Action extérieure de l’UE : une importance croissante dans la gestion de la migration et de l’asile
L’Union européenne, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont conférés par les traités, agit sur la scène internationale pour la gestion de la migration et de l’asile sur son territoire. Cette croissance de son action extérieure, que devrait encore amplifier le Pacte sur la migration et l’asile, suscite cependant de nombreuses controverses.
L’action extérieure de l’Union européenne (UE) peut être définie comme l’action de l’Union sur la scène internationale. Elle comprend sa politique commerciale (articles 206 et 207 du Traité sur le fonctionnement de l’UE - TFUE), de coopération au développement (articles 208 à 2011), de coopération économique, financière et technique avec des pays tiers (articles 212 et 213), d’aide humanitaire (article 214), sa politique étrangère de sécurité commune (PESC) et de défense commune (articles 21 à 46 du Traité sur l’UE (TUE)), ainsi que la dimension extérieure d’autres politiques internes de l’UE, telle que celle relative à la migration. Dans le cadre de cette action extérieure, l’UE peut adopter des mesures restrictives (article 215 du TFUE), conclure des accords internationaux (articles 216 à 219 TFUE), établir des relations avec des organisations internationales et des pays tiers, ou instaurer des délégations de l’UE (articles 220 et 221 TFUE).
Si une grande partie du Pacte sur l’asile et la migration, qui entrera en application en juin 2026, porte sur la réforme des systèmes d'asile et de migration des États membres de l'UE, il met également l'accent sur la dimension extérieure, en particulier sur la coopération avec les principaux pays d'origine et de transit (voir notamment nos articles sur les listes des pays d’origine sûrs et pays tiers sûrs).
Le règlement 2024/1351, dit « gestion » (RAMM – AMMR en anglais), qui remplacera « Dublin », prévoit notamment le renforcement des partenariats avec les pays tiers (article 5), tandis que le mécanisme de solidarité prévu dans ce règlement, afin d’aider les États avec le plus d’arrivées, permet des contributions financières dans des pays tiers (articles 56 et suivants). Par ailleurs, le règlement 2024/1348, dit « procédure » (APR en anglais), qui remplacera la directive du même nom, dispose que lorsque l'UE et un pays tiers sont parvenus à un accord selon lequel les migrants admis en vertu dudit accord seront protégés conformément aux normes internationales applicables et dans le plein respect du principe de non-refoulement, les conditions relatives au statut de pays tiers sûr -permettant une procédure accélérée et à la frontière - pourront être présumées remplies (article 59).
L'instrument NDICI - Global Europe (Neighbourhood, Development and International Cooperation Instrument), doté d'une enveloppe globale de 79,5 milliards d'euros, pourra couvrir cette coopération de l'UE avec des pays tiers, à l'exception des pays bénéficiaires de la préadhésion.
L’UE n’a toutefois pas attendu ces nouvelles règles pour agir sur la dimension extérieure. Le service européen pour l’action extérieure (SEAE – EEAS en anglais), le service diplomatique de l’UE, dont la haute représentante est également vice-présidente de la Commission européenne, prend part aux cadres de dialogue régionaux, qui visent à améliorer la compréhension mutuelle des approches des défis et des opportunités liés aux migrations. L'UE participe donc aux processus de Rabat, Khartoum, Budapest et Prague, qui couvrent les différentes routes migratoires vers l'Europe. Au niveau multilatéral, l’UE dialogue, entre autres, avec l’Union africaine, le HCR et l'OIM.
Rien qu’en 2024, des partenariats avec des pays tels que le Bangladesh, le Pakistan, l’Egypte, le Liban et la Mauritanie ont été passés. Ces partenariats sont pour la plupart globaux, c’est-à dire qu’ils couvrent plusieurs champs : les relations politiques, la stabilité économique, les investissements, le commerce, la migration, etc. Généralement, les financements de l’UE sont conditionnés à des actions en matière de migration, telles que des actions de prévention des arrivées irrégulières, la sécurisation des frontières et des actions de lutte contre le trafic de migrants.
Le mécanisme de coordination opérationnelle pour la dimension extérieure des migrations (Mocadem), créé sous la présidence française du Conseil de l’UE de 2022, qui est une table ronde composée du Conseil, de la Commission, du SEAE, et de parties invitées, placé sous la direction de la présidence tournante du Conseil, prépare et propose des actions opérationnelles relatives aux moyens et aux leviers à mobiliser pour mettre en œuvre les objectifs de l’UE pour chaque pays tiers concerné.
Ces accords avec des pays tiers, de plus en plus courants, font aussi de plus en plus l’objet de critiques. Premièrement, les accords formels (qui comprennent, suivant l’article 79.3 TFUE, un mandat accordé par le Conseil et le consentement du Parlement européen) sont paradoxalement de moins en moins nombreux, empêchant un contrôle du Parlement européen et de la Cour de justice de l’UE, alors même que ces accords sont conclus avec des pays dénoncés pour leur irrespect des droits fondamentaux. Une approche « Team Europe », inconnue des Traités, avec des représentants de certains États membres et de la Commission, se déplaçant pour négocier, est privilégiée. Deuxièmement, l’objectif de réduire les arrivées questionne le respect du droit d’asile, qui autorise une entrée irrégulière pour demander une protection. Enfin, leur efficacité est loin d’être prouvée. En effet, les arrivées irrégulières sont davantage corrélées aux situations dans les pays d’origine qu’à la sécurisation des frontières, le renforcement de celles-ci donnant davantage une raison d’être aux organisations criminelles de passeurs. D’autre part, les pays tiers sont indépendants et suivent leurs propres intérêts, qui ne sont pas toujours en accord avec ceux de l’UE. L’abandon de fait de l’accord UE-Turquie en témoigne.