La préface est signée d’Erri De Luca, écrivain italien connu pour son engagement auprès des migrants et réfugiés. L’ouvrage est illustré par le projet « portraits d’exils » de la plasticienne Catherine Van den Steen et comporte de nombreuses images d’archives de l’association. Celle-ci fêtant cette année ses 40 ans, ce rapport est conçu comme une « édition spéciale » célébrant cet anniversaire.   L’introduction du rapport annuel revient sur les quatre décennies d’activité de l’association. Olivier Brachet, directeur général de Forum réfugiés de 1985 à 2009, retrace l’évolution de l’association depuis sa création en 1982 jusqu’à son trentième anniversaire en 2012. La période 2012-2022 est ensuite traitée par l’actuel directeur général Jean-François Ploquin.

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Dans le monde, les déplacements forcés à un niveau record

La premier chapitre du rapport présente tout d’abord un panorama statistique des déplacements forcés dans le monde, et indique que plus de 100 millions de personnes sont actuellement déracinées, un chiffre sans précédent. La Syrie demeure le principal pays d’origine des réfugiés (6,8 millions de personnes) et la Turquie le principal pays d’accueil (4 millions de réfugiés sur son territoire) mais la crise ukrainienne, qui a entraîné la fuite de plusieurs millions de personnes, modifie en profondeur ce panorama statistique. Le rapport souligne également une couverture largement insuffisante des besoins en matière de réinstallation (32 266 personnes réinstallées en 2021, alors que le HCR avait estimé les besoins à 1,45 million de personnes), ainsi qu’une proportion faible de réfugiés ayant décidé de rentrer dans leur pays d’origine. La situation des personnes apatrides est également évoquée, celles-ci ayant été particulièrement impactées par la crise sanitaire. Les auteurs du rapport font aussi le bilan de l’état d’avancement du Pacte mondial sur les réfugiés établi en 2018. Plusieurs articles thématiques analysent ensuite la situation géopolitique dans quelques pays et régions d’origine des réfugiés : Éthiopie, Géorgie, et Irak. Une contribution de l’association ECPAT France analyse également le phénomène de traite des êtres humains en Afrique de l’Ouest. Enfin, le conseiller spécial pour l’action climatique au sein du HCR détaille les actions mises en œuvre par l’agence onusienne pour la protection des déplacés environnementaux.

En Europe, un niveau de protection en baisse et des évolutions politiques préoccupantes

Le deuxième chapitre du rapport fait le bilan de la demande d’asile et de la protection des réfugiés en Europe. Un panorama statistique précise d’abord que si la demande d’asile est globalement en hausse dans l’UE en 2021 (535 000 premières demandes) sans pour autant atteindre le niveau d’avant la crise sanitaire (631 000 premières demandes en 2019 dans l’UE27), le niveau global de protection est, lui, en baisse (51,9% en 2021 contre 53,9% en 2020). Les données collectées montrent également une effectivité limitée du règlement Dublin, avec un nombre de transferts faible par rapport aux requêtes émises par les États (13,2% en 2020). Concernant l’accès des réfugiés au territoire européen, le rapport fait part d’une hausse des arrivées, avec plus de 150 000 personnes détectées aux frontières extérieures de l’Europe en 2021. Parallèlement, les voies légales d’accès tournent toujours au ralenti, en dépit de la levée des restrictions sanitaires, et alors que les besoins en matière de réinstallation continuent d’augmenter. Concernant la situation aux frontières extérieures de l’UE, le rapport se penche d’abord sur les partenariats conclus entre l’UE et les États tiers pour la gestion des frontières et des migrations. Sont ainsi abordées la coopération entre l’UE et la Libye ainsi que le partenariat conclu avec la Turquie, les auteurs du rapport indiquant que ces coopérations se poursuivent malgré une document de plus en plus fournie dénonçant de graves violations des droits fondamentaux, et au prix d’une dégradation importante des garanties procédurales et des conditions d’accueil. Concernant la situation en Grèce, le rapport mentionne la création prochaine de nouveaux centres fermés, et la persistance de pratiques de refoulement de migrants par les autorités grecques. La situation à Chypre, premier pays d’accueil des demandeurs d’asile dans l’UE, est également développée. Le rapport fait état d’une dégradation des conditions d’accueil, du fait du manque de capacité d’accueil. La question de l’ouverture d’une nouvelle route migratoire en Europe orientale est également abordée, suite aux arrivées importantes de réfugiés en provenance de la Biélorussie.  

