelle part des jeunes sollicitant une protection sont reconnus MNA sur l’ensemble d’une année ?

Aucune donnée précise n’étant disponible au niveau national pour connaître le nombre de jeunes sollicitant une protection en tant que MNA (voir point 1), il n’est pas possible a fortiori de connaître la part d’entre eux qui font effectivement l’objet d’une mesure de protection chaque année.

Le rapport précité de la mission bipartite, publié en 2018, indique que le taux d’accord au premier semestre 2017 « variait de 9 % à 100 % selon les départements ». Il mentionne par ailleurs que les données de l’ASP sur le paiement aux conseils départementaux, par l’État, des compensations financières liées à la phase d’évaluation, faisait apparaitre un taux de reconnaissance de  minorité-isolement de 52% en 2016 et de 57% en 2017. Les auteurs du rapport précisent cependant que « ce taux n’est qu’une estimation » qui comporte les mêmes limites importantes que celles constatées dans l’estimation du nombre de jeunes sollicitant une protection (voir point 1). Ces données sont par ailleurs détaillées dans le rapport précité de la députée Delphine Bagarry, qui liste les données ASP pour chaque département en 2016 (nombre de jeunes évalués / nombre de jeunes reconnus mineurs).

Par ailleurs, une partie des jeunes sont confiés aux services d’Aide sociale à l’enfance par le juge des enfants après avoir fait l’objet d’un refus dans le cadre du dispositif d’évaluation instauré par le conseil départemental. Ils pourraient donc apparaitre dans les données des départements comme ayant fait l’objet d’un refus, alors qu’ils ont finalement été admis suite à la saisine du juge. Ces placements décidés par le juge pour enfants, suite à un refus par le Conseil départemental, sont significatif sur certains territoires : l’organisation Médecin sans frontières indique par exemple dans un rapport publié en 2019 que 55% des jeunes accompagnés en 2018 dans un recours auprès du juge pour enfants, au sein d’un dispositif mis en place par l’association à Pantin (93), ont fait l’objet d’une mesure d’assistance éducative prononcée par le juge jusqu’à leur majorité. Au niveau national, aucune donnée du ministère de la Justice n’est disponible concernant les saisines du juge pour enfants par des jeunes isolés étrangers. Le rapport précité de la mission bipartite indique que « le dispositif statistique en place pour suivre l'activité des juges des enfants en assistance éducative ne permet pas (…) d’identifier et de distinguer les requêtes liées à un refus d’admission à l'ASE des autres requêtes ».

3. Combien de jeunes sont reconnus mineurs non accompagnés et sont confiés par décision de justice à l’Aide sociale à l’enfance à ce titre, sur l’ensemble d’une année ?

La mise en place depuis 2013 d’un mécanisme national de répartition nationale des jeunes confiés à l’Aide sociale à l’enfance a permis d’élaborer des statistiques sur les MNA confiés à l’Aide sociale à l’enfance des Conseils départementaux sur l’ensemble d’une année. Le dispositif a cependant été contesté par certains départements, et remis en question par le Conseil d’État, pour n’être finalement consolidé qu’en 2016 à l’occasion de sa formalisation dans la loi sur la protection de l’enfance. Ce n’est donc que depuis 2017 que les données recueillies par la Mission mineurs non accompagnés du ministère de la Justice et publiées dans les rapports d’activités de ce service et les tableaux de suivis mis à jour toutes les semaines sont complètes (elles permettent notamment une analyse par âge, genre et pays d’origine, ainsi qu’un détail par département). Comme l’indique la Cour des comptes dans son rapport précité de décembre 2020, une marge d’imprécision demeure cependant puisque certains juges des enfants saisis directement par les jeunes ne sollicitent pas le dispositif de répartition du ministère de la Justice.

Les données de la mission MNA du ministère de la Justice font état de 9 501 mineurs confiés aux Conseils départementaux par décision de justice en 2020, soit le plus bas niveau de ces dernières années (-43% par rapport à 2019).

