L'Italie est un pays de destination mais aussi de transit des itinéraires identifiés par les réseaux criminels de traite. Etroitement lié aux flux migratoires arrivant par mer ou à travers les frontières terrestres, ce phénomène a pris des mesures particulièrement importantes. Les données disponibles montrent que si le Nigeria a été pendant longtemps le principal pays d'origine des victimes potentielles de la traite arrivant en Italie (environ 80 %), les victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle, et dans une moindre mesure, d'exploitation domestique des femmes ivoiriennes est en augmentation, ainsi que les cas d'exploitation par le travail des mineurs. Selon un rapport de l'OIM de 2019, le pourcentage d'hommes et de femmes arrivant de Côte d'Ivoire s'est inversé (37% d'hommes et 46% de femmes). Selon les données du Département italien de l'égalité des chances, où sont enregistrés les cas effectivement pris en charge, il s'avère que 78% sont d'origine nigériane, suivis de la Roumanie avec 2,2%, du Bangladesh avec 2%, de la Côte d'Ivoire 1,9% et Maroc 1,5%.

En Italie, une procédure d'identification des victimes de la traite est en place et peut être appliquée en toutes circonstances. Cet article porte sur l'identification et la référence dans le cadre de la procédure de protection internationale. Dans le contexte italien, il a été relevé que l'identification "préliminaire" ou "informelle" peut être réalisée avant l'entretien devant la Commission territoriale – les autorités de détermination en charge de l’évaluation la demande d'asile – dans le cadre du dépôt de la demande de protection internationale à la Préfecture de police ou, encore, dans les centres d'accueil. Dans ce cas, plusieurs acteurs notamment les opérateurs travaillant dans le système d'hébergement se réfèrent à des entités spécialisées dans l’aide aux victimes de la traite. Cependant, cette pratique doit être encouragée car elle favorise une identification précoce des victimes potentielles de la traite parmi les personnes sollicitant une protection internationale. Dans d'autres cas, cependant, c'est la Commission territoriale elle-même qui peut être amenée à procéder à une identification préalable grâce à l'instruction du dossier et notamment lors de l'entretien individuel. Il peut détecter les premiers indicateurs utiles pour croire raisonnablement que le demandeur d'asile peut être victime de la traite ou risque de le devenir.

Cette première identification par la Commission Territoriale permet d’orienter les victimes présumées vers les opérateurs qualifiés du dispositif de lutte contre la traite afin d’adopter les mesures nécessaires à court terme. Elle facilite également l'adoption de mesures adéquates de protection, d'assistance et d'intégration sociale prévues pour les victimes de la traite. De plus, les souffrances et les traumatismes résultant des expériences de traite nécessitent des interventions adaptées qui ne sont pas nécessairement (seulement) attribuables aux activités des entités de lutte contre la traite. Il est donc primordial que les Commissions territoriales soient en mesure d'identifier les besoins spécifiques des victimes afin de les orienter avec leur accord vers des services spécialisés. Ces besoins ne sont pas toujours dévoilés car l'expérience traumatique est souvent source de honte voire de souffrance grave dans la mesure où elle est supprimée. Il est nécessaire de faciliter l'émergence de besoins spécifiques en temps opportun avec des services spécialisés. Par conséquent, lorsque de tels besoins sont identifiés, les Commissions territoriales informent les candidats sur les services pertinents disponibles sur le territoire à travers du matériel d'informations spécifique. Suite à cette orientation, il sera possible pour les demandeurs, sous réserve de leur consentement éclairé, d'être accompagnées dans le recours aux services spécialisés, qui pourront être différents selon les besoins de la personne : clinique gynécologique et, de manière générale, services de protection de santé sexuelle et reproductive, des centres et établissements de lutte contre la violence, des services de santé mentale ou, le cas échéant, des services spécifiquement dédiés aux victimes de torture. La complexité de ces besoins peut nécessiter une prise en charge par différents professionnels, même après avoir obtenu le statut de protection internationale.

Tant au niveau européen que national, les obligations des États et les dispositions pour les demandeurs d'asile et les personnes bénéficiant d'une protection internationale sont définies dans le cadre légal. Les États membres sont tenus d'identifier et d'évaluer les besoins spécifiques du demandeur et d'en tenir compte dans les dispositions relatives aux conditions d'accueil. En Italie, ces obligations sont inscrites dans le décret législatif 142/2015, mettant en œuvre la directive sur Accueil, qui dans son article 17 (accueil des personnes ayant des besoins spéciaux) définit les victimes de la traite comme des personnes vulnérables dont la situation spécifique doit être prise en compte. Il est de la plus haute importance qu'une victime de la traite qui a été identifiée et prise en charge puisse continuer à être soutenue suite à la reconnaissance de son statut de protection internationale et par la suite dans le processus d'intégration. Il est important que les services soient en capacité d'identifier et de répondre de manière adéquate aux besoins spécifiques de la personne victime de la traite. Au cours du projet TRIPS, grâce aux entretiens menés avec des acteurs clés, il est apparu très clairement que les bénéficiaires de la protection internationale victimes de traite doivent pouvoir s'appuyer sur des opérateurs qualifiés et des spécialisées.

Sur la base de l'expérience du Conseil Italien pour les Réfugiés (CIR), nous pensons que les lignes directrices en Italie sur « L'identification des victimes de la traite des demandeurs de protection internationale et les procédures de référencement » publiées par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en collaboration avec la Commission nationale pour le droit d'asile sont un outil efficace pour faciliter et mettre en place une procédure non seulement d'identification mais aussi de soutien dans la phase suivant la reconnaissance du statut de protection internationale. De plus, il favorise l'intervention du réseau d'accompagnement de la personne qui bénéficiera plus tard de services spécialisés. Les lignes directrices représentent, selon le CIR, une bonne pratique mise en œuvre en Italie depuis 2016 et qui peut être une source d'inspiration dans d'autres contextes nationaux.

 

Cet article a été rédigé dans le cadre du projet TRIPS - identification of TRafficked International Protection beneficiaries’ Special needs par Italian Council for Refugees . Il fait partie d'une série d'articles sur le projet TRIPS élaborés par chaque partenaire du projet : Churches’ Commission for Migrants in EuropeImmigrant Council of IrelandOrganization for Aid to RefugeesForum réfugiés-Cosi.

 

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