Le rapport analyse ensuite la mise en œuvre du régime d’asile européen commun. Les auteurs indiquent que des violations du droit d’asile sont régulièrement constatées dans les États membres, la Hongrie faisant notamment l’objet de plusieurs procédures d’infractions pour manquement à ses obligations en matière d’asile. Le rapport mentionne également les tentatives d’externalisation de l’asile par les États membres, en soulignant le caractère illégal de telles pratiques, tant au regard du droit international que du droit européen. Concernant les avancées des négociations du Pacte européen sur la migration et l’asile, le rapport détaille l’état actuel des débats sur chaque texte composant le Pacte. A ce jour, seul le règlement sur la création de la nouvelle Agence européenne pour l’asile a été adopté. Ni le règlement Filtrage (qui propose un filtrage des personnes arrivant aux frontières extérieures de l’UE selon l’expression d’un besoin de protection), ni le règlement Procédures (qui met l’accent sur la procédure d’asile à la frontière) n’ont été adoptés par les États et les négociations n’ont pas permis de réelles avancées. En outre, la réforme du règlement Dublin III et la question du maintien du critère de pays de première entrée continue à diviser les États. Le règlement sur les situations de crise et de force majeure est également au point mort. Le rapport détaille ensuite les missions de la nouvelle Agence européenne pour l’asile, celle-ci étant chargée d’assurer une mise en œuvre uniforme et efficace du droit européen en matière d’asile dans tous les États membres.

Dans plusieurs articles thématiques, le rapport aborde plusieurs enjeux actuels liés à la mise en œuvre du régime d’asile européen commun. Ces analyses se concentrent sur la digitalisation des systèmes d’asile des États, phénomène accéléré par la crise sanitaire et qui semble être amené à se pérenniser. La proposition de la Commission européenne pour l’adoption d’un règlement visant à faire face aux situations d’instrumentalisation dans le domaine de la migration et de l’asile est également abordée, le rapport soulignant les dérogations majeures au droit d’asile contenues dans cette proposition. Le rapport pointe également la tendance au rapprochement entre les procédures d’asile et de retour, qui soulève de graves préoccupations en matière de droits fondamentaux. Enfin, le rapport présente le projet TRIPS, cofinancé par l’UE et coordonné par Forum réfugiés entre 2020 et 2022, et qui porte sur les risques de traite des êtres humains pour les bénéficiaires d’une protection internationale (BPI).

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En France, des défaillances persistantes dans l’accueil des demandeurs d’asile

Le troisième chapitre du rapport concerne l’exercice du droit d’asile en France, et analyse le traitement des demandeurs à chaque étape du parcours d’asile.

Concernant d’abord l’entrée dans la procédure, le rapport souligne les difficultés persistantes pour accéder à la demande d’asile en Ile-de-France, et rappelle les violations répétées du droit d’asile à la frontière franco-italienne. Une contribution de Thierry Le Roy, président de France terre d’asile, traite également de la situation des migrants présents dans la région de Calais. Une analyse statistique de l’état de la demande d’asile en France en 2021 montre une hausse de 28% des premières demandes en préfecture par rapport à 2020. Le rapport comptabilise également le nombre de placement sous procédure Dublin, et indique un taux de transfert au plus bas depuis 2018 (8,6% au premier semestre 2021). Le rapport analyse ensuite l’activité de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) au cours de l’année 2021, et constate une hausse relative de la demande d’asile auprès de l’Office. Concernant l’outre-mer, les contributions de l’association Solidarité Mayotte fournissent également une analyse de terrain sur le traitement des demandeurs d’asile dans le 101ème département français.

Concernant l’instruction des demandes d’asile, le rapport indique que plus de 54 000 personnes ont été protégées en 2021, un niveau jamais atteint. Une baisse de la part des protections subsidiaires dans les décisions de protection est constatée, ainsi qu’un niveau de protection en hausse pour les mineurs non accompagnés. La protection des demandeurs d’asile en provenance de pays d’origine sûrs est également détaillée, les auteurs du rapport rappelant le retrait de trois pays de la liste, suite à une décision du Conseil d’État en 2021. Le rapport analyse les décisions de protection rendues par l’OFPRA, avec un taux d’accord en légère hausse. La procédure de dématérialisation des procédures OFPRA est également abordée, celle-ci étant entrée en vigueur en mai 2022. À la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), la part des décisions prises par ordonnances est en légère baisse mais le rapport souligne une évolution dans les pratiques de la Cour, qui semble recourir aux ordonnances « dans des situations qui auraient auparavant fait l’objet d’une audience ». Le rapport mentionne un délai global d’instruction stable et toujours élevé (18 mois en moyenne entre l’entrée dans la procédure et la décision définitive), bien loin du délai moyen de six mois fixé par le gouvernement.