MNA confiés aux Conseils départementaux par décision de justice recensés par la mission MNA du ministère de la Justice, 2016-2020

2016*

2017

2018

2019

2020

8 054

14 908

17 022

16 760

9 501

* données incomplètes

4. Combien de mineurs non accompagnés demandent l’asile sur l’ensemble d’une année ?

Nous disposons de données précises sur les mineurs non accompagnés qui sollicitent une protection au titre de l’asile. Ces derniers ne représentent cependant qu’une faible part de l’ensemble des MNA en France, le droit d’asile étant peu sollicité pour ces jeunes (voir à ce sujet notre article de mars 2019).

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) distingue ce public dans ses statistiques sur les demandes d’asile depuis le début des années 2000, ce qui permet d’apprécier l’évolution de cette problématique sur une période significative. Les rapports d’activité de l’OFPRA permettent par ailleurs de connaître en détail le profil de ces jeunes demandeurs d’asile. 

MNA demandeurs d’asile, 2001-2019

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

371

845

949

1221

735

571

459

410

447

610

595

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

492

367

273

321

474

591

742

755

L’Office communique également depuis quelques années sur le nombre de protection accordées aux personnes ayant formulée leur demande en tant que MNA.

Protection accordée aux mineurs non accompagnés au titre de l’asile, 2013-2019

 

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Accords OFPRA

172

121

Nc

274

357

444

459

Taux OFPRA

33,3 %

41 %

46,7 %

67,5 %

67,4%

66,8%

66,7%

Taux global OFPRA + CNDA

56,7 %

64,1 %

57,3 %

78 %

73,8%

72,3%

81,5%

5. Combien de mineurs non accompagnés étaient présents à la fin de l’année dans les services départementaux d’Aide sociale à l’enfance ?

Les données disponibles permettent de connaître le nombre de MNA pris en charge par l’ensemble des départements de France métropolitaine en fin d’année.

Le calcul de la clé de répartition nationale se base en partie sur le « nombre de mineurs effectivement pris en charge par le département » au 31 décembre de l’année précédente (art. R.221-13 CASF). Chaque Conseil départemental est ainsi tenu de faire remonter ces chiffres auprès du ministère de la Justice, qui doit ensuite publier la clé de répartition au 15 avril.

Cependant, la décision fixant chaque année « les objectifs de répartition proportionnée des accueils de mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille » mentionne le résultat du calcul de la clé de répartition (exprimé en pourcentage) sans préciser les données ayant mené à ce résultat (parmi lesquelles, le nombre de MNA pris en charge par les Conseils départementaux au 31 décembre).

Ainsi, alors que le ministère de la Justice connait précisément le nombre de MNA recensés en fin d’année, avec un détail par département, l’absence de communication autour de ce chiffre donne lieu régulièrement à des approximations lorsqu’il s’agit d’évoquer le nombre de MNA accueillis par les départements.  Ces approximations ont été illustrées récemment par l’Assemblée des départements de France (ADF) qui, dans une « fiche-info » publiée sur son site Internet en octobre 2020, évoque « 40 000 mineurs pris en charge en fin d’exercice ». Ce chiffre de 40 000, apparu en 2019 dans les communications de l’ADF (voir par exemple la « fiche info » de février 2019), ne repose sur aucune donnée précise mais est évoqué régulièrement dans les débats publics relatifs à l’accueil des MNA, par de nombreux acteurs (médias, élus, représentants du gouvernement, ONG).

Malgré l’absence de communication du ministère de la Justice sur les effectifs de MNA dans chaque département, les documents parlementaires publiés dans le cadre du projet de loi de finances 2021 permettent de prendre connaissance de ces données (voir notamment l’avis du député Brahim Hammouche publié le 28 octobre 2020). Le ministère de l’Intérieur a par ailleurs confirmé le chiffre pour 2019 dans une réponse à une question parlementaire publiée le 22 septembre 2020.

