Selon le HCR, entre janvier et septembre 2019, 2 700 migrants (dont 28% de mineurs) sont arrivés à Malte alors que ce chiffre s’élevait à 800 sur la même période en 2018. Les principales nationalités sont le Soudan (52%), l’Erythrée (9%), le Nigéria (6%) et le Maroc (6%). 1 610 premières demandes d’asile ont été déposées en 2017, 2 035 en 2018, et déjà 2 130 entre janvier et août 2019 selon Eurostat pour une population nationale de 450 000 habitants. Malte doit donc faire face à cette hausse des arrivées avec une capacité d’accueil limitée d’environ 1 500 places. Au lieu d’augmenter les capacités d’accueil, le gouvernement a décidé d’utiliser une disposition nationale qui permet, en cas de « motif de suspecter qu’une personne puisse disséminer une maladie », de « restreindre les mouvements de cette personne » pendant un délai de quatre semaines, extensible jusqu’à 10 semaines « afin de finaliser les tests microbiologiques lorsque c’est nécessaire ».

Ainsi toutes les nouvelles personnes arrivées sont accueillies dans le centre de premier accueil (Initial Reception Centre) de Marsa pour procéder aux tests médicaux. Initialement géré comme un centre d’accueil ouvert, la liberté de circulation a été restreinte à partir de juin 2018 pour devenir de manière non-officielle un centre de rétention. Selon l’association maltaise Aditus, plusieurs personnes ont été retenues plus de 100 jours si ce n’est plus, y compris après les vérifications sanitaires. Puisque les personnes ne sont pas formellement « placées en rétention », les garanties procédurales sont mises de côté par les autorités. Le centre d’Hal-Far et le centre de rétention Hal Safi sont également utilisés pour retenir les demandeurs d’asile et migrants sur motifs médicaux. Les conditions d’accueil sont particulièrement précaires, notamment pour les 440 enfants non accompagnés arrivés en 2019 en provenance de la Libye dont la situation est alarmante. Ils partagent des logements surpeuplés avec des adultes qui ne sont pas de leur famille dans des conditions comparables à celles de prisonniers selon le HCR. Les protestations et les tensions sont de plus en plus importantes dans ces centres avec des manifestations régulières des détenus et violemment réprimées par les forces de police. Cependant, le 21 octobre, la rétention de six demandeurs d’asile au centre d’Hal Safi au-delà de la limite des dix semaines pour des motifs médicaux a été jugée illégale par la cour maltaise qui a ordonné une libération immédiate.

Plus globalement, la politique maltaise en matière d’asile et de migration suscite certaines inquiétudes. La situation géographique de l’île l’a amené à devoir accueillir un plus grand nombre de bateaux suite aux fermetures des ports italiens sous le gouvernement Salvini. Ainsi, selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 75% des arrivées à Malte en 2019 font suite à des sauvetages dans la zone maltaise de recherche et de secours, presque tous opérés par les forces armés maltaises. Cependant, le positionnement du gouvernement maltais a particulièrement attiré l’attention lors de la découverte d’un accord avec les autorités libyennes afin de faciliter l’interception des navires par les garde-côtes libyens se dirigeant vers l’île, en autorisant l’intervention de ces garde-côtes sur les eaux territoriales maltaises. Le HCR a notamment décidé d’ouvrir une enquête sur l’interception d’une embarcation de migrants dans la zone de recherche et de sauvetage maltaise par les garde-côtes libyens le 22 octobre dernier. Les cinquante personnes se trouvant à bord ont ainsi étaient ramenés en Libye. Un rapport d’Alarm Phone relève que les autorités maltaises ont consciemment reporté des procédures de secours à plusieurs reprises. Le 11 juillet dernier, le HCR et l’OIM appelaient encore à un changement d’approche internationale à l’égard des réfugiés et des migrants en Libye rappelant que « tout doit être mis en œuvre pour éviter que les personnes secourues en Méditerranée ne soient débarquées en Libye, pays qui ne peut être considéré comme un port sûr ».

De plus, une autre inquiétude porte sur les conditions d’application des accords ad hoc de répartition négociés bateau par bateau depuis juin 2018. Les personnes débarquées sont automatiquement détenues dans le centre de Marsa sans possibilité de déposer une demande d’asile, elles restent donc de facto détenues sans statut de demandeurs d’asile jusqu’à leur transfert dans un autre Etat membre. Ce processus est contraire à l’obligation d’enregistrer les demandes d’asile et de fournir les conditions matérielles d’accueil adéquates comme établie par la directive européenne Accueil. De plus, la sélection des personnes éligibles à la répartition est laissée à la discrétion des Etats, avec des procédures d’asile se déroulant sur place, le respect des droits et des garanties procédurales établis par le régime d’asile européen commun sont aussi remis en cause.