Le 18 octobre est la journée européenne de la lutte contre la traite des êtres humains, dont sont victimes de nombreux ressortissants de pays tiers. A cette occasion, les institutions et agences de l’Union européenne ont rappelé leur travail en la matière, de la surveillance des frontières au renforcement des capacités des instances nationales, avec également un volet répressif et des dispositions sur le droit au séjour.

La traite des êtres humains (TEH) est l’action de recruter, transporter, transférer, héberger ou recevoir de personnes, par la menace ou l’emploi de la force, ou d’autres formes de contrainte, telles que l’enlèvement, la fraude, la tromperie, l’abus de pouvoir ou de position de vulnérabilité ou encore le paiement ou l’octroi d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne, à des fins d’exploitation. Cette exploitation comprend, au minimum, l’exploitation par la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou des pratiques similaires à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes. Cette définition est issue de la Convention du Conseil de l’Europe relative aux actions contre la TEH de 2005, ratifiée par tous les États membres de l’UE – qui s’y réfère dans sa législation.

Bien que la TEH ne puisse être mesurée avec certitude, ces pratiques illégales se réalisant dans l’ombre, il est observé par les acteurs de l’asile qu’une part importante d’exilés en est victime. Cette population est, en effet, particulièrement exposée aux réseaux criminels lors des parcours de migration, ces derniers profitant de leur situation de vulnérabilité. En 2021, d’après Eurostat, 7 150 victimes (de toutes nationalités, et pas nécessairement exilées) ont été recensées. Ce chiffre est en hausse par rapport aux années précédentes. Plus des deux tiers (68%) étaient des femmes et des filles, majoritairement exploitées sexuellement.

L’UE est engagée dans la lutte contre cette forme de criminalité et agit sur plusieurs volets.

Premièrement, l’agence des garde-frontières et garde-côtes Frontex a la mission d’accorder une attention particulière aux voyageurs aux frontières extérieures, non seulement pour vérifier leurs documents et confirmer leur identité, mais aussi pour établir leur statut de vulnérabilité. Beaucoup de victimes ne se rendant pas compte d’être victime, la mission de l’agence est également de sensibiliser et d’orienter ces personnes.

Deuxièmement, l’agence de l’UE pour l’asile (EUAA de son sigle anglais) forme les professionnels de l’asile des États membres sur leur identification et soutien lors des procédures d’asile, les textes du régime d’asile européen commun (RAEC) obligeant les États membres à identifier les victimes et évaluer les besoins spéciaux en termes d’accueil et d’entretien (par exemple la nécessité d’être hébergé dans un centre sécurisé, d’échanger avec un agent du même sexe et/ou d’avoir plus de temps pour son récit). Un cours spécialisé se concentre, par exemple, sur les techniques d’entretien et la prise de décision pour les demandes d’asile des victimes ou des victimes potentielles de la traite. L’agence élabore également des recommandations. Lors des premiers mois de la guerre en Ukraine, elle a notamment recommandé de vérifier les antécédents judiciaires des familles accueillant des Ukrainiens et de créer des mécanismes de plaintes dédiés. 

Troisièmement, l’UE agit sur le plan répressif, notamment au travers d’Europol, l’agence de coopération des polices nationales, et de la plateforme pluridisciplinaire contre les menaces criminelles EMPACT. Celle-ci englobe des mesures en matière d'enquêtes, de contrôles des frontières extérieures et de coopération policière, douanière et judiciaire, ainsi que des mesures concernant la gestion de l'information, l'innovation, la formation, la prévention et la dimension extérieure de la sécurité intérieure, tout comme des partenariats public-privé. En 2022, elle a par exemple participé à l’identification de 4 019 victimes de traite et à l’arrestation de 3 646 passeurs de migrants. Le nombre de convictions judiciaires reste nonobstant limité.

Quatrièmement, la législation de l’UE permet aux victimes originaires de pays tiers de rester sur le territoire européen (directive 2004/81) et d’avoir accès à un soutien psychologique (directive 2011/36).

La directive 2011/ 36 de prévention et combat de la TEH et protection de ses victimes est aujourd’hui en cours de réforme (en phase de trilogues, de négociations informelles entre la Commission, le Parlement européen et le Conseil avant la première lecture officielle). Il est question d’élargir son champ d’application pour y inclure le mariage forcé, l’adoption illégale, la gestation pour autrui à des fins d’exploitation reproductive; de faire explicitement référence à Internet et aux technologies de l’information et de la communication; de  veiller à ce que les victimes qui ont également besoin d’une protection internationale bénéficient d’un soutien et d’une protection appropriés; de criminaliser l’utilisation, en connaissance de cause, des services fournis par une victime; d’ introduire des sanctions pour les entreprises reconnues coupables de traite, par exemple en les excluant des subventions publiques ; de veiller à ce que les victimes ne soient pas poursuivies pour des actes criminels qu’elles ont été contraintes de commettre, et qu’elles reçoivent un soutien, qu’elles coopèrent ou non aux enquêtes ; d’établir des mécanismes nationaux de renvoi et des points nationaux pour l’orientation des victimes ; et d’introduire l’obligation pour les États de recueillir des données annuelles pour la Commission.

De plus, la Commission appelle les législateurs à la reprise et à la conclusion rapide des négociations sur la proposition de règlement relatif aux mesures contre les opérateurs de transport qui facilitent ou pratiquent la traite des personnes ou le trafic illicite de migrants.

Par ailleurs, l’UE a créé un coordinateur européen de la lutte contre la TEH, qui est chargé, comme son nom l’indique, d’améliorer la coordination et la cohérence entre les institutions, les agences de l’UE, les États membres et les acteurs internationaux, ainsi que de développer les politiques existantes. Cela comprend le suivi de la mise en œuvre de la stratégie de l’UE de lutte contre la TEH (2021-2025), qui inclut, entre autres, des fonds dédiés, une campagne de prévention, et une coopération renforcée avec des pays tiers. Ce coordinateur rencontre par ailleurs tous les ans les rapporteurs nationaux existants et les acteurs de la société civile impliqués dans la lutte.

Malgré ces efforts, le groupe d’experts du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la TEH (GRETA) identifie régulièrement des lacunes dans l’identification et la protection des victimes de la traite parmi les migrants et les demandeurs d’asile. En France, par exemple, il existe trop peu de places dédiées et d’offres de soutien psychologique, et il n’existe pas de mécanisme national de référence.