Sur le volet asile, les dispositions les plus marquantes portent sur les garanties procédurales qui pourraient être fortement réduites (voir notre article de newsletter de mars 2018). Un autre enjeu apparait également : plusieurs mesures visent à limiter l’éligibilité des demandeurs d’asile au dispositif d’accueil qui leur est dédié.

L’ensemble des demandeurs d’asile, quel que soit la procédure qui s’applique à leur situation (normale, accélérée, Dublin), ont droit à bénéficier de « conditions matérielles d’accueil » (CMA) composées d’une part d’une allocation pour demandeurs d’asile (ADA) et d’autre part d’un hébergement au sein d’un lieu spécifique proposant un accompagnement social et administratif tout au long de la procédure. La situation est actuellement marquée par un sous-dimensionnement des places d’hébergement. Malgré un doublement du nombre de places ces dernières années et les efforts importants des gouvernements successifs en la matière depuis 2012, les 80 000 places du dispositif national d’accueil ne permettent d’héberger qu’un demandeur d’asile sur deux environ. L’allocation pour demandeurs d’asile, d’un montant de 6,8 € par jour pour un adulte seul (le montant varie en fonction de la composition familiale), n’est revalorisée que de 5,4 € en l’absence d’hébergement. Ce montant additionnel ayant été jugé insuffisant pour la seconde fois en un an par le Conseil d’Etat dans une décision du 17 janvier 2018, il doit être revu prochainement à la hausse par le gouvernement. Dans l’attente, de nombreux demandeurs d’asile sont à la rue, sans ressources suffisantes pour trouver un hébergement.

Cette situation de précarité empêche souvent la bonne expression des craintes en cas de retour et rend plus complexe l’identification des besoins de protection par les instances de l’asile. Elle va à l’encontre de l’objectif affiché par le gouvernement de rendre le droit d’asile plus « effectif ». Pourtant, plusieurs dispositions du projet de loi pourraient, si elles sont adoptées, entraîner une limitation de l’éligibilité aux conditions matérielles d’accueil et donc accentuer ces difficultés. 

Alors que les conditions matérielles d’accueil sont actuellement refusées aux personnes placées en procédure accélérée pour avoir formulé leur demande tardivement, le projet de loi propose de considérer une demande tardive au-delà de 90 jours contre 120 aujourd’hui. Le projet de loi prévoit également la possibilité de refuser les CMA aux demandeurs n’ayant pas respecté « l’ensemble des exigences des autorités chargées de l’asile, afin d’en faciliter l’instruction ». Dans ces hypothèses, l’administration n’est pas tenue de rendre une décision motivée, et aucune observation n’est possible de la part du demandeur d’asile (contrairement aux hypothèses posées par la loi en matière de retrait des CMA).

L’attribution des CMA étant liée au droit au maintien sur le territoire, les dispositions visant à limiter ce droit dès la décision de rejet de l’OFPRA sans attendre l’issue d’un éventuel recours (notamment pour les demandeurs originaires de pays d’origine sûr, soit 19% des demandeurs en 2016) auront un impact important en matière d’accueil. Des milliers de demandeurs d’asile, qui pouvaient jusqu’alors bénéficier d’un hébergement et/ou d’une allocation jusqu’à la décision définitive sur leur demande, pourraient ainsi demeurer sans ressource pendant toute une partie de la procédure d’asile.

Enfin, le projet de loi prévoit qu’un demandeur d’asile pourrait être orienté vers une région « où il est tenu de résider ». A défaut il serait privé des conditions matérielles d’accueil. Alors que l’ « orientation directive » consiste aujourd’hui à proposer un hébergement dans une région différente de la région d’arrivée, elle changerait de nature en devenant dans certains cas une orientation sans hébergement visant à mieux répartir les demandeurs d’asile, y compris à la rue, entre les régions. Si cette mesure est adoptée, les conséquences sont prévisibles : de  nombreux demandeurs d’asile non orientés vers l’hébergement préfèreront rester dans la région d’arrivée où ils disposent généralement de connaissances ou de réseaux de solidarité, plutôt que de rejoindre une autre région où les solutions pour subvenir à leurs besoins de base seront limitées. Ils se verront alors priver de l’allocation pour demandeur d’asile, pourtant sensée compenser en partie l’absence d’orientation vers un hébergement