Grèce : une suspension du droit d’asile contraire au droit de l’Union européenne
Le parlement grec a autorisé, le 11 juillet 2025, la suspension, pendant trois mois, de l’enregistrement des demandes d’asile des personnes arrivant irrégulièrement d’Afrique du Nord par bateau, comme mesure pour limiter l’accueil de ces demandeurs et le traitement de leurs demandes, cela en toute illégalité.
Le 11 juillet 2025, le parlement grec a voté en faveur d’un amendement interdisant pendant trois mois aux personnes arrivant irrégulièrement (c’est-à-dire sans autorisation d’entrée préalable) par bateau d’Afrique du Nord de demander l’asile. Cette législation prévoit par ailleurs un retour immédiat vers leur pays de transit ou d'origine.
Cette mesure est une réaction à l'augmentation du nombre d'arrivées en provenance de Libye depuis deux ans, particulièrement sur les îles de Crète et Gavdos, mais surtout de la rupture diplomatique qui a vu les autorités libyennes ordonner au commissaire européen chargé des migrations, Magnus Brunner, et au ministre grec des migrations, Thanos Plevris, de quitter immédiatement le pays le 8 juillet 2025. Le ministre a déclaré aux législateurs que jusqu'à mille migrants arrivaient chaque jour et a qualifié la situation d'« invasion ».
En mars 2025, la Pologne avait adopté une loi similaire, sur le modèle finlandais, permettant aux autorités de suspendre temporairement l’enregistrement des demandes d’asile des personnes entrant irrégulièrement dans le pays, avec des exceptions prévues pour les personnes vulnérables (voir notre article sur le sujet).
Toutes ces mesures sont contraires au droit de l’Union européenne (UE). Ni la Directive 2013/32, dite « procédure », actuellement applicable, ni le règlement 2024/1348, également connu sous le nom « procédure », du Pacte de l’UE sur la migration et l’asile, prochainement applicable (juin 2026), ne permettent de suspendre les enregistrements. Le règlement 2024/1359, dit « crise », qui sera lui aussi applicable au printemps 2026, permet uniquement à un État membre confronté à une situation de « crise », pouvant être caractérisée par de l’instrumentalisation (situation dans laquelle un pays tiers ou un acteur non étatique hostile encourage ou facilite le mouvement de ressortissants de pays tiers ou d'apatrides vers les frontières extérieures ou vers un État membre, dans le but de déstabiliser l'Union ou un État membre) à enregistrer les demandes quatre semaines après la présentation desdites demandes, au plus tard, soit en 30 jours. De plus, cette dérogation ne pourra être appliquée que pendant la période prévue dans une décision d’exécution du Conseil, et il n’y aura pas de prolongation possible (article 10).
A fortiori, le droit international interdit tout refoulement : les États ne peuvent en aucun cas expulser une personne vers un lieu où elle risque d'être soumise à la torture ou à de mauvais traitements (article 33 de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951). Un examen individuel de chaque demande de protection internationale doit avoir lieu.
Les avertissements émis par plusieurs instances œuvrant dans le domaine des droits de l'homme (Médiateur grec, Commission nationale grecque des droits de l'homme, Association des juges administratifs grecs, Assemblée plénière des barreaux grecs, Conseil de l'Europe et Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR)) ont malheureusement été ignorés.
Refugee Support Aegean, une organisation non-gouvernementale grecque membre du Conseil européen sur les réfugiés et les exilés, invite les fonctionnaires grecs à ne pas appliquer cette mesure, le droit international et européen ayant la primauté sur le droit national grec. De plus, l’organisation a annoncé contester ce nouveau cadre légal devant les tribunaux.
Le 14 août 2025, la Cour européenne des droits de l’homme a ordonné à la Grèce, en tant que mesure provisoire, de ne pas expulser huit hommes soudanais qui n’ont pas pu enregistrer leur demande, en attendant une décision des tribunaux nationaux.


