En septembre 2015, compte tenu de la situation d’urgence liée à l’arrivée des ressortissants de pays tiers en Grèce et en Italie, le Conseil avait adopté deux décisions de relocalisation des demandeurs d’asile vers les autres États membres de l’Union européenne (UE). Ces derniers avaient l’obligation d’indiquer à intervalles réguliers, et au moins tous les trois mois, un nombre approprié de demandeurs de protection internationale pouvant faire rapidement l’objet d’une relocalisation sur leur territoire et, par la suite, de mettre en œuvre ces obligations de relocalisation leur incombant.

Bien qu’ayant indiqué, en décembre 2015, que 100 personnes pouvaient être relocalisées sur son territoire, la Pologne n’avait finalement pas procédé à ces relocalisations, et n’avait pris par la suite aucun autre engagement de relocalisation. Quant à la Hongrie, elle n’avait ni indiqué un nombre de personnes pouvant faire l’objet d’une relocalisation, ni procédé à aucune relocalisation. Enfin, si en février et en mai 2016 la République tchèque avait indiqué un nombre de 50 personnes pouvant être relocalisées sur son territoire, seulement douze personnes avaient effectivement été relocalisées depuis la Grèce. Aucun engagement de relocalisation ultérieure n’avait été pris par ce pays.

Fin 2017, la Commission avait saisi la CJUE afin qu’elle sanctionne le manquement par ces États à leur obligations découlant du droit de l’UE. La Pologne et la Hongrie avaient alors motivé leurs refus en invoquant leurs responsabilités en matière de maintien de l’ordre public et de sauvegarde de la sécurité intérieure. La République tchèque, en revanche, avait soulevé comme moyen le dysfonctionnement du mécanisme de relocalisation, en s’appuyant sur le manque de coopération de la part de l’Italie et de la Grèce. Ces arguments ont été rejetés par la Cour. Elle a affirmé, quant au premier argument, qu’un État ne peut pas invoquer des raisons d’ordre public et de sécurité intérieure de manière péremptoire et sans établir de rapport direct avec un cas individuel. En deuxième lieu, une appréciation unilatérale sur le fonctionnement du mécanisme de relocalisation ne peut pas servir d’argument pour s’en soustraire. D’après la CJUE, en ne respectant pas la décision prise collectivement par l’UE d’accueillir un quota de réfugiés par État membre, les trois pays ont manqué à leurs obligations.

En principe, les autorités nationales devraient se conformer à la décision de la Cour et remédier aux manquements allégués, mais le système de relocalisation a désormais pris fin. Quel sera alors l’effet de cette décision tardive? La Cour souligne que le constat d’un manquement continu peut avoir un intérêt matériel, notamment en vue d’établir la responsabilité qu’un État membre, en conséquence de son manquement, à l’égard d’autres États membres de l’Union ou de particuliers. L’idée de forcer ces pays à accueillir des réfugiés semble toutefois impossible. « Cette décision n’aura aucune conséquence. La politique de quotas étant depuis longtemps caduque, nous n’avons aucune obligation de prendre des demandeurs d’asile », a réagi la ministre de la justice hongroise, Judit Varga. « Nous avons perdu le différend, mais ce n’est pas important. Ce qui est important, c’est que nous n’avons rien à payer », a abondé le premier ministre tchèque, Andrej Babis.

Selon la procédure, si, en dépit de l’arrêt de la Cour, le pays de l’UE condamnée n’agit pas par la suite, la Commission européenne peut le renvoyer devant la Cour en proposant d’imposer des sanctions financières. Pour l’instant aucune proposition en ce sens n’a été avancée. Si cela sera confirmé, cette décision risque de rester essentiellement symbolique.

 

Photo d'illustration : © Rebecca Harms / Bence Jadarny