Un nombre record de demandeurs d’asile sans ressources
Alors que les autorités se félicitent d’un taux d’hébergement de 72 % pour les demandeurs d’asile, cette donnée ne concerne que les personnes éligibles aux conditions matérielles d’accueil, dont l’attribution est de plus en plus restrictive. Sur l’ensemble des demandeurs d’asile, le tableau est tout autre : plus de 57 000 d’entre eux ne disposaient d’aucune aide à la fin de l’année 2024.
L’année 2024 est marquée par un nombre de bénéficiaires de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) au plus bas qui révèle une inquiétante part de demandeurs d’asile dépourvus de conditions matérielles d’accueil (CMA). Fin 2024, plus de 57 000 personnes demandeurs d’asile ne bénéficiaient d’aucune ressource ni hébergement dans un dispositif dédié à leur situation (contre 43 000 environ fin 2023), ce qui représente 38,7% des 147 450 demandeurs d’asile dont le dossier était en cours d’instance par les autorités françaises à cette date. Jamais autant de demandeurs d’asile ne s’étaient trouvés dans cette situation. Les 90 329 personnes bénéficiant des conditions matérielles d’accueil à cette date ne représentaient donc que 61,3% de l’ensemble des demandeurs d’asile alors qu’ils étaient 96,1% en 2020 et jusqu’à 99,3% en 2018.
Alors que les autorités se félicitent d’une année 2024 « marquée par le plus haut niveau jamais constaté du taux d’hébergement des demandeurs d’asile éligibles dans le dispositif national d’accueil, à 72 % » qui dépasse l’objectif fixé pour 2024 (64%), ces résultats sont en réalité dus à l’évolution des lois et pratiques qui ont rendu de moins en moins de demandeurs d’asile éligibles aux CMA, entrainant alors une meilleure couverture des besoins pour les demandeurs éligibles.
Bien que l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ne publie pas de données détaillées sur les refus de CMA, pourtant indispensables pour analyser précisément notre dispositif d’accueil, l’une des causes principales amenant à la privation de CMA semble être la mise en œuvre du schéma national d’accueil, et plus particulièrement l’orientation directive : en 2024, 43 % des personnes orientées depuis l’Île-de-France vers d'autres régions ont perdu leurs droits en refusant cette orientation ou en ne se rendant pas sur le lieu désigné. Or, la volonté de rester en région parisienne peut reposer sur des motifs légitimes (vulnérabilités, attaches locales, suivi médical...) qui doivent être prises en compte au regard du droit mais qu’il est souvent difficile de faire valoir en pratique.
Pour les personnes éligibles aux CMA, le taux d’hébergement est donc au plus haut (72%) mais une part significative des demandeurs éligibles (28%) ne bénéficie pas d’une place dans un lieu dédié. Fin 2024, la France comptait 106 975 places dans le DNA, en légère baisse (-1,7 %) par rapport à 2023, mais 28 % des places étaient occupées à cette date par des déboutés (7%) mais surtout des réfugiés (21%), en présence autorisée ou indue. Cette situation illustre les difficultés d’intégration des bénéficiaires de la protection internationale, qui peinent à accéder au logement une fois la protection obtenue.
Ce contexte amène un nombre croissant de demandeurs d’asile à trouver des solutions d’hébergement en dehors du système d’asile. Ils peuvent notamment solliciter les dispositifs d’urgence de droit commun, mais eux aussi sont saturé : fin 2024, 7 500 demandeurs d’asile y étaient hébergés. Les autres trouvent refuge grâce à la solidarité citoyenne, à des réseaux informels, ou n’ont tout simplement aucun toit et deviennent sans-abri. Ces derniers représentent malheureusement une part conséquente des demandeurs d’asile qui se retrouvent dans campements regroupant des étrangers aux situations administratives diverses. Ainsi, ces camps se multiplient, notamment à Calais, Grande-Synthe ou dans les grandes métropoles.
Malgré ce contexte alarmant, la loi de finances 2025 a acté la fermeture de plusieurs milliers de places d’hébergement pour demandeurs d’asile, ce qui aura pour conséquence d’aggraver la situation.
⮕ Les données détaillées avec les sources et l’analyse des conditions matérielles d’accueil figurent dans l’édition 2025 de notre État des lieux de l’asile en France et en Europe, qui sera disponible le 3 juillet 2025.