La couverture des besoins d’hébergement pour les demandeurs d’asile peut être améliorée à travers la création de nouvelles places mais aussi en améliorant la fluidité du parc actuel et en optimisant son occupation. Ces leviers essentiels sont cependant moins simples qu’il n’y parait à activer.

 

Au 31 décembre 2022, seuls 41% des demandeurs d’asile enregistrés en France étaient hébergés dans le dispositif national d’accueil (DNA). Ce taux très bas s’explique par le développement de pratiques visant à priver les demandeurs d’asile de toute condition matérielle d’accueil à travers une utilisation stricte des dispositions légales dans ce domaine, et par un nombre de places insuffisant.

Il révèle aussi un manque d’optimisation du parc d’hébergement : à la fin de l’année dernière, les places financées pour l’hébergement des demandeurs d’asile au sein du dispositif national d’accueil (DNA) n’étaient occupées qu’à 56% environ par des demandeurs d’asile d’après les données recueillies par Forum réfugiés dans le cadre de son rapport annuel sur l’asile publié le 20 juin 2023. Plusieurs centaines de places sont en effet non ouvertes (financées mais pas encore prêtes à accueillir des personnes), indisponibles (notamment en raison de travaux) ou sont vacantes (ouvertes et disponibles mais non occupées), tandis que des milliers d’autres sont occupées par des bénéficiaires de la protection internationale (BPI) ou des déboutés, en présence autorisée (les BPI peuvent rester jusqu’à 6 mois, les déboutés 1 mois) ou indue. L’enjeu de fluidité s’avère donc complexe, pour tous les acteurs du système d’asile.

Les opérateurs de l’hébergement accompagné dans le secteur de l’asile doivent respecter un objectif de 97% d’occupation du parc d’hébergement. Or, la réalité en est bien éloignée et se traduit de manière plus complexe. Face à ce qui pourrait être perçu comme une inefficience des services proposés, l’inoccupation est en réalité le produit d’une multitude de facteurs, qu’ils soient relatifs aux acteurs de l’asile ou résultant d’un environnement socio-sanitaire et économique extérieur.

À chaque ouverture ou extension de centre, le gestionnaire du lieu d’hébergement engage des démarches pour capter le nombre de places définies par les conventions dans le parc immobilier, essentiellement social. Ainsi, en fonction des territoires d’implantation, les places peuvent être situées en structures collectives reconverties (généralement d’anciens EHPAD, foyers de jeunes travailleurs ou de travailleurs migrants, centres de formation professionnelle, etc.) ou en appartements diffus. Dans certains lieux, la vétusté nécessite l’engagement de travaux de remise en état avant l’occupation par un nouveau foyer. Ces délais, plus ou moins longs en fonction de la nature des travaux, de la disponibilité des matières premières ainsi que celle des artisans, impactent directement le taux d’occupation, rendant indisponibles pendant plusieurs jours ou semaines les places concernées. Les programmes de réhabilitation lourde nécessitent de fermer tout ou partie des capacités pendant plusieurs mois (souvent 12, 18 ou 24 mois), sans que des solutions palliatives ne soient possibles, du fait de la tension sur le marché immobilier local. Les places peuvent également être temporairement indisponibles lors d’opérations de désinfestation entreprises pour lutter contre la prolifération des nuisibles (cafards, punaises de lits, …).

L’inoccupation s’explique également par les délais d’orientation. En effet, plusieurs semaines sont souvent enregistrées entre la déclaration de disponibilité préalable d’une place d’hébergement et l’orientation des personnes, puis entre leur orientation et leur entrée effective. Les personnes orientées peuvent également émettre un refus tardif avant leur entrée, échec qui entraine la relance et par conséquent l’augmentation de la durée du processus d’orientation. Parfois, les typologies des orientations proposées par l’OFII sont en inadéquation avec le nombre de places déclarées libres par l’opérateur, compte tenu de la typologie des logements et des ménages. Ainsi, orienter dans un appartement pouvant accueillir des compositions familiales de 5 à 6 personnes, des familles de composition moindre ou des personnes isolées en cohabitation génèrent ipso facto une perte de capacité effective d’hébergement.

Les problématiques de sous-effectif des équipes en centre d’hébergement peuvent également impacter temporairement l’occupation, car les déclarations de disponibilités de places sont gelées dans l’attente de retrouver un fonctionnement adéquat en cas d’inoccupation prolongée de certains postes (agent social et hôtelier, chargé d’accompagnement). Ces situations, plus marginales, sont la conséquence des difficultés largement constatées dans les métiers du secteur social et du médico-social.

Certaines situations d’urgence sanitaire ou sociale impliquent par ailleurs de geler la déclaration de logements ou d’immeubles le temps qu’une réponse soit apportée : mises en quarantaine en cas d’épidémies, mises à l’abri en cas de violences conjugales ou intrafamiliales, etc.

Enfin, la fluidité du DNA doit également tenir compte de l’occupation indue, qui est en augmentation. La saturation des capacités des dispositifs de droit commun, tout comme celle du marché immobilier, conduisent les personnes à se maintenir en centre alors qu’elles ont dépassé le délai de séjour règlementaire. Bien que l’accompagnement mis en œuvre par les gestionnaires des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile intègre la préparation à la sortie, les situations socio-sanitaires complexes ne bénéficient pas des relais de prise en charge adéquats, laissant les personnes dans un statu quo et bloquant la fluidité d’orientation à l’entrée en centre. Le rôle des autorités et services de l’État compétents sur ces questions doit être pleinement assuré, en lien étroit avec l’opérateur, pour enclencher les mesures appropriées aux situations individuelles, afin de libérer les places dédiées aux personnes en demande d’asile.