Les données sur l’asile dans l’Union européenne font apparaitre chaque année une demande importante de ressortissants vénézuéliens et un fort taux de protection pour cette nationalité. La protection des Vénézuéliens se concentre en réalité sur l’Espagne, qui leur accorde quasi-automatiquement un statut spécifique. 

Du fait de la situation politico-économique du Venezuela, les demandes de protection internationale de ressortissants vénézuéliens ont fortement augmenté en Europe ces dernières années. Ainsi, le Venezuela était le 7ème principal pays d’origine des primo-demandeurs d’asile dans l’Union européenne en 2021, après avoir occupé la troisième position les années précédentes derrière la Syrie et l’Afghanistan. D’après les données provisoires pour l’année 2022, le Venezuela est toujours parmi les principaux pays d’origine des demandeurs d’asile dans l’UE. Les Vénézuéliens sont aussi parmi les ressortissants de pays tiers les plus protégés en Europe : en 2021, ils représentaient 5% de l’ensemble des bénéficiaires d’une protection dans l’UE en troisième position derrière les Syriens (26%) et les Afghans (20%) après avoir occupé la deuxième position (17%) en 2020.

Ce tableau statistique européen, qui accorde une place très importante au Venezuela, relève en réalité d’une spécificité nationale : la quasi-totalité des demandes comme des protections sont constatées en Espagne, ce qui explique notamment que ce pays figure dans le top 3 des principaux pays d’accueil des demandeurs d’asile dans l’UE ces dernières années (troisième rang en 2021, deuxième rang en 2020). En 2021, 88% des décisions en première instance concernant des Vénézuéliens dans l’UE étaient prises en Espagne.

En raison de la langue commune, de l’absence de visa pour s’y rendre ou encore des liens historiques, les Vénézuéliens en quête de protection migrent en effet principalement vers l’Espagne. Alors que tous les pays de l’UE appliquent un régime d’asile européen commun, un cadre juridique spécifique et particulièrement protecteur pour ces personnes s’applique dans ce pays.

Beaucoup de Vénézuéliens ne réunissent pas les critères d’obtention du statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaires selon les autorités espagnoles mais comme dans certains autres pays européens, une demande d’asile peut aboutir à une protection d’un autre type.

En Espagne, un permis de séjour humanitaire est prévu par la loi sur les droits et libertés des étrangers en Espagne et leur intégration sociale (LO 4/2000, de 11 de enero), son règlement d’application (RD 557/2011, de 20 de abril), et est repris dans la loi régulatrice du droit d’asile et de la protection subsidiaire (Ley 12/2009, de 30 de octubre, art 37 y 46.3).

Afin d’en bénéficier, il doit exister des circonstances exceptionnelles autres que celles envisagées pour une protection au titre de l’asile stricto sensu, dû à une « situation de risque, conflit, instabilité ou danger pour les droits fondamentaux du demandeur dans son lieu d’origine ». De plus, il ne faut pas être un citoyen de l’Union européenne (UE) ou de l’espace économique européen, ou un membre de la famille de l’un de ces citoyens, ne pas avoir d’antécédents pénaux reconnus par l’Espagne, et ne pas être interdit d’entrée sur le territoire.

Le permis de séjour pour raison humanitaire offre une autorisation de résidence d’un an, prorogeable d’une autre année. Ensuite, il y a un passage au régime général. En outre, une autorisation de travail peut être demandée et obtenue.

Si les critères d’obtention sont réunis, ledit permis s’obtient par une demande dans les administrations compétentes, avec le paiement des taxes correspondantes, mais aussi parfois en cas de rejet de la demande d’asile.

En juin 2018, l’Audience Nationale, équivalent de la Cour nationale du droit d’asile en France, a confirmé dans cinq arrêts le rejet de demandes de protection internationale de ressortissants vénézuéliens. Toutefois, dans les mêmes arrêts, et après consultation du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés, elle leur a accordé un permis de séjour pour raisons humanitaires (SAN, 628/2017, 456/2017, 457/2017, 328/2017 y 417/2017, de 26 de junio de 2018). 

Peu après, cette politique protectrice a été confirmée, permettant une protection quasi systématique des Vénézuéliens en Espagne grâce au permis de séjour humanitaire. Après le refus de l’Assemblée nationale vénézuélienne de reconnaître Nicolas Maduro comme président en janvier 2019, ce qui a engendré des affrontements violents, le gouvernement de Pedro Sánchez a annoncé que les Vénézuéliens se voyant refuser l’asile obtiendraient, dans la même décision, le permis de séjour pour raison humanitaire. Ceux qui bénéficient déjà d’un permis de séjour dans un autre pays européen peuvent cependant se voir refuser cette protection en Espagne.

La protection pour cause humanitaire n’est pas harmonisée au niveau européen. En France par exemple, une demande d’asile ne peut aboutir à une protection de ce type. Les Vénézuéliens protégés en France ne le sont qu’au titre de l’asile ou de la protection subsidiaire. Par conséquent, dans l’UE, ainsi qu’au sein d’un même pays, les Vénézuéliens n’ont pas les mêmes statuts et les mêmes droits.

Ce manque d’harmonisation complique la lisibilité des statistiques sur l’asile à l’échelle européenne (voir notre article de janvier 2023) mais aussi à l’échelle nationale. En effet, si nous regardons le taux de protection espagnol au seul titre de l’asile et de la protection subsidiaire, celui-ci est bas. En revanche, si nous y ajoutons le taux de protection humanitaire (majoritaire), le taux de protection global est bien plus élevé. Par ailleurs, il faut noter que les protections humanitaires accordées en dehors d’une procédure d’asile ne sont pas rapportés à Eurostat.