La procédure de demande d’asile à la frontière est actuellement encadrée par la directive européenne 2013/32/UE relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale et son article 43. Ce dernier indique que « les Etats peuvent prévoir des procédures conformément aux principes de base et aux garanties procédurales […] afin de se prononcer, à leur frontière ou dans leurs zones de transit, sur la recevabilité d’une demande […] et/ou le fond d’une demande. » Les Etats membres doivent veiller à ce que toute décision soit prise dans un délai raisonnable. Si aucune décision n’est prise dans un délai de quatre semaines, le demandeur se voit accorder le droit d’entrer sur le territoire de l’Etat membre afin que sa demande soit traitée selon les autres dispositions prévues par la directive. Cette procédure est donc aujourd’hui optionnelle pour les Etats membres qui appliquent de manière très divergente cette disposition.

Par exemple, cette procédure n’est pas prévue dans les législations nationales de la Bulgarie, de Chypre, de l’Irlande, de Malte, de la Pologne, et de la Suède. Mais l’Autriche, la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne, la France (à travers le dispositif d’asile en zone d’attente), la Grèce, les Pays-Bas, le Portugal, et la Roumanie peuvent examiner les demandes dans le cadre d’une procédure à la frontière.

Les pays situés aux frontières extérieures de l’UE ont été incités ces dernières années à introduire cette procédure dans leur cadre légal national ou à l’appliquer de manière plus systématique.

En 2016, la Commission européenne a initié une réforme du régime d’asile européen commun et notamment de la directive Procédures. Dans le cadre des négociations, l’enjeu d’une procédure obligatoire ou optionnelle est au cœur des débats. Des propositions auraient étaient faites pour rendre la procédure obligatoire pour tous les Etats. Les délais pour rendre une décision sur les demandes d’asile seraient par ailleurs étendus, passant de 4 à 6 semaines pour prendre une décision sur la demande. Si un appel est introduit, l’entrée sur le territoire ne serait pas accordée avant 12 semaines après l’introduction de la demande si aucune décision n’est prise dans ce délai.

L’enjeu de la procédure de demande d’asile à la frontière est également apparu dans les débats engagés par la Commission européenne depuis septembre 2018 pour la refonte de la directive Retour, qui encadre les procédures de retour et de rétention des ressortissants en situation irrégulière sur le territoire de l’UE. La Commission européenne propose en effet de mettre en place une procédure de retour à la frontière applicable aux ressortissants de pays tiers faisant l’objet d’une décision de rejet d’une demande de protection internationale effectuée à la frontière. Cette nouvelle procédure introduit un lien étroit entre les procédures de retour et d’asile.  Le délai de recours contre la décision de retour serait de 48 heures, avec un caractère suspensif limité. La durée de la rétention pour appliquer cette procédure ne devrait pas excéder 4 mois. Cependant, elle pourra s’ajouter à la durée de rétention maximale définit par cette directive qui est de 18 mois.

Ces propositions se focalisent sur la problématique, majeure pour ces Etats membres, des mouvements secondaires. Dans le cadre des arrangements temporaires de débarquement pour les personnes secourues en mer Méditerranée, certains Etats membres auraient lié leur engagement futur dans ce système de relocalisation à l’application systématique d’une procédure à la frontière, comme garantie contre les mouvements secondaires.

Dans son rapport annuel 2018 sur l’asile en UE, le Bureau européen d’appui en matière d’asile indique que le taux de reconnaissance est substantiellement plus bas en première instance dans le cadre d’une procédure à la frontière en 2018, s’élevant à 12% contre 34% dans le cadre de procédures normales. L’enjeu de la protection est donc bien central dans ce débat. Les propositions en cours de négociation introduisent une approche très restrictive des garanties procédurales, incluant des délais de recours plus courts, une limitation du caractère suspensif des recours, un accès à l’information et à un accompagnement légal limités. De plus, l’identification et la prise en charge des demandeurs d’asile vulnérables sont extrêmement limités et ne peuvent être garantis. Elle induit également une utilisation étendue et quasiment systématique à la privation de liberté des demandeurs d’asile qui va à l’encontre des recommandations du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Enfin, ces propositions de procédures de demande d’asile et de retour à la frontière font écho à la mise en place de l’approche hotspot appliquée en Grèce et en Italie, marquée par de nombreuses atteintes aux droits fondamentaux.

L’extension des procédures à la frontière fait également craindre à certains acteurs, comme le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés (ECRE), la mise en place à moyen terme d’une procédure à la frontière qui s’appliquerait à tout le monde, y compris ceux qui ne sont pas à la frontière mais qui seraient tenus de s’y rendre pour demander l’asile. Une pratique aujourd’hui appliquée par la Hongrie, en violation du droit européen en vigueur.