Créée en 2010, la mission de cette agence européenne est de contribuer à la mise en œuvre du régime d’asile européen commun (RAEC) en apportant un appui et en coordonnant la coopération entre les États membres. Elle peut soutenir les États de plusieurs façons : par une aide pratique et technique ; un soutien opérationnel sur des besoins spécifiques ou face à des pressions particulières ; et des contributions pour l’élaboration des législations et des politiques européennes relatives à l’asile. Depuis le début de ses opérations en juin 2011, elle a fourni une assistance opérationnelle à sept États membres (Grèce, Luxembourg, Suède, Italie, Bulgarie, Chypre, et Malte). En décembre 2019, l’EASO menait des activités de soutien opérationnel dans quatre États représentant 40% du budget total de l’Agence en 2019 : Grèce, Italie, Chypre et Malte.

Dans ce rapport, ECRE étudie la mise en œuvre des plans opérationnels qui sont de plus en plus débattus au niveau européen dans les politiques migratoires et d’asile. En effet, dans le cadre de la réforme du RAEC, la Commission européenne a notamment proposé la création d’une Agence de l’UE pour l’asile qui aurait un rôle de soutien renforcé auprès des autorités nationales dans la détermination du statut de protection internationale. Avec cette réforme en perspective, une évaluation des activités de soutien opérationnel de l’EASO est d’autant plus pertinente qu’elles seraient amenées à être accrue dans l’avenir.

Tout d’abord, la majorité des personnes déployées sont des experts d’États membres et des experts locaux en intérim, complétés par des équipes de l’EASO. Vingt États membres contribuent au déploiement d’experts nationaux notamment l’Allemagne et les Pays-Bas qui fournissent la moitié des experts, mais aussi la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Belgique, et la Pologne. Le plan opérationnel établi entre l’État membre hôte et l’EASO détermine les activités de soutien mises en place qui diffèrent d’un pays à un autre. Tous les pays (Grèce, Italie, Chypre, et Malte) bénéficient d’un soutien dans l’enregistrement et dans l’examen des demandes d’asile en première instance. Cependant, en Italie, les équipes déployées ne sont pas habilitées à mener les entretiens ni à rédiger des avis sur les décisions en première instance. Seule la Grèce reçoit un soutien sur les procédures d’appel. Chypre ne bénéficie pas de soutien sur la procédure Dublin. Tous les pays reçoivent un soutien en termes de système d’accueil, sauf Malte.

Sur l’enregistrement des demandes, pendant le premier semestre 2019, sur 55 159 demandes d’asile déposées en Grèce, en Italie et à Chypre, 30 084 ont été déposées auprès d’assistants EASO en charge de l’enregistrement. Ainsi, respectivement 53%, 55% et 61% des demandes sont enregistrées avec le soutien de l’agence européenne. Cet appui important est mené de façon similaire dans chaque pays avec le déploiement d’agents au sein des autorités nationales compétentes dans différentes régions du pays.

Le soutien dans l’examen des demandes d’asile en première instance constitue la partie centrale des activités d’appui, avec une majorité d’experts locaux et d’experts d’États membres déployés comme agents au sein des autorités compétentes. Le soutien principal apporté est la conduite d’entretien avec les demandeurs et la rédaction d’avis pour les autorités de première instance qui gardent la responsabilité d’émettre la décision sur la demande d’asile. Si les agents apportent leur soutien en cas de procédure normale dans tous les pays, en Grèce ils sont également en charge d’appuyer les procédures accélérées à la frontière mises en œuvre sur les îles dans le cadre de la déclaration UE-Turquie. En juillet 2019, environ 60 agents étaient en charge d’aider dans la procédure accélérée et 30 dans la procédure normale dans ce pays. Ce rôle des agents déployés par l’EASO dans la procédure accélérée sur les îles grecques a également son importance politique. Comme relevé dans le rapport, le service grec de l’asile explique que l’engagement d’experts d’États membres démontre que la déclaration UE-Turquie n’est pas seulement mise en œuvre par la Grèce mais par l’ensemble de l’UE.

L’évaluation de la qualité du travail délivré par l’Agence dans les procédures d’asile varie d’un pays à un autre. En Grèce, à Chypre et en Italie, les mécanismes mis en place par l’EASO interagissent avec des initiatives des autorités nationales en collaboration avec le HCR. Dans son évaluation non-exhaustive de l’efficacité de ces activités de soutien opérationnel, ECRE relève que l’impact a été particulièrement positif dans le domaine de l’enregistrement des demandes, dans le déroulement des requêtes Dublin, lorsque des besoins humains urgents ont pu être couverts par l’agence. Si le déploiement des agents a soutenu les autorités de première instance à traiter les dossiers en attente, l’impact sur la qualité des procédures d’asile et sur l’amélioration des systèmes d’asile semble plus mitigé. L’enjeu du contrôle de la qualité reste majeur notamment dans le cadre de procédure d’admissibilité qui représente une grande partie du travail des agents déployés. L’influence des enjeux et des considérations politiques pose également question, menant parfois à des analyses légales erronées.

Le suivi et l’évaluation de l’efficacité et de la qualité de ces activités de soutien est d’autant plus important que l’EASO a récemment annoncé le renouvellement des plans opérationnels avec les autorités en charge de l’asile des quatre États, et le doublement des déploiements opérationnels en 2020 pour atteindre 2 000 personnes déployées dans les quatre pays.