Lorsqu’un étranger est arrêté au moment de son arrivée sur le territoire français, il peut se voir notifier une décision de refus d’entrée s’il ne dispose pas des documents nécessaires. Avant tout renvoi dans son pays d’origine, ou dans un autre pays au titre d’accords de réadmission conclus par la France, il peut cependant exprimer sa volonté de demander l’asile en France. L’exercice de ce droit fondamental ne souffre en effet d’aucune exception, et la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés consacre ce principe de non refoulement. Dans cette hypothèse, les autorités françaises peuvent placer les personnes dans un lieu de privation de liberté situé dans les gares, ports et aéroports ouverts au trafic international, la zone d’attente. À défaut d’un tel lieu à proximité de l’arrestation, les autorités doivent orienter les personnes demandant l’asile vers une procédure sur le territoire (ce qui n’est pas toujours le cas en pratique, notamment aux frontières franco italienne et franco espagnole).

Le placement en zone d’attente est une décision administrative qui dure au maximum 4 jours, mais peut être prolongée ensuite par le juge des libertés et de la détention pour une période de huit jours renouvelable une fois : la durée maximale du maintien en zone d’attente est ainsi de 20 jours.

La demande d’asile formulée dans ces lieux ne donne pas lieu à une instruction complète avec toutes les garanties entourant cette procédure sur le territoire. L’enjeu est cependant différent puisqu’il ne s’agit pas d’attribuer une protection internationale (statut de réfugié ou bénéfice de la protection subsidiaire) dans ces lieux. En effet, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) auditionne la personne pour savoir si sa demande n’est pas « manifestement infondée » : dans cette hypothèse elle transmet un avis positif au ministère de l’Intérieur qui délivre alors un « sauf conduit » de huit jours pour qu’une demande d’asile sur le territoire puisse être formulée.

L’un des enjeux porte sur cette appréciation du caractère « manifestement infondé » d’une demande. Le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) tente de préciser cette notion en indiquant (art. L. 352-1) qu’il s’agit d’une « demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves ». Le terme « manifestement » suppose une appréciation assez souple, visant simplement à écarter des situations qui ne relèverait d’évidence pas de l’asile (par exemple si un étranger indique qu’il ne souhaite pas rentrer dans son pays au regard des difficultés économiques qui l’y attendent) dans l’attente d’une instruction plus approfondie sur le territoire après la sortie de zone d’attente. En pratique cependant, l’OFPRA demande parfois des éléments assez précis sur les craintes en cas de retour avec un niveau d’exigence proche de celui d’une instruction sur le territoire, alors que les garanties procédurales sont bien moindres.

Tout d’abord, le contexte de privation de liberté ne permet généralement pas à la personne de disposer des conditions nécessaires pour réunir les éléments sur sa situation et exprimer ses craintes avec le niveau de détail attendu. Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) précise ainsi dans ses « principes directeurs » à ce sujet publiés en 2012 que « la détention de demandeurs d’asile devrait normalement être évitée et ne constituer qu’une mesure de dernier ressort », et indique que « le respect du droit de demander l’asile implique l’instauration de dispositifs d’accueil ouverts et humains pour les demandeurs d’asile ». Ces difficultés sont accentuées par le mode de communication entre le demandeur et l’OFPRA. Seules les demandes d’asile formulées à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaule  - qui représentent cependant l’immense majorité des demandes d’asile formulées en zone d’attente - permettent une audition en présentiel avec l’OFPRA. Dans les autres zones d’attente, l’entretien se déroule par téléphone ou en visioconférence, avec toutes les limites que cela implique en termes de qualité des échanges- notamment dans un contexte où le recours à un interprète est souvent nécessaire – comme l’a souligné le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE) dans un rapport à ce sujet publié en 2018.

L’évaluation et la prise en compte des vulnérabilités dans ces lieux, pourtant exigée par le droit national et européen, constitue également une limite importante à l’exercice du droit d’asile en zone d’attente. L’identification des situations nécessitant une instruction spécifique, voire une admission sur le territoire pour traiter la demande d’asile dans de bonnes conditions, ne peut être menée en l’absence d’outils et de procédures spécifiques en ce sens à disposition des acteurs de l’asile en zone d’attente. Pour les mineurs non accompagnés, la loi pose comme principe qu’ils doivent être admis sur le territoire en cas de demande d’asile à la frontière tout en posant des exceptions qui peuvent être interprétées largement par la police aux frontières. Lorsque leur demande est instruite dans le cadre de la zone d’attente, ils sont accompagnés par un administrateur ad hoc qui assure temporairement leur représentation légale, un dispositif marqué par de nombreuses limites comme l’a souligné l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafe) dans une note publiée en mars 2022. Cette même organisation avait par ailleurs souligné dans un rapport de 2013 la mise en œuvre complexe du droit au recours (qui s’exerce devant le tribunal administratif) dans le cadre de la demande d’asile en zone d’attente.

D’après les dernières données disponibles, 819 demandes d’asile avaient été formulées en zone d’attente en 2020 (contre 2050 en 2019, niveau jamais constaté depuis 2012). L’OFPRA a rendu 49% d’avis positifs cette année-là, contre 40% l’année précédente. Avant 2017, le taux d’avis positifs n’avait jamais dépassé 26%.