MNA accueillis par les Conseils départementaux au 31 décembre

2017

2018

2019

2020

20 969

28 411

31 009

n.d.

Ces chiffres peuvent être mis en perspective en les rapportant à l’ensemble des mineurs pris en charge par les services d’ASE en fin d’année. La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des Solidarités et de la Santé recensait ainsi 189 670 enfants accueillis à l’ASE au 31 décembre 2019 en France métropolitaine, sur son portail statistique. À cette date, les MNA représentaient donc 16% des enfants accueillis à l’ASE à l’échelle nationale. Au total, en incluant les mesures n’impliquant pas un hébergement par l’institution, 367 000 mesures d’aide sociale à l’enfance étaient en cours fin 2019 d’après la DREES : les MNA étaient donc concernés par 8% de ces mesures.

Plusieurs limites peuvent être évoquées concernant ces données :

  • La formulation du texte réglementaire portant sur la clé de répartition ne permet pas de savoir si les départements doivent faire remonter l’ensemble des MNA pris en charge, y compris ceux encore en cours d’évaluation, ou seulement ceux confiés par décision judiciaire.
  • Les données communiquées par les départements ne sont pas contrôlées par le ministère de la Justice, et les Conseils départementaux pourraient ainsi transmettre des statistiques à la hausse (en arrondissant ou en incluant par exemple les jeunes majeurs) : plus le nombre de MNA accueillis en fin d’année est élevé, plus le nombre à accueillir l’année suivante sur leur territoire au titre de la clé de répartition national sera bas.
  • Il ne s’agit là que des MNA pris en charge par les Conseils départementaux, et pas de l’ensemble des MNA présents en France. Certains jeunes, dont le nombre est impossible à évaluer, ne sont pas inclus dans ces chiffres car ils n’ont pas (encore) sollicité de protection ou parce que leur situation est en cours d’évaluation (notamment à travers une saisine du juge pour enfants, qui n’a pas encore pris sa décision).
  • Les jeunes majeurs isolés étrangers, que les Conseils départementaux peuvent prendre en charge à l’ASE à travers un « contrat jeune majeur », ne sont normalement pas inclus dans ces statistiques. Aucune donnée publique ne permet de connaître cet élément.

Aucune donnée précise à l’échelle nationale n’était disponible avant l’année 2017. En effet, ce n’est qu’à partir de cette année-là que les départements ont été tenus de remonter les effectifs de MNA en fin d’année, suite à la validation du mécanisme de répartition nationale dans la loi du 14 mars 2016 sur la protection de l’enfance.

Les données sur la présence de MNA avant 2017 sont approximatives ou largement incomplètes, et il n’est donc pas possible d’analyser précisément l’évolution du nombre de MNA à l’échelle nationale avant cette date (les données issues de plusieurs rapports permettent cependant de produire cette analyse sur plusieurs années à l’échelle de quelques départements).

Malgré quelques écrits sur ce thème dans les années 1980 (un article de Claire Rodier, publié en 1986, mentionne par exemple la présence de 6 000 MNA en France fin 1983), le phénomène des MNA est surtout devenu visible en France dans les années 1990 et n’a fait l’objet de recherches fournies qu’à partir des années 2000.  Une étude publiée en 2002 par la sociologue Angélina Etiemble mentionnait la présence de 253 mineurs isolés en 1999, mais seulement 29 départements étaient concernés par ce recueil de données. Pour l’année 2000, les données portant sur 33 départements indiquaient la présence de 360 MNA pris en charge. En 2005, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) indiquait que « près de 2 500 » MNA étaient présents dans les Conseils généraux au 30 septembre 2004, mais seuls 64 départements avaient alors répondu à l’enquête menée par les inspecteurs. Dans un rapport publié en mai 2010 par la Sénatrice Isabelle Debré, en mission auprès du Garde des Sceaux, il est indiqué que « le nombre de mineurs isolés étrangers présents sur le territoire en 2009 varie, suivant les sources, entre 4 000 et 8 000 ». Une proposition de loi présentée en 2014 par le Sénateur Jean Arthuis rappelait dans son exposé des motifs cette estimation de 8 000 MNA « actuellement présents sur le sol français ».

