A l’issue des résultats des élections, le nouveau gouvernement élu sera chargé de mettre en place des mesures dans les différents domaines liés à la politique d’asile, l’accès à la demande d’asile, l’accueil des demandeurs, l’instruction des demandes et l’intégration des réfugiés. Il devra également porter la position de la France dans ce domaine au niveau international et européen.

Si les programmes de Nathalie Arthaud (Lutte Ouvrière), Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) et Jean Lassalle (Résistons !) ne font aucunement mention du droit d’asile, les propositions présentées par les autres candidats contiennent plusieurs mesures sur le sujet.  

Accès à la procédure d’asile 

Valérie Pécresse (Les Républicains), Marine le Pen (Rassemblement National) et Éric Zemmour (Reconquête) proposent d’imposer le dépôt des demandes d’asile à la frontière française ou dans les ambassades de France à l’étranger. Pour cela, Valérie Pécresse souhaite la création de centres fermés à la frontière, dans lesquels les demandeurs d’asile seront placés dans l’attente de l’examen de leur demande de protection, et, en cas de rejet de cette demande, de leur éloignement vers leur pays d’origine. Ces propositions, qui consistent à externaliser le traitement des demandes d’asile, sont clairement contraires aux engagements internationaux souscrits par la France mais aussi à la Constitution française. Cette proposition, partagée par les trois candidats, constitue ainsi une violation manifeste du droit d’asile et les pratiques en ce sens de certains pays entraînent des violations importantes des droits fondamentaux (voir notre article de newsletter d’octobre 2018 sur l’exemple australien)

Accueil des demandeurs d’asile et accès aux droits

Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise), Fabien Roussel (Parti Communiste) et Anne Hidalgo (Parti Socialiste) souhaitent renforcer le dispositif d’accueil des demandeurs d’asile. En ce sens, Jean-Luc Mélenchon propose d’organiser une répartition des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire – objectif également poursuivi par le schéma national d’accueil instauré depuis 2021 - et d’augmenter le nombre de places d’hébergement disponibles en centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA). De son côté, Fabien Roussel souhaite augmenter les moyens alloués à l’Office Français d’Immigration et d’Intégration (OFII). Anne Hidalgo affirme vouloir « garantir un accueil digne en toutes circonstances des demandeurs d’asile », sans toutefois préciser davantage les mesures concrètes pour y parvenir. Yannick Jadot (Europe Ecologie Les Verts) propose de renforcer l’accès aux soins de santé, en supprimant le délai de carence applicable aux demandeurs d’asile pour l’ouverture des droits à l’assurance maladie. Enfin, et de manière unanime, Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon et Anne Hidalgo souhaitent permettre aux demandeurs d’asile d’exercer un emploi, et ce dès le dépôt de leur demande d’asile. Actuellement, les demandeurs d’asile ne sont autorisés à solliciter une autorisation de travail que si leur demande d’asile est en cours d’examen à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) depuis plus de six mois.

Instruction de la demande d’asile 

Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Emmanuel Macron (La République En Marche) souhaitent la réduction des délais de traitement des demandes d’asile. Cet objectif, plus complexe qu’il n’y parait (voir notre article de newsletter de septembre 2020), constituait déjà l’orientation principale da la majorité présidentielle élue en 2017. Emmanuel Macron souhaite également renvoyer plus rapidement les personnes non éligibles à l’asile, en leur notifiant automatiquement une obligation de quitter le territoire Français (OQTF) au moment du rejet de leur demande d’asile. Jean-Luc Mélenchon propose la suppression de la procédure accélérée et l’instauration d’une procédure d’asile unique. Il propose également d’augmenter le budget de fonctionnement de l’OFPRA et de le rattacher au ministère des Affaires étrangères et non plus au ministère de l’Intérieur, dans le but « d’assurer un droit d’asile déconnecté des politiques migratoires ». Fabien Roussel veut également augmenter les moyens alloués à l’OFPRA, afin de « garantir de nouveau le droit d’asile aux réfugiés ». De son côté, Yannick Jadot plaide pour la suppression de la liste des pays d’origine sûrs, qui a pour effet de placer automatiquement en procédure accélérée les demandeurs d’asile en provenance d’un de ces pays et de réduire les garanties procédurales entourant leur demande. Dans son programme, Éric Zemmour se contente d’affirmer sa volonté de restreindre drastiquement l’attribution de l’asile, pour le limiter « à une poignée d’individus » par an, sans expliquer comment cette proposition manifestement contraire aux cadre juridique national, européen, et international, pourrait se concrétiser.

Intégration des réfugiés 

Yannick Jadot propose de renforcer les droits attachés au statut de bénéficiaire d’une protection internationale (BPI : réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire) en permettant aux BPI de circuler librement dans l’Union européenne un an après l’octroi de leur protection. A l’inverse, Marine Le Pen souhaite réexaminer de manière périodique la situation des BPI au regard des éventuelles évolutions politiques de leur pays d’origine. S’il apparait que les conditions de l’asile ne sont plus réunies, les BPI pourront se voir retirer leur statut – une possibilité déjà prévue actuellement dans le droit français.

Position de la France au niveau international et européen 

La nécessité de réformer le régime d’asile européen commun est partagée par Yannick Jadot, Anne Hidalgo et Jean-Luc Mélenchon. L’ensemble de leurs propositions visent à instaurer un système basé sur la solidarité entre États membres, en fonction de leurs capacités d’accueil, pour permettre une répartition équitable des demandeurs d’asile dans l’UE, et abroger ainsi le règlement Dublin. Au niveau international, Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot plaident aussi pour la reconnaissance d’un statut de réfugié climatique, afin d’assurer la protection des déplacés environnementaux. Enfin, Marine Le Pen souhaite, bien au-delà des enjeux liés à l’asile, remettre en cause le principe de supériorité des traités internationaux sur les lois. Son programme contient notamment un projet de loi organique prévoyant que la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, et la Convention internationale relative aux droits de l’enfant ne puissent plus être invoquées devant les tribunaux français pour contester une décision relative au droit d’asile. Cette proposition, outre le recul considérable qu’elle représenterait pour la protection des droits fondamentaux des demandeurs d’asile, reviendrait à remettre en cause les principes fondateurs du droit international, et serait également incompatible avec plusieurs engagements de la France.