Malgré les multiples outils législatifs et opérationnels développés ces dernières années pour renforcer la politique de retour au niveau européen, la Commission européenne continue de déplorer un taux de retour trop faible, avec un tiers des personnes ordonnées de quitter l’Union européenne (UE) effectivement éloigné (142 320 sur 491 195 en 2019). La Commission appelle donc à la mise en place d’un système européen de retour qui doit se baser sur des structures européennes solides, un cadre légal et opérationnel consolidé et une coopération renforcée avec les pays tiers. En matière d’évaluation, la Commission souligne que si le taux de retour est un indicateur important, la situation des individus concernés est également à prendre en compte, incluant le respect de leurs droits et les perspectives de réintégration dans les pays d’origine. Ainsi, elle souhaite à travers cette stratégie renforcer l’utilisation des retours volontaires et des mesures de réintégration qui ont déjà démontré une plus grande efficacité – y compris financière – que les retours forcés, améliorer la qualité du soutien aux personnes concernées, et renforcer la cohérence et la gouvernance au niveau européen.

Cette stratégie s’intègre pleinement dans le Pacte européen sur la migration et l’asile qui prévoyait déjà la nomination d’un coordinateur européen en matière de retour, la mise en place d’un réseau de haut niveau en matière de retour et cette nouvelle stratégie sur le retour volontaire. Elle se fonde sur de multiples initiatives existantes développées par l’UE, notamment le réseau européen pour le retour et la réintégration composé de plusieurs Etats membres et pays associés à l’espace Schengen afin de faciliter la coopération entre autorités compétentes. Le réseau fournit notamment une aide aux personnes soumises à un retour grâce à un recours conjoint à des prestataires de services de réintégration dans les pays de retour et le développement de solutions innovantes en matière de coopération. L’Agence européenne de garde-frontières et garde-côtes (Frontex) a également renforcé ses capacités en matière d’aide au retour volontaire depuis 2020 dans le cadre de son nouveau mandat en matière de retour. 18% des opérations de retour organisées par l’Agence en 2020 concernaient des retours volontaires selon la Commission. Frontex coordonnera par ailleurs à partir de mi-2022 le réseau européen pour le retour et la réintégration. De plus, dans le cadre du réseau européen des migrations, la Commission a élaboré un cadre pour l’activité de conseil en matière de retour, et également mis en place un inventaire de l’aide au retour et à la réintégration.

Selon la Commission, la part des retours volontaires représente actuellement 27% de l’ensemble des éloignements. Elle pointe plusieurs enjeux et difficultés qui limitent l’efficacité et la durabilité des programmes d’aide au retour volontaire et de réintégration. Les disparités entre les programmes des États membres en matière de champ d’application, de procédures et de niveau d’aide fournie est la première problématique soulignée par la Commission. Ce manque d’harmonisation impacte la confiance des personnes concernées, complexifie la mise en œuvre des accords de réadmission et la fourniture de services de réintégration complémentaire, voire induit des mouvements secondaires des migrants en situation irrégulière. Elle souligne également l’importance d’entamer le processus le plus tôt possible pour faciliter l’acceptation du retour. À ce titre, le risque de fuite doit être mieux géré notamment à travers des procédures et des règles communes rapides et équitables en matière d’asile et de retour et une meilleure aide au retour volontaire. Elle indique également que le dialogue devrait se dérouler le plus tôt possible y compris, le cas échéant, au cours de la procédure d’asile pour les ressortissants venant de pays avec un faible taux de protection. Le manque de données détaillées est également pointé du doigt puisque les Etats ne sont pas obligés de préciser le type de retour ni l’aide fournie. L’orientation et le conseil apparaissent également comme des facteurs importants, notamment la qualité des services et les exigences minimales en matière de qualification et de formation des conseillers en matière de retour, ainsi que la coordination entre les parties prenantes.

Afin de répondre à ces problématiques, la stratégie s’articule ainsi autour de sept axes de travail. Le premier porte sur le cadre juridique et opérationnel avec notamment la finalisation de la révision de la directive dite « Retour » initiée en septembre 2018, mais également la proposition amendée du règlement dit « Procédure » qui intègre une nouvelle procédure d’éloignement suite à une procédure d’asile à la frontière.

Plusieurs autres textes législatifs doivent également permettre une meilleure harmonisation et efficacité des retours volontaires incluant la révision du règlement Eurodac, le règlement amendé sur les statistiques migratoires, le système d’informations Schengen. Le mandat élargi de Frontex devra également permettre de renforcer son action à destination des États en matière de retour volontaire avec la nomination d’un directeur adjoint dédié au retour. Le deuxième axe vise à renforcer la coordination entre les structures et les programmes de réintégration tant au niveau des autorités locales et nationales, qu’avec la diaspora, les communautés locales et les organisations de la société civile afin de réduire la perception négative du retour. Le troisième axe vise à soutenir le retour volontaire depuis et entre les pays tiers, tels que le programme conjoint de l’UE et de l’Organisation internationale pour les migrations pour la protection et réintégration des migrants qui soutient l’aide au retour volontaire et à la réintégration durable dans la région du Sahel, du Lac Tchad, dans la Corne de l’Afrique et en Afrique du Nord. Des partenariats multilatéraux et régionaux devront être développés sur la base de cette expérience. La Commission souhaite en quatrième point renforcer le service de conseil et d’orientation à travers un cadre européen et le développement d’un programme de formation commun pour les conseillers en matière de retour. Le cinquième axe porte sur le renforcement de la qualité de l’aide fournie, en tenant compte des capacités et des besoins individuels, notamment pour les groupes vulnérables à travers l’élaboration d’un cadre de qualité pour les prestataires de services de réintégration incluant des normes communes et des indicateurs de performance. La stratégie vise dans un sixième axe à promouvoir des mesures de réintégration qui contribuent et s’intègrent dans les stratégies de développement des pays partenaires et qui visent à une amélioration progressive de l’adhésion des pays d’origine au processus de réintégration. Le dernier axe se concentre sur le financement européen qui se fera par le Fonds asile, migration et intégration dans le cadre du nouveau budget pluriannuel européen 2021-2027. La Commission s’engage à renforcer son rôle et son soutien aux actions des États qui visent à promouvoir l’augmentation des retours volontaires et à financer les programmes d’aide et de réintégration. En complémentarité, l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération international et l’instrument d’aide de préadhésion contribueront également à la réintégration en se focalisant sur le développement de structures et de capacités dans les pays partenaires.