6. Quel est le coût de la prise en charge des mineurs non accompagnés pour les conseils départementaux sur l’ensemble d’une année ?

Les données disponibles ne permettent pas de connaître le coût de la prise en charge des MNA pour les conseils départementaux. Dans sa publication du 17 décembre 2020, la Cour des Compte soulignait « la méconnaissance des coûts réels des dispositifs et procédures liés aux MNA, qui constitue une lacune grave tant pour piloter cette politique que pour la gérer de manière efficiente »

L’évaluation du coût de prise en charge suppose d’abord de connaître le nombre de jeunes pris en charge tout au long de l’année dans l’ensemble des départements. Cette donnée, qui se distingue de celle portant sur le nombre de jeunes reconnus mineurs dans l’année (point 2) et de celle portant sur le nombre de MNA accueillis en fin d’année (point 5) – ces MNA n’étant pas nécessairement accueillis sur l’ensemble de l’année -, n’est pas connue.

Il convient ensuite de connaître le prix de journée moyen appliqué à la prise en charge de ces jeunes, une donnée là aussi inconnue tant les modes d’accueils sont divers au sein des différents départements. Dans son rapport d’activité 2019, l’association InfoMIE a listé les prix de journée constatés dans les cahiers des charges des appels à projet relatifs à des dispositifs pour MNA : l’essentiel des prix de journée sont compris dans une fourchette allant de 40 à 80 €, seuls cinq appels à projets sur les 33 analysés proposant un prix de journée supérieur à 100 €.  Le rapport précité de la députée Delphine Baggary, publié en 2017, évoquait à titre d’exemple un dispositif d’accueil des MNA à Paris au prix de journée de 44 €, incluant un hébergement en hôtel (pratique constatée dans plusieurs départements) et un accompagnement par une association.

L’affirmation figurant dans la « fiche-info » précitée de l’ADF publiée en octobre 2020, selon laquelle « le coût moyen de la prise en charge d’un MNA au titre de l’ASE (…) est estimé en moyenne à 50 000€ par mineur et par an » est donc erronée puisque cela supposerait un prix de journée moyen de 136 € pour l’ensemble des MNA pris en charge en France. L’extrapolation souvent citée, par exemple dans une proposition de loi déposée par des députés Les Républicains en octobre 2020, selon laquelle le coût total de la prise en charge pour les conseils départementaux serait de deux milliards d’euros est également fausse puisqu’elle prend pour hypothèse deux données erronées : le prix de journée moyen (136 €, bien au-delà donc de ce qui est souvent pratiqué) et le nombre de MNA accueillis tout au long de l’année (40 000, un chiffre nécessairement surestimé au regard des éléments connus sur les admissions annuelles – voir point 3 – et sur les effectifs présents en fin d’année – voir point 5)

Une évaluation des coûts pourrait être produite par une remontée statistique par chaque département, des sommes consacrées localement à l’accueil et la prise en charge des MNA. La Cour des comptes indiquait cependant dans la décision précitée que « l’absence de comptabilité analytique dans la majorité des départements les empêche (…) de distinguer ce qui relève des MNA dans leurs dépenses ». La centralisation des informations disponibles au sein de chaque collectivité territoriale constitue un enjeu majeur et pose à nouveau la question du pilotage national des politiques publiques concernant les MNA.

