Il est tout d’abord important de bien différencier la traite du « trafic illicite de migrants » qui est le fait d’assurer l’entrée illégale d’une personne dans un Etat afin d’en tirer un avantage financier ou un autre avantage matériel selon le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer. La traite des êtres humains est définie par le Protocole de Palerme visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, adopté en 2000 par l’Assemblée générale des Nations Unies. Une définition commune a été établie au sein de ce texte à l’article 3.a afin d’harmoniser les droits internes et de renforcer la coopération internationale. Elle désigne « le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par l’enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail et les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ». D’autre conventions internationales et résolutions des Nations Unies s’attachent également à lutter contre la traite des humains comme la Convention relative aux droits de l’enfant, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes ou encore les conventions de l’Organisation internationale du travail.

Il est difficile d’évaluer l’ampleur du phénomène de traite et le nombre de victimes. Selon les derniers chiffres de la Commission européenne publiée en décembre 2018, 20 532 victimes ont été enregistrés dans l’UE en 2015 et 2016 (9 147 en 2015 et 11 385 en 2016), dont 68% de femmes et 23% de mineurs. 56% sont des citoyens non européens majoritairement originaires du Nigéria, d’Albanie, du Vietnam, de Chine et d’Erythrée.

Au niveau européen, le Conseil de l’Europe a élaboré son propre instrument avec la Convention n°197 sur la lutte contre la traite des êtres humains, dite Convention de Varsovie adoptée en 2005. Cette convention reprend exactement la même définition que le Protocole de Palerme. Elle a trois objectifs : prévenir et combattre la traite des êtres humains en garantissant l’égalité entre les femmes et les hommes ; concevoir un cadre complet de protection et d’assistance aux victimes et assurer des enquêtes et des poursuites efficaces ; promouvoir la coopération internationale. La convention s’applique à toutes les formes de traite, qu’elles soient nationales ou transnationales et liées ou non à la criminalité organisée. Elle met également en place un mécanisme de suivi afin de renforcer la mise en œuvre du texte comprenant le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) et le Comité des parties.

Au niveau de l’Union européenne (UE), la directive 2011/36/UE fait suite à la signature par l’UE du Protocole de Palerme, et constitue le texte de référence sur la traite et l’exploitation des êtres humains et reprend quasiment mot pour mot la définition du Protocole de Palerme. Les Etats doivent prendre les mesures nécessaires pour qu’une assistance et une aide soient apportées aux victimes, notamment un hébergement adapté et sûr, une assistance matérielle, des soins médiaux nécessaires y compris psychologiques, des conseils et des informations, des services de traduction et d’interprétation. L’article 11-6 oblige les Etats membres à informer les victimes qu’elles peuvent prétendre à une protection internationale. Elle prévoit également la prise en compte de toute situation de vulnérabilité et de fournir tout conseil ou représentation juridique dont elles ont besoin dans le cadre des enquêtes et des procédures pénales. Des mesures spécifiques sont prévues pour les mineurs victimes ou présumés victimes. Une indemnisation doit également être assurée selon les régimes existants. En termes de prévention, un mécanisme de Rapporteur national sur la traite doit être crée par les Etats membres. En France, c’est la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) qui a reçu ce mandat en 2014. Afin d’assurer la mise en œuvre de la directive, la Commission européenne a défini une Stratégie de l’UE 2012-2016 en vue de l’éradication de la traite, suivie d’une nouvelle stratégie 2017-2019. L’ensemble est supervisé par un Coordinateur de l’UE de lutte contre la traite. Une plateforme européenne de la société civile de lutte contre la traite des êtres humains, dont Forum réfugiés-Cosi est membre, a également été lancée par la Commission européenne en mai 2013 et se réunit deux fois par an.

Dans le régime d’asile européen commun, les victimes de traite des êtres humains sont inclues dans la liste des personnes considérées comme vulnérables au sein de la directive Accueil 2013/33/UE. Leur  situation particulière doit être prise en compte et les conditions matérielles d’accueil doivent être adaptées. La directive Procédures oblige également les Etats à mettre en place des garanties procédurales spécifiques pour ces demandeurs vulnérables, notamment dans la durée et la conduite de l’entretien. Le règlement Dublin prévoit des dispositions pour les mineurs victimes de traite (article 6.3.c), mais il n’est pas fait mention de dispositions pour les adultes victimes de traite.

A l’occasion du 18 octobre, journée européenne de lutte contre la traite, la France a publié son nouveau plan d’action national contre la traite des êtres humains après trois ans d’attente suite à la fin du premier plan sur la période 2014-2016. Ce plan propose 45 mesures autour de 6 axes de travail. Parmi celles liées à l’asile, la mesure 24 prévoit de spécialiser les structures de places d’hébergement dans le dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile, mais aussi une meilleur sensibilisation des populations migrantes sur les risques d’exploitation, et de définir un plan de formation et de sensibilisation.  En outre, la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) et l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) ont publié en partenariat avec les association membres du collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » la troisième édition de l’enquête sur les victimes de traite des êtres humains suivies par les associations en France en 2018. 2 918 victimes ont été recensées par 53 associations en 2018. L’ONDRP a également publié les données administratives liées à la traite incluant le nombre de victimes d’une infraction de traite, de personnes poursuivies, et condamnées.