Pendant les 14 mois d’exercice du gouvernement composé en juin 2018, la politique italienne en matière d’asile et d’immigration a connu un véritable durcissement. Alors que les premiers mois d’exercice ont été marqués par la fermeture des ports aux navires portant secours aux migrants (juin 2018), les derniers ont abouti à l’adoption d’un second décret sécuritaire en août 2019 faisant suite à un premier texte portant sur le droit d’asile (sur ce texte, voir notre article de newsletter de décembre 2018). Ce deuxième décret-loi, adopté par une large majorité, accorde au ministre de l’Intérieur des pouvoirs élargis pour interdire les eaux territoriales aux ONG, permettant aussi de confisquer les bateaux humanitaires et d’imposer à leurs commandants des amendes pouvant aller jusqu'à un million d'euros et dix ans de prison.

Lors de l’installation du nouveau gouvernement en septembre 2019, le leader du Parti Démocrate Nicola Zingaretti invoquait la nécessité d’un « changement radical » dans la politique de fermeture de ports. Le M5S rappelait lui fermement sa volonté de maintenir les politiques mises en place par Matteo Salvini, alors que le premier ministre Giuseppe Conte promettait d’être« encore plus rigoureux sur l’immigration illégale que le gouvernement précédent ». De son côté, la nouvelle ministre de l’Intérieur Luciana Lamorgese, ex-préfète sans étiquette politique, déclarait la mise en place de travaux préparatoires visant à modifier les décrets sécuritaires toujours en vigueur actuellement.

Concernant le débarquement des navires ayant secourus des migrants, la position italienne s’est assouplie, notamment depuis la conclusion le 23 Septembre 2019 d’un préaccord entre quelques pays européens prévoyant un mécanisme temporaire de rotation de ports de débarquement et un transfert des migrants secourus vers un nouveau pays d’accueil (voir notre article de newsletter d’octobre 2019 à ce sujet). Cette procédure de répartition a notamment été activée le 24 novembre 2019, en permettant à 352 migrants secourus par les navires humanitaires Ocean Viking, Open Arms et Aita Mari de débarquer en Italie. Le 3 décembre 2019 Rome a également autorisé le débarquement de 121 migrants, sauvés par les navires humanitaires Alan Kurdi et Ocean Viking, suite à la décision de la Commission européenne de lancer la procédure de répartition et à l’acceptation par l’Allemagne et la France d’accueillir une partie des personnes secourues.

Alors qu’une récente étude menée par l’European University Institute de Florence (Italie) a contesté la corrélation entre la présence des ONG en mer Méditerranée et le nombre de départs de bateaux clandestins des côtes libyennes, et malgré la situation désastreuse en Libye, les autorités italiennes semblent toujours chercher prioritairement à éviter les départs depuis ce pays. Le 30 octobre 2019, le chef de la diplomatie italienne Luigi Di Maio, du M5S,  a annoncé au Parlement le renouvellement de l’accord avec la Libye visant à stopper les arrivées de migrants sur les côtes italiennes, qui sera donc prolongé pour trois ans à partir du 2 novembre 2019. Cet accord, signé en février 2017 par l’ancien premier ministre italien Paolo Gentiloni et le chef du gouvernement libyen d’union nationale Fayez al-Sarraj, délègue aux autorités libyennes certaines opérations de secours en mer, en leur offrant une aide financière et la formation de garde-côtes.

Dans l’objectif de « rester rigoureux sur l’immigration illégale », le gouvernement a par ailleurs signé le 4 octobre 2019 un décret établissant une liste de 13 pays désignés comme « pays d’origine sûrs » sur la base de leur système légal actuel et de la situation politique générale. Les demandeurs d’asile originaires de ces pays seront soumis à une procédure accélérée. Le ministre Luigi Di Maio a aussi annoncé que des négociations visant à signer des accords de rapatriement avec ces pays d’origine sont prévues dans les prochains mois.

Ainsi, tout en semblant faire preuve d’une approche différente notamment en matière de fermeture des ports, le nouveau gouvernement n’a pas totalement rompu avec les orientations politiques précédentes cherchant davantage à freiner les arrivées qu’à mieux les organiser.