Accès à la procédure d’asile : premiers retours sur le dispositif pilote « France asile »
Alors que le premier pôle territorial « France asile » a remplacé le Guichet unique pour demandeur d’asile (GUDA) dans le Val d’Oise en mai 2025, les retours d’expérience de plusieurs demandeurs d’asile permettent de mieux comprendre l’organisation de ce dispositif et d’identifier quelques points de vigilance.
La loi du 26 janvier 2024 a instauré un nouveau dispositif d’accès à la demande d’asile (voir notre article de février 2024), en remplacement des actuels « guichets uniques pour demandeurs d’asile » (GUDA). Ceux-ci devraient être remplacés par des Pôles France asile selon l’appellation figurant dans la loi, nommés aussi en pratique « Espaces France asile », après une phase pilote limité à quelques territoires.
Ils s’en distinguent par la présence d’un guichet de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui s’ajoute à ceux de la préfecture et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Un agent de l’OFPRA y est chargé d’enregistrer la demande et de recueillir le récit de demande d’asile qui ne sera donc plus exprimé à travers un formulaire écrit.
Un premier Espace France asile a été mis en place à Cergy-Pontoise (Val d’Oise) en remplacement du GUDA, à partir du 19 mai 2025, comme prévu par un arrêté d’avril 2025. Les personnes qui enregistrent leur demande d’asile dans ce département sont donc soumises au nouveau parcours d’entrée dans la procédure d’asile : une partie d’entre eux étant ensuite orienté vers d’autres régions au titre du schéma national d’accueil, les retours d’expériences sont recueillis au sein de lieux d’hébergement situés sur tout le territoire. Ils permettent d’avoir un premier aperçu de ce nouveau dispositif au sein duquel l’OFPRA procède (avec un interprète si besoin) à l’introduction de la demande d’asile, le recueil des coordonnées et de l’état civil, et au choix de la langue dans laquelle le demandeur souhaite être entendu pour la suite de la procédure.
Les demandeurs d’asile sont convoqués le matin, et l’heure de passage auprès de l’OFPRA leur est indiquée après l’enregistrement de la demande en préfecture lorsqu’ils sont placés en procédure normale ou accélérée (les personnes placées sous procédure Dublin suite à cet enregistrement n’étant pas orientés vers l’OFPRA puisque leur demande ne relève pas à ce stade de la responsabilité de la France). Ils peuvent donc passer une partie de la journée au sein de l’Espace France asile, sans possibilité d’en sortir : l’absence de dispositif de restauration constatée à Cergy peut ainsi poser problème si les demandeurs ne sont pas informés préalablement de la nécessité d’amener de quoi se nourrir. Rien n’a été prévu par ailleurs pour la garde des enfants, qui ne sont en principe pas reçus par l’OFPRA pour la phase d’introduction de la demande, ce qui oblige les parents à les laisser seuls dans la salle d’attente (pour des durées parfois importantes).
D’un point de vue matériel, le guichet de l’OFPRA s’apparente aux espaces prévus pour les entretiens habituels organisés à Fontenay-sous-Bois (94), permettant de préserver la confidentialité des échanges. La durée de l’entretien avec l’auditeur de l’OFPRA semble très variable, allant de 30 minutes à plus de 3 heures quand cela est nécessaire. Des difficultés techniques ont été rencontrées au début de la mise en œuvre, avec les comptes-rendus de l’entretien qui ne semblaient pas déposés sur l’espace numérique des demandeurs d’asile, mais cela semble être désormais résolu.
L’un des enjeux du nouveau dispositif porte sur la prise en compte d’éléments de récit complémentaires que le demandeur d’asile voudrait partager à l’OFPRA après l’échange avec l’agent de l’Espace France asile et avant l’entretien qui se tiendra dans les locaux de l’OFPRA avec un officier de protection. Il est en effet important de préserver la possibilité de produire un récit précis et complet, dans un second temps suivant l’enregistrement de la demande en disposant pour cela d’un accompagnement juridique adéquat proposé par les professionnels des structures de premier accueil pour demandeurs d’asile (SPADA) ou des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile. Ces compléments permettent de préserver une phase écrite complète, qui constitue aujourd’hui un gage de qualité de la procédure d’asile tant du point de vue du demandeur que pour les instances de l’asile. Les dispositions législatives sur l’Espace France asile prévoient d’ailleurs un délai nécessaire pour ces compléments, en précisant que les demandeurs sous procédure normale ne peuvent être convoqués en entretien avant un délai de 21 jours : a contrario, les demandeurs sous procédure accélérée peuvent être convoqués plus rapidement ce qui pourrait entraver la possibilité de produire un récit complémentaire.
Une attention particulière devra donc être apportée sur cet aspect, qu’il est encore trop tôt pour évaluer. La mise en place d’une adresse mail générique pour l’envoi des récits complémentaires fait cependant naître des doutes sur l’importance accordée à ces écrits, leur fléchage rapide vers les officiers de protection en charge du dossier et in fine leur prise en compte dans l’instruction.
Enfin, la mise en place des Espace France asile devait permettre d’accélérer le versement de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA), qui n’était débloquée en pratique qu’une fois le dossier enregistré par l’OFPRA. Sur ce point, aucun changement ne semble cependant avoir été constaté pour l’instant.


