Au-delà des débats sur la pertinence de l’objectif de réduction des délais, lorsqu’il n’intègre pas une analyse plus globale des autres enjeux liés à la mise en œuvre du droit d’asile (voir notre article de septembre 2020), les rapports d’activité de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) – publié le 20 juin 2022 - et de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) – publié le 28 janvier 2022 – permettent de dresser un état des lieux autour de cette question.

À l’OFPRA, le délai moyen de traitement s’élevait à 261 jours (soit 8 mois et 21 jours) contre 262 jours en 2020. Environ 49 207 dossiers étaient en instance à la fin de l’année contre 84 500 fin 2020 (avec un pic à près de 90 000 demandes en stock en octobre 2020). Le recrutement de 150 agents (équivalents temps plein) dédiés à l’instruction des demandes d’asile à l’automne 2020 a fortement augmenté la capacité décisionnelle de l’OFPRA qui souligne dans son rapport d’activité que le délai moyen de traitement était descendu à 231 jours en décembre 2021 ce qui laisse présager « une baisse plus marquée au cours des premiers mois de l’année 2022 ». L’objectif fixé par le gouvernement dans le cadre de la loi de finances, qui visait un délai de moyen de traitement par l’OFPRA de 112 jours fin 2021 est encore loin d’être atteint, tandis qu’un objectif de 75 jours a été fixé pour fin 2022 dans ce même cadre budgétaire. L’âge moyen du stock de l’OFPRA était de 5,8 mois fin décembre 2021 et 38% de son stock était composé de dossiers de moins de deux mois.

À la CNDA le « délai moyen constaté » - temps écoulé entre l’enregistrement de la requête et la notification de la décision - a baissé plus significativement après une forte hausse en 2020 : il est passé de 248 jours en 2020 à 218 jours en 2021 (7 mois et 8 jours). Le délai des « recours à 5 semaines » (délai fixé par la loi pour les demandes placées en procédures accélérée) a augmenté, passant de 3 mois et 21 jours à 4 mois, tandis que le délai des « recours à 5 mois » (délai fixé pour les demandes en procédure normale) a diminué, passant de 10 mois et 19 jours en 2020 à 8 mois et 16 jours en 2021. Le délai prévisible moyen – qui mesure le délai nécessaire à la CNDA pour juger la totalité des affaires en stock en fin d’année - a baissé significativement, passant de 9 mois et 17 jours fin 2020 à 5 mois et 25 jours fin 2021, une donnée encore supérieur à celle constatée fin 2019 (5 mois et 9 jours). Avec un taux de couverture de 100% en 2021 (91% en 2020), ce qui signifie que la CNDA rend autant de décisions qu’elle n’enregistre de recours - la Cour a maintenu le nombre d’affaire en instance en fin d’année 2021 (33 353) au même niveau qu’en fin 2020 (33 513). La proportion des dossiers en instance de jugement puis plus d’un an a fortement baissé, passant de 26,7% fin 2020 (18,2% fin 2019) à 12,1% fin 2021. 

Si l’on additionne les délais moyens OFPRA et CNDA, le délai global d’instruction était donc de 479 jours en 2021 (15 mois et 29 jours), soit 31 jours de moins qu’en 2020. Les contraintes liées à la crise sanitaire constatées à partir de 2020 continuent cependant de produire des effets sur les délais : comparé à l’année 2019, le délai global d’instruction est supérieur de 103 jours. Si l’on ajoute les délais inhérents à la procédure d’asile (délai de convocation au guichet unique pour demandeur d’asile, enregistrement de la demande par l’OFPRA, envoi du dossier OFPRA, délai de recours CNDA), il s’écoulait toujours près de 18 mois en 2021 entre l’entrée dans la procédure et la décision définitive.

Il convient par ailleurs de souligner qu’une partie des demandeurs d’asile, placés sous procédure Dublin et dont la demande est ensuite « éteinte » et revient sous la responsabilité de la France (près de 17 000 demandes en 2021), sont soumis à des délais bien supérieurs non documentés : plusieurs mois peuvent en effet s’écouler entre le premier enregistrement de leur demande d’asile et la prise en compte de leur dossier par l’OFPRA. L’absence de prise en compte des délais d’attente induits par le règlement Dublin dans l’analyse de la durée de la procédure d’asile en France est soulignée par un sénateur qui estime, dans un rapport publié en mai 2022, « qu’il serait pertinent de disposer d’un indicateur permettant de rendre compte, pour l’ensemble des demandeurs d’asile relevant de la responsabilité de la France, de la durée totale de la procédure, en incluant, le cas échéant, le délai pendant lequel ils ont été placés sous procédure Dublin ».

Ces délais s’éloignent très largement de l’objectif gouvernemental rappelé régulièrement, à savoir instruire les demandes en six mois, que l’on considère cet objectif le plus strictement en le restreignant aux délais devant les instance de l’asile (en additionnant les délais moyens OFPRA et CNDA sans prendre en compte les autres délais inhérents à la procédure d’asile) ou a fortiori que l’on calcule le délai du point de vue des demandeurs d’asile (en incluant tous les délais auxquels ils sont soumis entre le moment où ils expriment leur volonté de demander l’asile et celui où ils reçoivent une décision définitive sur leur demande). 

Enfin, les personnes qui obtiennent une protection au titre de l’asile sont par ailleurs soumis à un délai important de délivrance des actes d’état civil, ce qui freine de nombreuses démarches d’intégration (voir notre article de juin 2021). Le délai moyen de délivrance de ces actes a atteint huit mois en 2021 (contre 7,1 mois en 2020).