Chaque année, les besoins mondiaux de réinstallation augmentent et concernent désormais plus de 2 millions de personnes dans le monde. Cependant, les initiatives et actions de l’Union européenne dans ce domaine demeurent limitées, et les engagements des États membres sont encore largement insuffisants.

La réinstallation est une voie sûre et légale d’arrivée, pour des réfugiés vulnérables, depuis un pays de premier asile, dans un pays où une protection durable peut être assurée, et où des perspectives d’intégration existent. Elle permet de renforcer la protection internationale des personnes ayant des craintes en cas de retour dans leur pays, et constitue une forme de solidarité avec des pays tiers accueillant un grand nombre de personnes fuyant les guerres et les persécutions.

La réinstallation ne doit pas être confondue avec la relocalisation, qui est une forme de solidarité entre États membres de l’Union européenne (UE), et qui consiste à transférer des demandeurs d’asile d’un pays européen à un autre afin de permettre une meilleure répartition des efforts entre États.  

La réinstallation ne se substitue pas à la procédure d’asile ordinaire et ne permet pas aux Etats de restreindre la possibilité de demander l’asile aux frontières ou sur le territoire européen, qui est un droit garanti par la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et dont les modalités de mise en œuvre sont précisées par le droit européen. Elle constitue une possibilité additionnelle de protection.

Au niveau de l’UE, la réinstallation ne fait pas l’objet d’une politique commune et harmonisée. La Commission européenne a proposé en 2016 un règlement portant création d’un cadre européen pour la réinstallation, prévoyant un plan annuel avec des priorités géographiques et une procédure commune. Ce texte a fait l’objet d’un accord politique, mais est toujours en attente de vote, due à la volonté d’adoption conjointe avec les propositions du Pacte sur la migration et l’asile toujours en négociation (voir notre article de juillet 2023).

Bien que cette initiative soit à saluer, le cadre possède plusieurs lacunes : il ne fait pas référence aux conditions d’accueil et d’accompagnement que chaque État doit prévoir à l’arrivée, mais surtout, il n’instaure aucun caractère contraignant pour les États qui n’auront ainsi aucune obligation de réinstaller au titre de ce règlement. Aujourd’hui et demain, les Etats choisissent et choisiront s’ils réinstallent, et qui ils réinstallent.

Actuellement, les États de l’UE mettent en œuvre des réinstallations sur la base d’engagements pris en commun auprès de la Commission européenne, parfois complétés par des programmes nationaux (la France a par exemple conclu un accord cadre avec le HCR en 2008 visant à réinstaller une centaine de ménages chaque année). D’après l’agence statistique Eurostat, la Suède (5 010 réinstallations effectives), l’Allemagne (4 445), la France (3 200), et les Pays-Bas (1 405) sont les principaux pays d’accueil des réinstallés dans l’UE en 2022. Au total, 17 330 réfugiés ont ainsi été réinstallés dans l’UE en 2022 soit 29,6% de toutes les personnes réinstallées dans le monde cette année-là (58 547 d’après les chiffres du HCR) mais seulement 1,2% des besoins de réinstallation identifiés par le HCR pour 2022 (1,47 million de personnes). Ces résultats sont très loin de l’objectif posé en 2017 par le Parlement européen, visant à prendre en charge 20% des besoins annuels mondiaux identifiés par le HCR : sur cette base, les États membres auraient du prendre en charge 294 000 réinstallations en 2022.

À l’issue du Forum de haut niveau sur les voies légales d’accès à une protection, qui a eu lieu le 29 novembre 2022, seize États membres, soit 3 de plus que l’année précédente, se sont engagés à réinstaller 15 897 personnes en 2023. L’Allemagne, la France et l’Espagne sont les plus ambitieux, avec respectivement 6 500, 3 000 et 1 200 places proposées. Cependant, ces engagements seront toujours loin de couvrir les besoins globaux, en hausse continue. Le HCR estime qu’en 2023, plus de deux millions de personnes ont besoin d’être réinstallés, et qu’en 2024, ce seront 2,4 millions de personnes qui seront concernées.

Consciente de ces manques, la Commission préconise aux Etats, dans la recommandation 2020/1364 sur les voies légales inclue dans le Pacte sur la migration et l’asile, d’augmenter les places de réinstallation, de tirer pleinement parti du fonds européen « Asile, migration et intégration » (FAMI), et de lui communiquer, sur simple demande, le nombre de personnes réinstallées, en conformité avec les engagements. La Commission a par ailleurs créé en 2020 un réseau de réinstallation et d’admission humanitaire, grâce auquel l’Agence européenne pour l’asile soutient les États membres participant dans la mise en œuvre de leurs programmes de réinstallation, au niveau stratégique et opérationnel.

Le Forum mondial sur les réfugiés qui se tiendra en décembre 2023 sous l’égide des Nations unies est une bonne opportunité pour l’UE et les États membres de constater les carences, de partager les bonnes pratiques pour la réalisation des objectifs du Pacte mondial sur les réfugiés et de s’impliquer davantage dans la réinstallation.