Le Parlement européen, en session plénière, a adopté, ce mercredi 10 avril, les textes du Pacte sur la migration et l’asile : ‘filtrage’, ‘Eurodac’, ‘gestion’, ‘procédure’, ‘crise’, mais aussi ‘qualification’, ‘accueil’, ‘retour’ et ‘réinstallation’. Ce vote consacre un tournant régressif dans l’histoire du droit d’asile en Europe, qui doit encore être confirmé par l’adoption formelle du Pacte au sein du Conseil européen dans les prochains jours.

Depuis la présentation des propositions du Pacte en septembre 2020, Forum réfugiés a analysé minutieusement les mesures proposées et leurs conséquences pour l’exercice du droit d’asile en Europe et en France (voir notamment notre article de janvier 2024 et notre conférence de mars 2024), et alerté à plusieurs reprises sur les reculs majeurs contenus dans ces textes (notes de plaidoyer de mai 2021 et octobre 2023, et communiqué de presse de février 2024).

Comme indiqué précédemment, les dispositions législatives adoptées réforment le régime d’asile européen commun en nivelant vers le bas l’essentiel des garanties procédurales. Le nouveau dispositif, en plus d’une complexité qui questionne sa future mise en œuvre par les autorités et juridictions nationales, comporte de nombreuses incertitudes quant aux ressources humaines et matérielles à mobiliser. Il offre en outre aux États membres d’importantes marges de manœuvre, ce qui laisse craindre des disparités de mise en œuvre, à l’encontre de l’objectif affiché d’une plus grande harmonisation.  

Forum réfugiés s’inquiète des importants reculs pour les droits des personnes : les textes adoptés par le Parlement européen instaurent un système d’enfermement massif et prolongé pour les personnes arrivant irrégulièrement aux frontières de l’Union européenne – et potentiellement aussi pour celles qui seront identifiés ultérieurement sur les territoires des États membres –, avec des garanties procédurales réduites, une identification insuffisante des vulnérabilités et un mécanisme de respect des droits fondamentaux incomplet.

De plus, l’application par l’Union ou les États membres du concept de « pays tiers sûr » prévu dans cette réforme conduira à déclarer irrecevables de nombreuses demandes, puis à renvoyer les demandeurs vers un pays de transit sans examen de la demande au fond. Le règlement Gestion, qui remplace le règlement Dublin, en conserve les principaux défauts, faisant toujours peser la charge de l’accueil sur les pays de première entrée tout en durcissant la situation des personnes concernées. Si le mécanisme de relocalisation obligatoire constitue une orientation intéressante, il est cependant assorti de dispositions alternatives qui en atténuent l’effet. Enfin, en temps de crise, le cadre dérogatoire remet en cause de nombreux droits et garanties procédurales, déjà limités.

Les textes sur la migration et l’asile adoptés par le Parlement européen doivent recevoir l’approbation finale du Conseil pour entrer en vigueur et changer le régime actuel. Les modalités de leur mise en œuvre pourront être précisées par des actes d’exécution.

Dans ce contexte, Forum réfugiés appelle les institutions européennes, notamment les comités chargés d’édicter les actes d’exécution du Pacte, à travailler avec les organisations de la société civile pour une mise en œuvre du Pacte respectant les droits fondamentaux des ressortissants de pays tiers rejoignant l’Europe.