Depuis le 5 novembre 2019, la carte ADA (allocation pour demandeur d’asile) est devenue une carte de paiement sans possibilité de retrait d’argent liquide et d’achats en ligne. Suite à nombreuse alertes par les associations sur le dysfonctionnement de la carte et son impact sur la couverture des besoins de base des bénéficiaires, la CNCDH a exprimé des critiques dans une déclaration adoptée le 28 janvier. La CNCDH est une institution qui assure en toute indépendance, auprès du Gouvernement et du Parlement, un rôle de conseil et de proposition dans le domaine des droits de l’homme.

La transformation a été annoncée en plein milieu de l’été sans aucune concertation préalable, en suscitant des critiques convergentes de la part du secteur associatif (sur cette décision, voir notre article de newsletter de septembre 2019). Le ministère de l’Intérieur et l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ont répondu en faisant valoir que la réforme, justifiée par des raisons budgétaires et de contrôle de l’utilisation de l’allocation, avait été expérimentée en Guyane avec des résultats positifs. La CNCDH, face à l’absence de publications connues sur l’expérimentation outre-mer, aux anomalies sortant des données statistiques de l’OFII publiées fin décembre, ainsi qu’aux nombreux dysfonctionnements dénoncés par les associations de terrain, n’a pas été convaincue par les arguments avancés.  

La Commission, en considérant les atteintes portées par la nouvelle carte au besoin de liquidité de la vie quotidienne (achats dans les commerces de proximité, accès aux réseaux solidaires et d’entraide, payement de certains hébergements citoyens ou de sous locations informelles par les demandeurs d’asile ne rentrant pas dans le dispositif national d’accueil) et à la possibilité de disposer librement (sans traçage des achats et des déplacements réalisés) des ressources qui leur sont allouées, a déclaré cette réforme contraire à l’obligation, découlant du droit européen et confirmée par la jurisprudence du Conseil d’État, de la CJUE et de la Cour européenne des droits de l’homme, de garantir un niveau de vie digne au demandeur de protection internationale et lui fournir un logement et des conditions matérielles convenables.

La Commission appelle le ministère de l’Intérieur et l’OFII à consulter les associations de terrain et les intéressés dans la perspective du remplacement de la nouvelle carte ADA par une carte de retrait et de paiement, y compris en ligne, ainsi que d’une éventuelle réécriture des dispositions légales concernant les conditions matérielles d’accueil. La CNCDH indique également qu’elle va saisir la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) au sujet de cette nouvelle carte qui « soulève de nombreux questionnements quant à la protection des données personnelles alors que l’OFII effectue un traçage des achats ».