Les arrivées de mineurs non accompagnés (étrangers de moins de 18 ans sans représentant légal sur le territoire français) ont connu un fort ralentissement en 2020, dans un contexte de crise sanitaire. Le rapport d’activité de la mission MNA du ministère de la Justice, publié en août 2021, indique que 9 524 décisions judiciaires de placement auprès d’un service départemental d’aide sociale à l’enfance (ASE) lui ont été signalées du 1er janvier au 31 décembre 2020. Ce chiffre, en baisse de 43% par rapport à l’année précédente, est le plus bas constaté depuis la consolidation du mécanisme de répartition par la loi dans la protection de l’enfance de 2016. Au 27 août 2021, d’après le tableau de suivi du ministère de la Justice, 6 605 décisions de placement avaient été recensées, ce qui confirme la tendance à la baisse constatée en 2020. Un arrêté du 24 août 2021 précisant une partie du financement de l’État dans ce domaine, nous apprend par ailleurs que 368 mineurs non accompagnés supplémentaires étaient recensés par les conseils départementaux au 31 décembre 2020 par rapport au 31 décembre 2019 (31 009 MNA étaient présents à cette date) : il y avait donc 31 377 MNA pris en charge en France à la fin de l’année dernière.

Malgré ce contexte de diminution des arrivées, les difficultés demeurent nombreuses dans la prise en charge de ces jeunes, tant sur la phase d’évaluation de leur situation que sur leur prise en charge durable par l’ASE. Pour ne citer que des rapports récents, la Cour des comptes indiquait ainsi dans une décision publiée en novembre 2020 que « de nombreux départements ont institué, sans base réglementaire, une pré-évaluation sous la forme d’un entretien succinct qui peut se conclure par un refus de prise en charge » , tandis que dans un rapport publié en novembre 2020 , l’Inspection générale des affaires sociales révélait que « 95% des mineurs hébergés à l’hôtel seraient des MNA et 28% des MNA admis à l’ASE seraient pris en charge à l’hôtel ».

Un projet de loi « relatif à la protection des enfants », déposé en Conseil des ministres le 16 juin 2021, aborde plusieurs de ces enjeux dans un titre intitulé « Mieux protéger les mineurs non accompagnés ».

La version adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 8 juillet 2021 comporte tout d’abord des dispositions qui pourraient assouplir les critères d’évaluation pour les conseils départementaux en charge de cette mission. Alors que la loi renvoyait auparavant vers des textes réglementaires fixant précisément les éléments et garanties à prendre en compte pendant cette première phase, ce volet réglementaire est désormais transposé dans la loi mais dans des termes bien moins exigeants. Un décret est bien prévu pour préciser certaines dispositions mais a priori pas celles relatives à l’évaluation si l’on en croit l’étude d’impact : le référentiel actuel (arrêté du 20 novembre 2019) que les départements sont tenus de respecter – avec beaucoup de pratiques contraires non contrôlées ni sanctionnées – pourrait donc être remplacé par les seules dispositions issues de la nouvelle loi.

La durée légale pendant laquelle l’évaluation doit être menée pourrait par ailleurs connaître une modification. L’accueil provisoire d’urgence mis en place dans ce contexte par le conseil départemental s’inscrit jusqu’ici dans le cadre du droit commun, qui impose une mise à l’abri immédiate et ne permet pas d’accueil administratif au-delà de 5 jours sans relais de l’autorité judiciaire. Le projet de loi ajoute une disposition spécifique concernant un accueil provisoire d’urgence pour les MNA, dont la durée doit être précisée ultérieurement par décret.

L’une des autres évolutions importantes concernant la phase d’évaluation porte sur le recours au fichier d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM) crée début 2019 pour répertorier les jeunes ayant fait l’objet d’une demande de prise en charge auprès d’un département et éviter les multiples sollicitations. Malgré plusieurs incitations financières de l’État, le rapport de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale sur le projet de loi recense quinze départements, dont certains accueillant un nombre important de MNA, qui n’orientent pas vers la préfecture (en charge du fichier AEM). Malgré de nombreuses critiques, qui soulignent notamment le risque d’un glissement d’une politique de protection vers une politique de contrôle des jeunes alors que les pratiques d’évaluation des départements ne sont quant à elles pas discutées, le projet de loi prévoit de rendre obligatoire le recours à ce fichier en donnant une valeur législative à ce dispositif jusqu’alors réglementaire.   

Enfin il est précisé que l’évaluation menée par un département ne peut être remise en cause par un autre département qui accueille le jeune suite à une réorientation, ce qui devrait mettre fin aux pratiques de double évaluation évoquées dans le rapport de la Cour des comptes précité.

Concernant les jeunes dont la minorité et l’isolement sont reconnus, une disposition vient ajouter deux critères pour la répartition des MNA suite à leur placement par l’institution judiciaire : les jeunes majeurs (moins de 21 ans) ex-MNA pris en charge par l’ASE sont également pris en compte dans le calcul de la clé de répartition, tout comme les critères socio-économiques qui s’ajoutent aux critères démographiques déjà pris en compte.

La question de l’hébergement au sein d’établissement hôteliers, qui peut concerner différents profils de jeunes pris en charge par l’ASE mais qui touche surtout les MNA comme l’a souligné le rapport IGAS précité, est également abordée dans le projet de loi. Alors que l’interdiction stricte de ces pratiques avait été évoquée, le texte adopté par l’Assemblée nationale permet le placement à l’hôtel « par dérogation et à titre exceptionnel pour une durée ne pouvant excéder deux mois, pour répondre à des situations d’urgence  ou assurer la mise à l’abri des mineurs ». Ces pratiques devraient donc en partie perdurer notamment pour les MNA pendant la phase d’évaluation, mais un décret doit venir les encadrer. 

Le projet de loi doit désormais être examiné par le Sénat.

 

Photo d'illustration : © UNHCR/Federico Scoppa