La directive prend ses origines dans les années 1990 alors que l’Union européenne (UE) – alors Communauté économique européenne – fait face à des arrivées massives de personnes déplacées suite au conflit en ex-Yougoslavie puis au Kosovo. Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) introduit alors la protection temporaire comme un élément clé de sa réponse globale à la crise humanitaire et appelle les États à mettre en place des régimes de protection pour les personnes déplacées. Chaque État membre fournit des statuts de protection temporaire selon son cadre légal et basés sur des critères différents. Cette réponse désordonnée des États induit des régimes de protection variés et une répartition déséquilibrée entre les Éats des personnes en besoin de protection.

De 1992 à 1996, la Communauté européenne adopte plusieurs dispositions relatives aux personnes déplacées du fait du conflit en ex-Yougoslavie et sur la répartition des charges en ce qui concerne l’accueil et le séjour à titre temporaire des personnes déplacées. Puis, le traité d’Amsterdam de 1997 et les Conclusions de Tampere de 1999 ouvrent le processus d’harmonisation des politiques d’asile et prévoient notamment la mise en place de normes minimales relatives à la protection temporaire et des mesures pour assurer la solidarité entre les États membres.

Dans ce contexte, la directive 2001/55/CE est adoptée le 20 juillet 2001 et a pour objectif « d’instaurer des normes minimales relatives à l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées en provenance de pays tiers qui ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine, et de contribuer à un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de l’accueil ». Elle permet donc de fournir un statut de protection temporaire basé sur des critères communs dans l’ensemble des pays de l’UE et introduit un système de répartition des bénéficiaires entre les différents États selon leurs capacités d’accueil. Cette procédure à caractère exceptionnel doit permettre de fournir une protection immédiate si le système d’asile du ou des État(s) membre(s) de premier accueil risque de ne pas pouvoir traiter cet afflux sans provoquer d’effets contraires à son fonctionnement. Elle assure également une plus grande harmonisation et coordination dans l’accueil et la protection des personnes.  

Le processus d’activation est initié par la Commission européenne, ex officio ou suite à l’évaluation d’une demande d’un État membre, qui soumet la décision au Conseil de l’UE pour adoption à majorité qualifiée. Le Parlement européen est informé de la décision. Dans sa décision, le Conseil constate la situation d’afflux massif de personnes déplacées et précise les groupes de personnes auxquels s’applique la protection temporaire, incluant des personnes qui peuvent relever du champ d’application de la Convention de Genève, ou des personnes fuyant des zones de conflit armé ou de violence endémique, ou victimes de violations systématiques ou généralisées des droits humains ou sur lesquelles pèsent de graves menaces à cet égard. La durée d’application est d’un an minimum, et peut être prorogé par période de 6 mois pour une durée maximum de deux ans au total. Le dispositif prend fin soit à la fin de la durée maximale, ou suite à une décision du Conseil sur proposition de la Commission. La décision du Conseil se fonde sur la situation dans le pays d’origine qui doit permettre un retour sûr et durable.

La décision mentionne également les capacités d’accueil communiquées par chaque État membre. Le transfert repose sur un double volontarisme, celui de l’État d’accueil et celui de la personne déplacée. Un modèle de laissez-passer est annexé à la directive pour faciliter le transfert entre les États. Lorsque le transfert est effectué, le titre de séjour dans l’État de départ expire et le nouvel État accorde la protection temporaire aux personnes concernées avec un titre de séjour. Ce titre est valable pendant toute la durée de la protection. Les bénéficiaires se voient accorder le droit d’exercer une activité professionnelle, d’accéder à la formation professionnelle, à un logement approprié, de recevoir une aide sociale et financière ainsi que des soins médicaux. Les enfants ont accès au système éducatif, et les besoins particuliers des personnes vulnérables doivent être pris en compte. Si certains membres d’une même famille bénéficient de la protection temporaire dans différents pays de l’UE, ou si certains membres ne sont pas encore sur le territoire de l’UE, ils doivent bénéficier du regroupement familial.

Les bénéficiaires d’une protection temporaire peuvent déposer une demande d’asile auprès du pays d’accueil. Les États peuvent décider que le bénéfice de la protection temporaire ne peut être cumulé avec le statut de demandeur d’asile pendant l’instruction de la demande. A l’issue de l’examen, si aucune protection n’est accordée au titre du statut de réfugié ou d’un autre statut de protection, le bénéfice de la protection temporaire est maintenu.

En 2011, l’Italie et Malte ont demandé l’activation de cette directive, mais la Commission n’a pas donné suite à cette demande. Après les arrivées en 2015, les députés européens adoptent deux résolutions (2015/2660(RSP) et 2015/2095(INI)), qui appellent la Commission et le Conseil à appliquer cette directive. En 2016, la Commission européenne publie un rapport d’analyse de cette directive qui expose ses avantages, ses inconvénients et les raisons de l’absence de mise en œuvre. Le rapport indique que la directive propose une définition très large du terme « arrivée massive ». Ce qui apparait comme un atout de flexibilité s’avère être un point de blocage dans le processus d’accord entre les États membres.

La procédure d’activation complexe est liée à l’atteinte d’un accord entre les États, allant à l’encontre des objectifs de réactivité et de rapidité de la directive. Depuis son adoption en 2001, la Commission européenne et les États membres ont priorisé le développement de mécanismes alternatifs, avec notamment la mise en place des soutiens financiers et techniques européens, du régime d’asile européen commun, et des mécanismes de prévention et de réponse au niveau national. En 2015, la Commission et le Conseil privilégient la mise en place d’un système de relocalisation, non pas sans difficultés et oppositions entre les États. Le développement de dispositifs alternatifs additionné aux faiblesses inhérentes de la directive n’a pas convaincu d’activer la directive.

La Commission tend à poursuivre l’adoption et la mise en œuvre de mesures provisoires et à réformer le règlement Dublin III avec la possibilité d’inclure un mécanisme permanent de relocalisation en cas de crise. En 2016, dans sa communication relative à la réforme du régime d’asile européen commun, la Commission indique d’ailleurs qu’une réforme du règlement Dublin et un soutien financier de l’UE permettraient d’envisager l’abrogation de la directive relative à l’octroi d’une protection temporaire. Les nouveaux instruments européens seront le résultat de négociations politiques complexes qui doivent aboutir un compromis entre les différentes positions des États tout en sauvegardant le droit fondamental à demander l’asile.