Le 28 mai 2023, Recep Tayyip Erdogan a été réélu, au second tour, à la tête de la Turquie, avec plus de 52% des voix. Il est donc probable que les relations UE-Turquie ne changent pas à court terme. À l’avenir, une coopération sur un potentiel programme de retour est plus probable qu’une reprise de l’accord de 2016.

 

La Turquie, qui partage 900 km de frontières terrestres avec la Syrie, accueille, d’après le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés, 3,6 millions de réfugiés, principalement syriens, soit plus que n’importe quel autre pays au monde. De plus, l’État connaît une crise économique, qui conduit à une réticence croissante de la population turque vis-à-vis de l’accueil de réfugiés.

La campagne présidentielle turque a vu plusieurs candidats militer pour l’expulsion de réfugiés et migrants. Le président a quant à lui défendu le rapatriement « volontaire » de Syriens. Depuis début mai 2022, le gouvernement contraint des Syriens à rentrer dans leur pays et finance, avec le Qatar, la construction d'habitations au Levant, de manière à renvoyer plus d’un million de personnes. En mai 2023, 500 000 personnes ont déjà été renvoyées.

Peu d’informations sont disponibles sur les intentions du président turc réélu concernant les relations avec l’UE en matière de migration. D’après le think tank néerlandais Clingendael, citant un diplomate turc, le gouvernement ne souhaiterait pas d’argent de l’UE, mais une mission conjointe dans le nord de la Syrie afin de faciliter les retours.

En 2016, le pays s’était engagé à limiter les départs depuis son territoire vers l’UE et à accueillir les migrants illégaux venus de son territoire et arrêtés en Grèce, ainsi que les migrants déboutés de leur demande d’asile dans un État membre passé par son territoire. En échange, l’UE s’était engagée à financer le contrôle des frontières et l’accueil des réfugiés sur le sol turc, à accepter l’installation d’un Syrien de Turquie dans l’UE pour chaque migrant renvoyé en Turquie dans la limite de 72 000 personnes, à relancer le processus d’adhésion de la Turquie (candidat depuis 1987), et à exempter de visa ses citoyens.

L’accord UE-Turquie a permis une diminution des arrivées dans l’UE, mais n’a pas atteint ses objectifs et a ouvert une brèche inquiétante en matière de délégation de responsabilité de l’UE vers un pays tiers. Le rapport AIDA Grèce indique que seules 2 140 personnes ont été renvoyées de la Grèce vers la Turquie. En outre, depuis mars 2020 et la pandémie de Covid-19, les transferts sont suspendus.

Plusieurs raisons peuvent expliquer le fait que la mise en œuvre de l’accord n’ait pas repris :

  • Seuls 4,5 des 6 milliards d’euros prévus auraient été versés.
  • L’accord sur l’exemption de visa pour les citoyens turcs a été ignoré.
  • La Turquie pourrait instrumentaliser les flux de demandeurs d’asile à des fins politiques. En octobre 2019, par exemple, n’obtenant pas de soutien dans sa guerre contre le régime syrien, le gouvernement turc a menacé d’ouvrir les frontières et d’envoyer plusieurs milliers de réfugiés vers l’UE. Fin février 2020, alors qu’elle ne recevait toujours pas de soutien dans son engagement militaire, la Turquie a laissé plus de 15 000 exilés se diriger vers la frontière grecque.

Au vu des décisions précédentes du gouvernement turc et de sa politique de retour « volontaire », il est peu probable, à court terme, que l’accord reprenne.

Malgré une augmentation des arrivées de demandeurs d’asile dans l’UE (qui restent toutefois inférieures à 2015 et 2016), aux regards de l’hostilité turque, de sa législation sur la protection internationale et du droit d’asile, la suspension de l’accord peut être regardée comme étant une évolution positive si elle permet d’ouvrir à nouveau l’accès au territoire européen pour les personnes se présentant aux frontières extérieures en conformité avec la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés.