La Hongrie, qui prendra la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne à partir de juillet 2024, continue de violer le droit d’asile malgré les condamnations, les résolutions en sa défaveur et appels à agir. Une situation qui inquiète la sphère européenne.

D’après les informations de l’organisation non gouvernementale (ONG) Hungarian Helsinki Committee, sur la base de données sur l’asile AIDA, depuis 2015, la Hongrie possède un mur (deux barrières avec des patrouilles entre les deux) à sa frontière avec la Serbie. Ce dispositif a progressivement été renforcé, par des détecteurs de mouvements et des barbelés. Malgré cela, la frontière extérieure hongroise reste l’une des principales portes d’entrée vers l’Union européenne (UE).

En plus de la barrière physique, la Hongrie pénalise le passage du mur, même en cas de demande d’asile, ce qui va à l’encontre de l’article 31 de la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés.

De plus, depuis 2016, la police est autorisée à renvoyer automatiquement les demandeurs d’asile appréhendés à moins de 8 km de la frontière serbo-hongroise ou croato-hongroise vers la Serbie, bien que la majorité desdits demandeurs soit originaire de zones de conflit ou de violence comme la Syrie, l’Iraq ou l’Afghanistan.

De surcroît, l’état d’urgence peut être déclenché en raison d’une migration de masse : en conséquence, toutes les personnes appréhendées en séjour irrégulier, sur tout le territoire, peuvent être renvoyées en Serbie, même si ces dernières ne sont jamais passé par ledit pays.

En 2020, la Cour de justice de l’UE (CJUE), dans l’affaire C-808/18, a décidé que cette pratique ne respecte pas les garanties procédurales de la législation de l’UE et constitue une infraction au droit de l’UE. Depuis, aucun amendement n’a été adopté et la pratique se maintient, ce qui a conduit la Commission européenne à renvoyer la Hongrie devant la CJUE pour irrespect de son arrêt, en novembre 2021.

Par ailleurs, depuis fin 2020, un étranger en besoin de protection internationale doit soumettre une « déclaration d’intention aux fins de dépôt d’une demande d’asile » à l’ambassade de Hongrie à Belgrade (Serbie) ou à Kiev (Ukraine). La CJUE, en juin 2023, a indiqué que ce système des ambassades est contraire au droit de l’UE. Selon les juges, il s’agit d’une interférence disproportionnée au droit de demander l’asile. En outre, le droit de l’UE ne permet pas à des personnes déjà présentes sur le territoire de l’Union d’en sortir dans le but d’enregistrer une demande de protection. La lutte contre le Covid-19, a été allégué comme justification, mais les organisations locales n’observent pas de changement depuis la fin de la pandémie.

Il n’y a pas non plus d’opérations de réinstallation ou de relocalisation en cours.

Par conséquent, il est quasiment impossible de demander l’asile en Hongrie, ce qui se reflète dans les données Eurostat. En 2022, il n’y a eu que 45 demandes d’asile de primo demandeurs, alors que les 27 États membres de l’UE en ont reçu 874 545. En novembre et décembre 2023, aucune demande n’a été enregistrée.

De son côté, la Cour européenne des droits de l’Homme a également, et plusieurs fois, condamné le pays. En janvier 2024, par exemple, la Cour a statué que la Hongrie a violé les droits d’un demandeur d’asile kurde irakien âgé de 16 ans après que la police l’ait repoussé dans la nature en Serbie. Le comité des ministres du Conseil de l’Europe, en charge du contrôle de l’exécution des arrêtes, demande instamment aux autorités de réformer le régime de l'asile afin de permettre un accès effectif aux moyens d'entrée légale, les exhorte à mettre fin à la pratique consistant à refouler des demandeurs d'asile en Serbie sans procéder à leur identification ou à l’examen de leur situation individuelle, et réitère son appel à l’introduction d’un recours effectif par une instance impartiale contre une procédure d’expulsion.

En ce qui concerne le processus législatif de l’UE (à la majorité qualifiée au Conseil), l’État s’est fortement opposé aux relocalisations obligatoires dans le cadre d’un mécanisme de solidarité du Pacte sur l’asile et la migration. En 2017, la Commission européenne avait d’ailleurs dû renvoyer la Hongrie, avec la République tchèque et la Pologne, devant la CJUE pour non-respect de la décision extraordinaire du Conseil relative à la relocalisation de demandeurs d’Italie et de Grèce après les fortes arrivées de 2015. Par ailleurs, l’État plaide pour un renforcement des contrôles aux frontières et des partenariats avec des pays tiers.

L’accord politique trouvé en décembre 2023 entre le Conseil, le Parlement européen et la Commission va dans son sens, puisque des contributions financières seront possibles à la place de relocalisations.

Ces orientations politiques souvent illégales de la Hongrie, qui succédera à la Belgique à la présidence tournante du Conseil de l’UE le 1er juillet 2024, inquiètent, bien que le Pacte doive être adopté avant. Dans une résolution du 18 janvier 2024, les eurodéputés expriment une vive inquiétude face à la poursuite de l’érosion de la démocratie, de l’État de droit et des droits fondamentaux en Hongrie, regrettant que le Conseil n’ait pas appliqué la procédure prévue à l’ article 7, paragraphe 1, permettant de prendre des mesures en cas de violation des valeurs de l’UE (à la suite de l’activation du mécanisme par le Parlement en 2018). Le Parlement regrette également la décision de la Commission de débloquer jusqu’à 10,2 milliards d’euros de fonds précédemment gelés (la Hongrie peut désormais recevoir des allocations de l’instrument de gestion des frontières et des visas, du fonds pour la sécurité intérieure et du fonds pour l’asile, la migration et l’intégration).  

Dans une autre résolution d’octobre 2023, le groupe de travail de la commission des libertés civiles sur le contrôle de Frontex du Parlement européen demande une suspension immédiate du soutien aux opérations de retour en provenance de Hongrie.