Après l’abandon de nombreuses propositions de réforme du régime commun d’asile de 2016, la Commission a proposé, en septembre 2020, une nouvelle réforme : le Pacte sur la migration et l’asile (ce dernier a été commenté par Forum réfugiés).

À un an de l’échéance que les co-législateurs (Parlement européen et Conseil de l’UE) ont fixé dans une feuille de route adoptée en septembre 2022 visant une adoption du Pacte d’ici février 2024, la majorité des textes sont toujours dans les premières phases du processus législatif.

La procédure législative ordinaire, à laquelle est soumis le Pacte, se déroule schématiquement ainsi :

  1. Proposition de la Commission et envoi simultané au Parlement européen, Conseil, comités consultatifs et parlements nationaux (ces derniers peuvent partager leur avis).
  2. Étude de la proposition en première lecture par le Parlement et le Conseil.
  3. Avis du Parlement : à ce stade, la Commission peut modifier sa proposition au vu des avis.
  4. Si le Conseil est en accord avec la position du Parlement, le texte est adopté en première lecture ; si ce n’est pas le cas, la procédure continue (il y a une navette législative).
  5. La position du Conseil est transmise au Parlement pour une deuxième lecture. Le Parlement peut alors se prononcer de trois manières différentes :
  • Se conformer à la position du Conseil et adopter le texte en deuxième lecture ;
  • Exprimer ses désaccords avec le Conseil et terminer la procédure sans adoption du texte ;
  • Présenter des amendements. La Commission donnera alors son avis et le texte sera transmis au Conseil pour qu’il effectue sa deuxième lecture.
  1. Le comité de conciliation, composé de représentants du Conseil et du Parlement, intervient afin de résoudre les désaccords après la deuxième lecture. Si aucun accord n’est trouvé, alors la procédure se termine sans adoption du texte. Si un consensus est trouvé, alors il y aura une troisième lecture qui mènera à l’approbation ou au rejet du texte.

De plus, chaque phase a des délais (sauf pour la première lecture), chaque institution a ses propres règles de vote (majorité simple et absolue au Parlement et qualifiée ou unanimité au Conseil, en fonction des phases), et la Commission peut décider de changer sa proposition à tout moment.

Il ne faut pas non plus oublier les trilogues, qui sont des réunions informelles et assez opaques entre représentants du Parlement, du Conseil et de la Commission. Ces derniers se réunissent de manière parallèle à la procédure ordinaire afin de rapprocher leurs positions. Les trilogues permettent souvent une adoption en première lecture.

Les propositions de textes du Pacte sont, selon les informations fournies par le Parlement européen, aux phases suivantes :

  • Règlement « filtrage » : le 16 novembre 2021, la rapporteuse de la commission en charge du texte au Parlement a publié un projet de rapport. Le 22 juin 2022, le Conseil a approuvé un mandat de négociation et supprimé les références aux autres propositions du Pacte afin de faciliter la dissociation de l’ensemble. Des trilogues devraient avoir commencé mi-janvier.
  • Règlement « procédure » : la proposition de 2020 se basant sur celle de 2016, des négociations ont déjà eu lieu avant 2020. Au Parlement, la rapporteuse a présenté un rapport le 26 octobre 2021 au comité en charge du texte. Au Conseil, le texte est en cours de négociation au niveau technique (groupe de travail).
  • Règlement « gestion » : au Parlement, le texte est au stade du rapport au comité en charge du texte. Au Conseil, la présidence suédoise a présenté, le 21 février 2023, un nouveau texte afin d’être discuté au niveau technique (groupe de travail).
  • Règlement « crise »: au Parlement, le texte est encore au stade du rapport au comité en charge du texte. Au Conseil, l’examen de la proposition par un groupe de travail a commencé le 20 décembre 2022.
  • Règlement « Eurodac » : Le 12 décembre 2022, le PE et le Conseil ont adopté un mandat de négociation permettant de commencer les négociations sans la logique de pacte. Des trilogues ont commencé le 15 décembre 2022.

Par ailleurs, plusieurs propositions de réformes ou de textes, ne faisant pas partie du Pacte, mais liées à celui-ci, sont également en cours de négociation ou en attente, comme la directive « accueil », le cadre européen pour la réinstallation, la directive « retour », ou encore le code des frontières Schengen.

Les discussions ont donc lieu principalement à ce stade au sein même de chaque institution (point 2 des étapes évoquées précédemment). À moins que des trilogues commencent et avancent rapidement, les futures présidences espagnoles et belges vont se retrouver sous grande pression pour atteindre l’objectif consistant à adopter le Pacte avant les élections européennes de 2024.

De surcroît, au regard des conclusions du Conseil européen (réunion des chefs d’État et de gouvernement) du 9 février 2023, nous pouvons déduire que les priorités des États membres sont les mesures opérationnelles, la coopération avec les pays d’origine et de transit, la politique des visas, la mise en place de retours effectifs, et le renforcement des capacités et infrastructures de protection des frontières. Le Conseil européen invite simplement les colégislateurs à poursuivre les travaux sur le Pacte.

Afin de maintenir une certaine image et de se prévaloir d’avancées, une petite partie du Pacte seulement pourrait être adoptée dans l’urgence avant le printemps 2024, permettant une réforme a minima loin des objectifs initiaux du Pacte et probablement porteuse de reculs pour les droits des personnes.