Conformément à la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, et au droit européen, les bénéficiaires d’une protection internationale et les apatrides ont droit à la réunification familiale, c’est-à-dire à faire venir leurs conjoints ou concubins et leurs enfants dans l’État dans lequel ils ont obtenu une protection internationale. Ces dispositions sont par ailleurs transposées dans le droit français et s’appliquent donc aux réfugiés présents en France. La réunification familiale est à différencier du regroupement familial, qui concerne les personnes étrangères qui ne sont pas bénéficiaires d’une protection internationale ou dont le lien de famille aurait été créé après l’obtention de cette protection.

Ces dispositions posent un cadre relativement favorable à la possibilité d’une réunification familiale : contrairement au regroupement familial, aucune condition de ressources, de logement ou de durée de séjour n’est exigée. Cependant, la mise en œuvre de cette procédure est marquée par de nombreux obstacles qui rendent la réunification familiale particulièrement difficile voire impossible dans certains cas, ce qui peut amener certaines familles à emprunter des routes migratoires illégales pour rejoindre leurs proches.

Tout d’abord, l’accès aux services consulaires pour le dépôt d’une demande de visa par le membre de famille resté dans le pays d’origine s’avère parfois entravé, non seulement par la délégation des services consulaires à des prestataires privés non formés à la procédure de réunification familiale, mais également par la fermeture de certaines ambassades ou consulats français. L’absence de ces institutions en Afghanistan ou en Libye contraint par exemple les familles à déposer une demande dans un pays voisin. Ensuite, l’absence de documents d’état civil pose de nombreuses difficultés dans l’établissement du lien familial, mais également pour la procédure dans son ensemble, réduisant ainsi les chances pour la famille rejoignante de se voir octroyer un visa long séjour. Les membres de la famille rejoignante qui présenteraient des vulnérabilités font face à des obstacles supplémentaires, du fait de l’absence de la prise en compte de leurs besoins et d’un accompagnement adapté. Ce manque d’accompagnement se manifeste tout au long de la procédure, d’un point de vue administratif, juridique, et social, tant dans la mise en œuvre de la procédure de réunification familiale qu’à l’arrivée des membres de la famille sur le territoire français.

Ces difficultés se sont accrues du fait des restrictions de mobilité liées à la crise sanitaire. À partir 16 mars 2020, les familles étrangères, qui avaient pourtant reçu une autorisation de se retrouver aux termes d’une longue procédure visant à leur réunification ou regroupement familiaux vers la France, n’étaient plus autorisées à faire valoir cette autorisation si elles étaient originaires de « zones actives de circulation du coronavirus » - c’est-à-dire l’ensemble des pays sauf l’Europe continentale, l’Irlande et l’Islande. Ensuite, par une décision gouvernementale du 15 août 2020 faisant suite à la réouverture partielle des frontières en juillet, confirmée par une circulaire du 29 décembre 2020, les services consulaires français ont reçu pour instruction de refuser l’enregistrement et la délivrance de visas. Cette décision établit quelques catégories bénéficiant de dérogations, n’incluant cependant pas les familles venant dans le cadre d’une réunification familiale.

Cette situation de gel des procédures de réunification familiale et de regroupement familial a été portée à l’attention des juridictions françaises, les requérants soulignant l’atteinte disproportionnée et prolongée aux droits des familles concernées, notamment le droit d’asile, le droit à la vie familiale normale, ainsi que le droit au respect de l’intérêt supérieur de l’enfant. Par une décision du 21 janvier 2021, le juge administratif a ordonné la suspension de cette décision. Les autorités administratives peuvent restreindre de façon justifiée et provisoire les entrées sur le territoire, mais ces restrictions doivent se faire de façon proportionnelle à l’objectif poursuivi. En l’occurrence, le faible nombre de familles qui seraient entrées sur le territoire, couplé au gel prolongé de leurs droits, a mené le juge à conclure à l’illégalité de la mesure. Un décret du 30 janvier 2021 a permis d’intégrer les familles entrant sur le territoire dans le cadre de regroupement familial ou de réunification familiale parmi les catégories de personnes pouvant déroger à l’interdiction d’entrer sur le territoire français.

Cependant, des obstacles à la réunification familiale persistent. Tout d’abord, de nombreux services consulaires voient leurs activités liées aux visas ralenties du fait de la crise sanitaire, comme par exemple en Éthiopie ou à Djibouti. Certains consulats ou ambassades font l’état d’un retard conséquent suite à la reprise des procédures de réunification familiale, pouvant aller jusqu’à deux ans pour les demandes de certaines familles au consulat de France à Islamabad, en charge des demandes de visa des ressortissants pakistanais mais aussi afghans. Ainsi malgré la dérogation désormais applicable aux familles rejoignantes dans le cadre des restrictions de déplacements, les difficultés liées à la crise sanitaire demeurent importantes et s’ajoutent à d’autres obstacles récurrents.