Le règlement Eurodac fait depuis longtemps l’objet de négociations en vue d’une réforme. Cette dernière devrait aboutir en 2024, dans le cadre de l’adoption du Pacte sur la migration et l’asile, avec notamment une extension des personnes concernées, des informations recueillies ou encore de la durée de conservation des données.

 

Eurodac, ou European Asylum Dactyloscopy Database, est un système informatisé pour la comparaison des empreintes digitales des demandeurs d’asile dans l’Union européenne (UE). Il a été créé en 2000 aux fins de l’application efficace de la convention de Dublin, désormais règlement Dublin III, relatif à la détermination de l’État membre responsable de la demande d’asile.

Cette base de données conserve pendant dix ans (sauf effacement anticipé pour naturalisation) les empreintes des demandeurs d’asile, associées à d’autres informations, telles que leur nom et prénom, leur numéro d’identité, leur pays d’origine, et, le cas échéant, la date de la demande de transfert et du transfert (si un autre État est responsable de l’examen des demandes, par application du critère de responsabilité du pays de première entrée, par exemple), la date à laquelle ils ont quitté le territoire ou ont été éloignés, ou encore la date à laquelle la décision d'examiner les demandes a été prise.

Le règlement Eurodac, qui impose au États membres la prise des empreintes digitales des demandeurs d’asile et l’information des demandeurs, a été réformé en 2013, afin de fixer des conditions strictes pour l’accès des autorités au système aux fins de la prévention ou de la détection des infractions terroristes et autres infractions pénales graves. En 2016, la Commission européenne a proposé de le réformer à nouveau Eurodac avec la réforme du règlement Dublin, mais les négociations ont été suspendues. En 2020, dans le cadre de la proposition de Pacte sur la migration et l’asile, et avec pour objectif de s’adapter aux propositions du Pacte (voir notre note de plaidoyer) et de lutter contre les « mouvements secondaires », la Commission a apporté des propositions additionnelles qui s’ajoutent à celles de 2016.

Les propositions de 2016 visent à :

  • Abaisser l’âge d’enregistrement des empreintes de 14 à 6 ans. Le but serait de limiter le trafic de mineurs et d’établir des liens familiaux si des membres de la famille se trouvent dans un autre État membre.
  • Recueillir une image faciale en plus des empreintes.
  • Étendre le champ d’application aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (c’est-à-dire à ceux ne demandant pas l’asile ou ayant été déboutés).
  • Conserver plus longtemps les données des personnes en séjour irrégulier et les partager avec des pays tiers respectant les normes de protection des données afin d’organiser un retour.
  • Ajouter que les sanctions réprimant le non-respect de l’obligation de se soumettre au relevé des empreintes digitales doivent être conformes au principe de proportionnalité, et que le recours au placement en rétention ne doit intervenir qu’en dernier ressort.

Les principales propositions additionnelles de 2020 sont les suivantes :

  • Faire d’Eurodac une base de données qui comptabilise les demandeurs plutôt que les demandes, une même personne pouvant faire plusieurs demandes.
  • Indiquer si un visa a été délivré, ce qui faciliterait l’application des critères de responsabilité.
  • Permettre à eu-LISA (l’agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice) d’établir des statistiques inter systèmes sur les entrées légales à partir de données provenant d’Eurodac, du système d’entrée/de sortie (EES), du Système européen d'autorisation et d'information concernant les voyages (ETIAS) et du système d’information sur les visas (VIS).
  • Créer une nouvelle catégorie pour les personnes débarquées à la suite d’une opération de recherche et de sauvetage (SAR), au lieu de les enregistrer en tant que personnes ayant franchi la frontière de manière irrégulière, comme c’est le cas actuellement, afin d’avoir un aperçu plus précis de la composition des flux migratoires.
  • Indiquer les demandes rejetées.
  • Indiquer si, à la suite du filtrage proposé dans le Pacte, il apparaît que les personnes pourraient constituer une menace pour la sécurité intérieure.

En juin 2018, selon les informations fournies par le Parlement européen, ce dernier et le Conseil se sont accordés pour ajouter des images faciales et les données des personnes en situation irrégulière, ainsi que pour abaisser de 14 à 6 ans l’âge de prise des empreintes et images faciales.

Après les propositions de 2020, le Conseil a approuvé un mandat de négociation en juin 2022. Puis, en décembre 2022, la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement (LIBE) a approuvé un mandat de négociation actualisé, qui a permis aux colégislateurs (Parlement et Conseil) d’entamer des négociations interinstitutionnelles.

Le premier trilogue, autrement dit la première réunion informelle de négociation avant la première lecture, a eu lieu le 15 décembre 2022. C’est l’un des textes du Pacte dont les négociations ont commencées en premier. Cependant, les institutions ne sont pas encore prêtes à l’adopter. Le Conseil souhaite, par exemple, ajouter les données des bénéficiaires de la protection temporaire, bien qu’ils bénéficient de la libre circulation et que leur traçage ne soit pas nécessaire. De son côté, le Parlement vise la suppression des références au sauvetage en mer (SAR) et l’intégration des données des personnes réinstallées, bien qu’il n’y ait en principe pas de mouvements secondaires dans leur cas. À l’inverse, l’un des points de convergence des colégislateurs est la suppression des références au filtrage, ce qui permettra sans doute l’adoption de la réforme du règlement Eurodac indépendamment des négociations du reste du Pacte, qui avancent lentement, malgré l’objectif d’adoption avant la fin de la législature du Parlement en 2024.

La réforme dudit règlement avant cette échéance est très probable, étant l’un des textes du Pacte avec le moins de divergences entre les États, entre les membres du Parlement, et entre ces deux institutions, en dépit de son impact sur les droits fondamentaux à la vie privée et à la protection des données personnelles de tous les migrants, même jeunes mineurs.