En présentant son rapport annuel en juillet 2020, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la traite des êtres humains a alerté l’Assemblée générale des Nations Unies sur les conséquences de la pandémie de Covid-19 dans ce domaine. Reprenant les constats figurant dans une note publiée le 8 juin 2020 elle soulignait l’augmentation du risque d'exploitation des femmes, des enfants, des migrants et d'autres personnes vulnérables pendant cette période : «Cette crise mondiale risque d’exacerber la tendance à l’exploitation des plus faibles, d’autant plus que ces personnes voient leurs vulnérabilités aggravées par le chômage, le manque de protection sociale et la perturbation de la chaîne d’approvisionnement ». Elle observe en outre que la lutte contre la traite et les efforts pour identifier et aider les victimes ne sont plus à la hauteur car le gouvernement utilise ses ressources ailleurs pendant la pandémie.

Les conséquences de la crise sanitaire sur la situation des personnes victimes de traite ont également été abordées par le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Le Comité explique dans un document paru le 11 novembre 2020 que les réalités de la traite des femmes et des filles s’étendent désormais bien au-delà du monde hors ligne, soulignant les tendances récentes de la traite dans l’espace numérique. Les technologies de messageries instantanées, les transactions financières anonymes, les difficultés de traçages, favorisent les activités des trafiquants d’êtres humains. Ces derniers peuvent plus facilement piéger leurs potentielles victimes qui sont en outre dans une situation de plus grande vulnérabilité.

La crise du coronavirus et les mesures de confinement ont tendance à augmenter l’exposition sur les réseaux sociaux des personnes vulnérables et notamment les femmes et les jeunes filles pouvant être recrutées à des fins d’exploitation sexuelle. Plus de 70% des victimes détectées de la traite sont des femmes et des filles, tandis que près d'un tiers sont des enfants, selon une communication de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime publiée à l’occasion de la Journée mondiale de la lutte contre la traite d’êtres humains (30 juillet). Dans la majorité des cas signalés, les victimes sont destinées à l'exploitation sexuelle.

Le CEDAW confirme que malgré les cadres juridiques et politiques de lutte contre la traite existant aux niveaux national, régional et international, les femmes continuent de constituer la majorité des victimes détectées de la traite dans le monde et les auteurs jouissent d'une impunité généralisée. De l'avis du Comité, cette situation persiste en raison d'un manque d'appréciation des dimensions sexistes de la traite. Les causes profondes résident en effet dans la discrimination fondée sur le sexe, des normes culturelles et sociales discriminatoires qui engendrent l’oppression de différents groupes de femmes. Les structures économiques et patriarcales dans les pays d’origine et les politiques d'asile dans les États créent des situations de vulnérabilité pour les femmes en particulier.

Les experts du CEDAW appellent les gouvernements à s'attaquer aux problèmes fondamentaux qui poussent les femmes et les filles dans des situations de vulnérabilité : les injustices économiques, les inégalités fondées sur le sexe, les situations de conflits et les politiques migratoires sexistes. Ils appellent à mettre en place un nouveau cadre de migration sensible au genre pour protéger les femmes et les filles migrantes.

 

Photo d'illustration : © 2018 European Union (photo by Samuel Ochai)