La commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (dite commission LIBE) du Parlement européen a adopté ce mercredi 14 février huit textes, dont cinq composant le Pacte sur la migration et l’asile : ‘filtrage’, ‘Eurodac’, ‘gestion’, ‘procédure’, ‘crise’, ‘réinstallation’, ‘qualification’ et ‘accueil’. Ce vote, qui marque une étape décisive vers l’adoption de ce paquet législatif, constitue clairement un tournant régressif dans l’histoire du droit d’asile en Europe.

Depuis la présentation du Pacte en septembre 2020, Forum réfugiés a analysé minutieusement les mesures proposées et leurs enjeux pour l’exercice du droit d’asile en Europe et en France (voir notamment notre article de janvier 2024), et alerté à plusieurs reprises sur les reculs majeurs contenus dans ces textes (notes de plaidoyer de mai 2021 et octobre 2023).

Le vote de la commission LIBE confirme les inquiétudes déjà exprimées. Les dispositions législatives adoptées réforment en effet le régime d’asile européen commun en nivelant vers le bas l’essentiel des garanties procédurales. D’une grande complexité, le nouveau dispositif comporte de nombreuses incertitudes quant aux ressources humaines et matérielles à mobiliser, et offre aux États membres d’importantes marges de manœuvre, ce qui laisse craindre des disparités d’application entre les États, à l’encontre de l’objectif affiché d’une plus grande harmonisation.  

Forum réfugiés s’inquiète des importants reculs pour les droits des personnes : les textes votés instaurent un système d’enfermement massif et prolongé pour les personnes arrivant irrégulièrement aux frontières de l’Union européenne – et potentiellement pour toutes celles qui seront identifiés ultérieurement sur les territoires des États membres – , avec des garanties procédurales réduites, une identification insuffisante des vulnérabilités et un mécanisme de respect des droits fondamentaux incomplet.

Pour les demandeurs d’asile qui seront admis à présenter leur demande sur le territoire d’un État membre, l’application élargie du concept de « pays tiers sûr » conduira à déclarer irrecevables de nombreuses demandes, puis à renvoyer les demandeurs vers un pays de transit sans examen de la demande au fond. Le règlement Gestion, qui remplace le règlement Dublin, en conserve les principaux défauts, faisant toujours peser la charge de l’accueil sur les pays de première entrée et durcissant la situation des personnes concernées. Si le mécanisme de relocalisation obligatoire constitue une orientation intéressante, il est assorti de dispositions alternatives qui atténueront son effet. En temps de crise, un cadre dérogatoire remet en cause de nombreux droits et garanties procédurales.

Les textes du Pacte sur la migration et l’asile adoptés en commission ce jour doivent encore faire l’objet d’un vote en plénière au Parlement européen dans les semaines à venir. L’adoption définitive de ce paquet législatif nécessitera ensuite l’approbation finale du Conseil, tandis que d’autres textes devraient être prochainement adoptés qui viendront compléter le régime européen.

Dans ce contexte, Forum réfugiés appelle les parlementaires à prendre la mesure des enjeux qui entourent ce scrutin et à placer le respect des droits fondamentaux comme une considération prioritaire.