Cet article propose une synthèse des principaux éléments de la conférence du 13 octobre 2020, à laquelle plus de 150 personnes ont assisté en ligne : « Mali,

L’actualité récente, avec le coup d’État du 18 août 2020, le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta et la mise en place d’un gouvernement de transition par les militaires, ainsi que la libération d’otages en échange de la libération de plus de 200 détenus djihadistes, reflète la complexité de la situation sécuritaire et politique du pays. Mais des particularités sociétales propres au Mali sont également en jeu dans les motifs de demande de protection des exilés maliens arrivant en Europe.

Sur les quelques 20 millions de ressortissants que compte le Mali, on estime que 4 millions vivent à l’étranger, principalement dans les pays voisins (Côte d’Ivoire, Niger, Burkina Faso) mais également en France où il y a eu, en 2019, 3 909 demandes d’asile déposés par des ressortissants maliens.

La situation sécuritaire s’est fortement dégradée depuis 2012 avec l’expansion des groupes djihadistes sur une grande partie du territoire, mais également d’autres groupes armés, notamment des milices et des groupes d’auto-défense dont la présence est importante dans le centre du Mali devenu l’épicentre des crises maliennes. Le nombre de déplacés, les enlèvements et les meurtres dont sont victimes des civils, hommes, femmes, enfants, sont en augmentation, surtout dans les régions du centre. Les exactions sont le fait des groupes terroristes, de différentes milices, mais également de l’armée malienne elle-même.

L’absence de l’État dans les régions occupées par ces groupes armés favorise le banditisme. Dix pour cent des enfants ne peuvent plus se rendre à l’école à cause de l’insécurité. Les centres de santé ont cessé de fonctionner faute de personnels et d’acheminement des médicaments (près d’un centre de santé sur cinq ne fonctionne plus). La Justice est totalement absente, ou corrompue. Dans ce contexte de catastrophe sécuritaire et humanitaire, de corruption et d’exactions, les contestations sociales et politiques ont favorisé le dernier coup d’État du 18 août 2020.

A ces situations sécuritaires complexes, changeantes et volatiles, il faut observer également des problématiques propres au Mali qui expliquent les départs.

Les femmes subissent des violences sexistes, des violences conjugales, et l’excision y est fortement répandue, aucune loi n’interdisant cette pratique. Le contexte social et religieux malien (même si les Maliens pratiquent majoritairement un Islam tolérant) n’est pas propice à l’émancipation des femmes. Les réformes successives du code de la famille se sont toutes soldées par un échec. L’application stricte de la charia dans les régions sous contrôle des groupes djihadistes contribue aux inégalités entre les femmes et les hommes et à la dégradation des droits civils.  

L’esclavage se pratique dans tous les groupes ethniques et religieux, dans toutes les régions du Mali. Les conflits entre ethnies dans la région du Centre se multiplient du fait de la pression sur les terres agricoles et les pâturages. Les Dogons (agriculteurs sédentaires) et les Peuls (traditionnellement bergers nomades) se disputent l’accès aux ressources dans un contexte de changement climatique, de pression démographique et d’absence de régulation des conflits fonciers par les chefs traditionnels ou par l’État.

L’État malien n’a pas les moyens de protéger la population et de surveiller les frontières, les trafics perdurent (armes, drogues, mais aussi trafic d’êtres humains), les forces armées sont dépassées, font preuve d’incompétence et sont également responsables d’exactions. Aujourd’hui beaucoup de nouvelles interrogations pour l’avenir ont surgies suite à l’installation par la junte militaire d’un gouvernement de transition et suite à la libération d’otages contre des détenus rendus aux groupes djihadistes.