La Stratégie nationale pour l’accueil et l’intégration des réfugiés présentée en juin 2018 et portée par le ministère de l’Intérieur encadre les priorités gouvernementales permettant une meilleure intégration des réfugiés en France. Alors que le dispositif national d’accueil ne prévoyait pas, jusqu’à récemment, de dispositions particulières pour l’hébergement et l’accompagnement des bénéficiaires de protection internationale victimes de traite des êtres humains, l’une des priorités de la Stratégie nationale est de garantir une prise en charge adaptée des femmes réfugiées vulnérables (axe 3). En effet, elle souligne que « les vulnérabilités particulières des femmes réfugiées sont des freins dans leur parcours d’intégration ». Parmi les actions prévues, la Stratégie prévoit de garantir une mise en sécurité des femmes réfugiées vulnérables dans des structures d’hébergement spécialisées (action 13), à savoir les femmes victimes de violences ou de traite des êtres humains et les femmes appartenant à la communauté LGBT. Les autorités françaises s’engagent ainsi à ce que dès 2018, des places en centres d’hébergement pour demandeurs d’asile et pour réfugiés soient dédiées à ces femmes vulnérables et proposent une prise en charge renforcée.

A l’issue de l’expérimentation de 2018 dans deux régions en France, 300 places ont progressivement ouvert en 2019 et 2020 dans quatre régions. Comme le souligne la Direction générale des étrangers en France dans une instruction du 27 décembre 2019, « la spécialisation des places permet d’offrir un accompagnement adapté aux femmes vulnérables en danger sur le territoire en leur garantissant une mise à l’abri sécurisée ». Actuellement, 66 places sur les 300 sont situées dans 3 centres provisoires d’hébergement (CPH), destinés aux bénéficiaires de protection internationale. Le coût habituel par jour et par personne d’une place dans un CPH est de 25 euros. Pour les places dédiées, 13 euros supplémentaires sont prévus afin de renforcer les services proposés. Selon le cahier des charges, les centres d’hébergement s’engagent à respecter 6 conditions :

  • Offrir des conditions d’hébergement adapté, notamment en proposant des places non-mixtes ;
  • Mettre en place un suivi spécifique, adapté aux problématiques spécifiques dont sont victimes les femmes victimes de violence, notamment mobiliser des assistants sociaux spécialisés et formés, aider au dépôt de plainte, accompagner lors des procédures judiciaires, proposer un soutien juridique et psychologique durant les démarches, prévoir l’accessibilité et la sécurité des bureaux de l’association ;
  • Garantir des conditions de sécurité des lieux : interdire les visites, équiper le bâtiment d’un digicode et d’un interphone ou d’un service de gardiennage des locaux s’il s’agit d’un accueil collectif, mettre en place un numéro d’astreinte s’il s’agit d’un accueil diffus ;
  • Soutenir l’accès aux soins et à la santé : assurer une présence médicale les premiers jours de l’accueil et permettre une orientation sanitaire ciblée, faire intervenir un psychologue en interne pour poser un diagnostic et accompagner vers les centres médico-psychologiques (CMP), proposer des groupes de discussion animés par un psychologue, informer et accompagner les personnes vers les dispositifs de prévention, d’addiction, de dépistage et de prise en charge des problématiques gynécologiques ;
  • Accompagner et soutenir la parentalité et la scolarité : prévoir des groupes de parole, proposer des lieux dédiées à l’accueil d’enfants et éventuellement un système de garde, prévoir des sessions d’information sur le système éducatif français, proposer un accompagnement à l’inscription à l’école et un soutien psychologique aux enfants ;
  • S’engager dans une stratégie partenariale avec les acteurs associatifs et institutionnels aussi bien locaux que nationaux.

Les acteurs associatifs français interrogés dans le cadre du projet TRIPS soulignent l’intérêt et la pertinence de ce dispositif, notamment en termes d’intégration. En effet, il permet de répondre aux besoins spécifiques des victimes de traite des êtres humains bénéficiaires de protection internationale, notamment en termes de sécurité et de soutien psychologique et juridique, éléments préalables à l’intégration. De plus, ce dispositif offre la possibilité d’un réel éloignement géographique, ce qui favorise la sortie du réseau de traite, même si sa gestion par les directions territoriales de L’Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) complexifie l’orientation à un niveau national. Enfin, ce dispositif prévoit que les intervenants sociaux soient spécifiquement formés à ces problématiques, ce qui améliore la qualité de la prise en compte des besoins spécifiques des victimes de traite.

Il est toutefois à noter que ce dispositif reste pour l’instant sous dimensionné, n’offrant que 66 places pour les bénéficiaires de protection internationale, d’autant plus qu’il s’adresse à la fois aux victimes de violence et victimes de traite des êtres humains. De plus, ce dispositif reste encore mal connu et le manque de coordination entre les acteurs associatifs et institutionnels constitue un frein dans l’accompagnement des victimes de traite des êtres humains. L’OFII, organisme qui oriente vers ces dispositifs d’hébergement, a notamment des difficultés à identifier des victimes de traite parmi les bénéficiaires de protection internationale et dépend de l’identification faite par des associations partenaires. Enfin, il est à souligner que ce dispositif est restrictif, en tant qu’il ne s’adresse qu’aux femmes victimes de traite des êtres humains, et non pas à l’ensemble des victimes de traite des êtres humains.

Cet article a été rédigé dans le cadre du projet TRIPS – identification of TRafficked International Protection beneficiaries’ Special needs par Forum réfugiés-Cosi. Cet article fait partie d’une série d’articles portant sur le projet TRIPS rédigée par chaque partenaire du projet : project Churches’ Commission for Migrants in Europe, Immigrant Council of Ireland, Italian Council for Refugees, Organization for Aid to Refugees.

 

Pour plus d’informations sur le projet: https://www.forumrefugies.org/nos-actions/en-europe/projets-transnationaux

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