Enfin, il convient de souligner que la prise en charge financière des MNA est assurée en partie par l’État au titre d’un mécanisme de compensation des sommes engagées par les conseils départementaux pendant la phase d’évaluation d’une part, et du versement de plusieurs millions d’euros chaque année pour la prise en charge pérenne par les services d’ASE.  Un rapport de la députée Stella Dupont publié en octobre 2020, dans le cadre de l’examen de la loi de finances 2021, faisait état des sommes prévues et dépensées chaque année dans ce cadre :

Sommes versées par l’État aux Conseils départementaux pour la prise en charge des MNA, 2016-2021.

 

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Crédits prévus dans la loi de finances

(en millions d’euros)

0

15,26

132

141,2

162

120,4

Crédits dépensés

(en millions d’euros)

16,5

32,5

145,1

126,9

n.d.

n.a.

7. Combien de mineurs non accompagnés accèdent à un titre de séjour à leur majorité ?

En situation régulière jusqu’à leurs 18 ans, les mineurs non accompagnés doivent solliciter un droit au séjour pour demeurer sur le territoire français à leur majorité. Les statistiques dans ce domaine sont limitées, ce public n’étant généralement pas distingué dans les données publiques publiées par le ministère de l’Intérieur.

C’est notamment le cas pour les MNA qui, ayant été admis à l’Aide sociale à l’enfance avant l’âge de 15 ans, acquièrent la nationalité à leur majorité : les données disponibles sur l’accès à la nationalité française ne permettent pas de connaître le nombre d’ex-MNA concernés.

Pour ceux qui sollicitent un titre de séjour, la Cour des comptes indique dans son rapport précité de décembre 2020 que « cette étape du parcours des MNA est gérée et suivie aux plans administratif et statistique avec si peu de rigueur qu’à l’incertitude sur le nombre de titres de séjour délivrés à d’ex-MNA chaque année s’ajoute l’absence de suivi par cohortes qui permettrait de mesurer la proportion d’entre eux dont le statut est précaire ou inconnu une fois qu’ils ont quitté l’ASE ». La Cour mentionne cependant une statistique sur les demandes de titre de séjour formulées par d’ex-MNA - 18 918 de 2016 à 2019 – et s’interroge sur l’écart entre cette donnée et le nombre de jeunes admis à l’ASE dans cette période (bien plus important).

Pour ceux qui ont formulé une demande d’asile avant leur majorité, l’OFPRA fournit des statistiques détaillées sur le nombre de protections accordées (voir point 4).

8. Combien de mineurs non accompagnés sont accueillis dans les autres pays de l’Union européenne ?

L’agence statistique européenne Eurostat propose des données uniquement sur les mineurs non accompagnés demandeurs d’asile dans l’Union européenne : seul le droit d’asile relève de la compétence de l’UE, contrairement à la protection de l’enfance. Eurostat indiquait ainsi dans une publication d’avril 2020 que 13 795 MNA avaient enregistré une demande d’asile dans l’un des 27 États membres de l’UE.

Ce panorama statistique à l’échelle européenne ne couvre donc pas l’ensemble des situations de MNA dans l’UE. Ce peut être le cas dans certains pays, où la prise en charge de tous les MNA s’inscrit dans le cadre du système d’asile national, mais dans d’autres pays il peut y avoir d’importants écarts (par exemple en France, voir points 3 et 4 : en 2019, 16 760 MNA ont été admis à l’ASE mais seulement 755 ont formulé une demande d’asile). Par ailleurs, ces données sur les demandes d’asile de MNA portent sur une période annuelle et ne permettent pas de savoir combien de ces jeunes étaient présents sur le territoire des États membres à la fin de chaque année. 

Plusieurs agences des Nations unies publient par ailleurs des statistiques sur les arrivées annuelles de mineurs non accompagnés sur le territoire européen. La dernière communication, en date de juin 2020, fait ainsi état de 9 000 MNA arrivés en Espagne, Italie, Grèce, Malte ou Chypre sur l’ensemble de l’année 2019 (contre 12 700 en 2018).