Entre le 28 février et fin juin 2022, le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) estimait à 5,5 millions le nombre de réfugiés d’Ukraine ayant rejoint Europe, dont 3,6 millions ayant sollicité une protection temporaire (voir notre article de mars 2022). Le HCR recense comme destinations principales des réfugiés ukrainiens la Pologne (six réfugiés ukrainiens sur dix), la Roumanie, la Russie, la Hongrie, la Moldavie, la Slovaquie, des États frontaliers de l’Ukraine.

Dans le cadre d’un rapport publié en juillet 2022 sur les « profils et intentions des réfugiés d’Ukraine », le HCR a mené 4 871 entretiens entre le 16 mai et le 15 juin 2022 avec des personnes accueillies en Moldavie, Pologne, Roumanie, Hongrie, République Tchèque et Slovaquie. Cette étude a pour objectif de recueillir l’intention des demandeurs d’asile, réfugiés et bénéficiaires de la protection temporaire quant à leurs projets d’installation dans les pays d’accueil ou à leur volonté de retourner en Ukraine.

La question du retour prend une importante nouvelle depuis quelques mois. Le 10 mai 2022, pour la première fois depuis le début de la guerre, la police aux frontières ukrainienne a enregistré plus d’entrées que de sorties du territoire. Au 12 avril 2022, le Bureau des Nations unies pour la coordination humanitaire (OCHA) indiquait que près de 30 000 Ukrainiens traverseraient quotidiennement les frontières pour regagner leur pays. Une tendance qui se confirme depuis : le 19 mai, 35 000 personnes quittaient l’Ukraine, quand 41 000 y rentraient.

La majorité des personnes interrogées par le HCR souhaitent retourner en Ukraine dès que possible. Les motivations à ces retours sont la réunification familiale mais aussi les difficultés de trouver un emploi et un logement dans les pays d’accueil. 20% évoquent un retour temporaire pour effectuer des achats, faire venir la famille, ou encore rendre visite aux proches.

Pour 82% des personnes réfugiées d’Ukraine, très majoritairement des femmes et des enfants, un proche a été contraint de rester en Ukraine. Ces séparations sont dues aux circonscriptions militaires ​interdisant aux hommes âgés de 18 à 60 ans de quitter le territoire (61%), à la volonté de rester (48%) et à l’incapacité de fuir (35%). À ce propos, le HCR estime à 13 millions le nombre de personnes bloquées dans les zones touchées ou incapables de partir. Ces civils restent piégés dans ces zones en raison « des risques accrus pour la sécurité, de la destruction des ponts et des routes, ainsi que du manque de ressources ou d’informations sur les endroits où trouver la sécurité et un logement ». Ils sont dans l’incapacité de satisfaire leurs besoins fondamentaux, notamment en nourriture, en eau et en médicaments. De ce fait, 15% des personnes de retour en Ukraine ont prévu de rester temporairement pour rendre visite à leurs proches et/ou les aider à évacuer le pays.

Pour 40% des 16% d’Ukrainiens qui envisagent un retour en Ukraine, le départ est motivé par l’insécurité financière (besoin de liquidités, difficultés d’accès à l’emploi et au logement dans le pays d’accueil, peur de perdre son emploi en Ukraine). Le HCR souligne les difficultés liées à l’apprentissage de la langue du pays d’accueil et à l’accès à l’emploi. 20% ont fait état de besoins spécifiques et de manques dans l’accès à des prestations et services dans leurs pays d’accueil et notamment parmi les familles avec de jeunes enfants ou des personnes âgées nécessitant des traitements médicaux ou une assistance matérielle. Les personnes interrogées mentionnent également la difficulté d’accepter le fait de se sentir assistées et dépendantes d’aides.

Or, les retours devraient être un choix et non motivés par des contraintes financières ou des difficultés d’assouvir des besoins fondamentaux. Le HCR rappelle en ce sens que les Ukrainiens en exil doivent bénéficier de la sécurité et de la protection qu’ils recherchent dans un État d’accueil. Les bénéficiaires de la protection temporaires ne doivent pas précipiter leur retour et doivent avoir la possibilité de revenir dans les pays d’accueil s’ils ont effectué un voyage en Ukraine.

L’incertitude liée à l’évolution de la situation militaire empêche les projections concrètes dans un avenir proche. La plupart des réfugiés attendent la fin des hostilités, ce qui complique une planification de leurs déplacements sur le court terme. La situation sécuritaire étant très volatile et imprévisible, aucune conclusion ne peut être tirée sur des tendances définitives concernant les entrées et sorties de territoire. Parallèlement à ces retours, difficiles à quantifier car ils incluent des personnes franchissant régulièrement la frontière dans un sens ou un autre, les autorités continuent de recenser de nombreux exils dans les pays voisins.