Psychologue clinicien auprès d'enfants, avec mon épouse Sigolène, cadre de santé, nous avons décidé d'accueillir chez nous pendant plusieurs mois une personne venant d'Ukraine, de Kharkiv plus précisément. C'était à l'automne 2022. Nous y pensions déjà depuis le début de la terrible guerre que subit ce pays. Ce qui nous a profondément heurté c'est le sentiment profond d'assister au retour des menaces totalitaires et barbares que nos grands-parents ont vécu, subi il n'y a pas si longtemps que cela ; c'est que le "plus jamais ça" répété année après année pouvait n'être que des mots ; c'est que l'Europe pour laquelle nous nourrissons tant d'espérances après nos aînés peut à nouveau connaître le pire ; c'est que des innocents puissent encore et encore être les victimes d'une géopolitique aux mains de dictateurs.

Cette personne âgée de 42 ans nous a appris que sa sœur était réfugiée en Allemagne, sa mère en Suisse et son fils de 23 ans aux Pays-Bas. Lorsque nous nous sommes rencontrés, cette personne était en formation chez un sous-traitant d'une grande marque de l'industrie du luxe français. Il lui a fallu faire preuve d'un grand investissement, d'une grande abnégation pour continuer à être retenue dans les effectifs de cette maison. Cela a heureusement payé puisqu'elle a été recrutée dans le cadre d'un CDD de 9 mois. Cette personne va nous quitter très prochainement avec l'espoir de trouver son propre logement et nous pensons, bien sûr, rester en contact avec elle, si elle le souhaite.

Ce soutien nous aura invité à mieux comprendre quels sont les enjeux de cette guerre en Ukraine. Il nous aura aussi permis de mesurer que l'accueil d'une inconnue est quelque chose de possible. Ce type d'accueil nous expose également à comprendre que nous sommes bien pauvres quand il s'agit d'accueillir l'autre. Mais cela nous invite, nous confirme donc qu'il nous faut apprendre à transformer nos peurs, à élargir nos horizons, à être préoccupés au-delà de nous-mêmes.


Jacques Tyrol, Caluire