Concernant l’accueil des demandeurs d’asile, il est indiqué que près d’un quart des demandeurs d’asile se sont retrouvés privés des conditions matérielles d’accueil (CMA) en 2021 et ont donc mené leur procédure d’asile sans aucune ressource (ni hébergement ni allocation). Pour les demandeurs éligibles aux CMA, il est rappelé que le dispositif national d’accueil (DNA) dispose désormais de plus de 100 000 places d’hébergement dédiées aux demandeurs d’asile, qui ne permet cependant pas de couvrir les besoins : en 2021, seuls 55% des primo-demandeurs ont été orientés dans le DNA. Le rapport analyse également les conséquences du nouveau schéma national d’accueil, qui organise l’orientation des demandeurs d’asile depuis l’Ile-de-France vers les autres régions. Le rapport considère que, si ce dispositif a permis un désengorgement de la région Ile-de-France, il entraîne dans le même temps une diminution des possibilités d’hébergement pour les demandeurs d’asile enregistrés dans les autres régions. Le rapport partage également l’expertise de terrain de l’association en ce qui concerne les missions dévolues aux structures de premier accueil des demandeurs d’asile (SPADA), redéfinies par un nouveau marché public. Le rapport évoque également la hausse, prévue mais incertaine, des capacités d’hébergement en 2022, celle-ci étant conditionnée au non-dépassement des crédits dédiés à l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA). Il indique sur ce point une plus grande sincérité budgétaire, avec des dépensés liées à l’ADA mieux anticipées, mais souligne également une baisse constante du nombre de bénéficiaires de l’ADA, ainsi que des difficultés récurrentes dans la gestion de l’allocation. La santé des demandeurs d’asile est également abordée, le rapport insistant sur l’impact du délai de carence sur la santé des demandeurs. Les auteurs mettent également l’accent sur la santé mentale des demandeurs d’asile, et sur l’importance des centres de santé dédiés aux personnes souffrant de psycho traumatismes liés à l’exil.

À propos de l’intégration des réfugiés, le rapport dresse d’abord un état des lieux des dispositifs et des politiques d’intégration. Il mentionne l’objectif de 10 000 places d’hébergement en centres provisoires d’hébergement (CPH) pour la fin 2022, mais souligne également que les objectifs de relogement fixés par le gouvernement n’ont pas été atteints en 2021. Par ailleurs, le rapport mentionne des délais encore trop élevés pour la délivrance des actes d’état civil par l’OFPRA, avec des conséquences importantes sur l’accès aux droits. Le rapport présente également le programme ministériel AGIR, qui doit se déployer en 2022 pour renforcer l’accompagnement des BPI sur le modèle du programme Accelair créée par Forum réfugiés en 2002. Il pointe aussi la mise en œuvre délicate de la prestation d’intégration en SPADA. Par ailleurs, deux chercheurs de l’IFRI et de l’EHESS partagent les résultats d’une étude portant sur les trajectoires professionnelles des réfugiés caractérisées  par « des métiers à faible qualification, avec des salaires bas, et aux conditions de travail instables, insatisfaisantes et précarisantes », et formulent des recommandations en faveur de l’emploi des personnes réfugiées. Le rapport traite également des enjeux spécifiques pour les réfugiés victimes de traite des êtres humains, recommandant un renforcement de leur accompagnement socio-juridique, afin d’assurer une prise en charge adaptée à leurs besoins. Le rapport dresse également le bilan des voies légales d’accès pour les réfugiés, notamment la réinstallation dont les objectifs nationaux n’ont pas été atteints (1 649 réinstallés en 2021 au titre d’un programme européen pour lequel la France avait fixé un objectif de 3 800 personnes) et la réunification familiale.

En Afghanistan puis en Ukraine, des crises exceptionnelles entraînant des réponses inédites

La quatrième et dernière partie du rapport porte sur les dispositifs exceptionnels d’accueil mis en place pour les réfugiés afghans et ukrainiens. Concernant l’Afghanistan, l’évolution de la situation suite au retour des talibans est décrite par Pierre Micheletti, président d’Action contre la faim. Un article d’ONU femmes France fait également le bilan de vingt années d’avancées pour les femmes afghanes, remises en cause par l’arrivée des talibans. Les autres développements du rapport portent sur la réponse apportée par l’UE, axée sur la protection des frontières, ainsi que sur le traitement des demandeurs d’asile afghans en Europe (contribution du réseau européen ECRE). Les opérations françaises pour l’accueil des agents de droit local afghans puis des personnes directement menacés par les talibans (opération Apagan), qui ont permis l’accueil de 3 650 Afghans en 2021, sont également décryptés. Le rapport souligne enfin les difficultés d’accès aux soins de santé mentale pour les afghans évacués arrivant en France, avec une contribution de l’organisation Human Rights Watch. Concernant l’Ukraine, une contribution d’Anne de Tinguy, chercheuse au CERI, analyse d’abord les raisons politiques et historiques de l’invasion russe. Le rapport analyse la réponse européenne apportée, en détaillant l’adoption historique de la directive sur la protection temporaire et ses modalités de mise en œuvre. Le rapport présente également le dispositif d’accueil et d’hébergement des réfugiés ukrainiens mis en place en France, soulignant qu’il serait « opportun de tirer parti de ces ‘’bonnes pratiques’’ pour les étendre le plus possible à l’ensemble du système d’asile ».

 

 

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