Un rapport du Parlement européen propose l’établissement d'un visa humanitaire délivré dans les ambassades et les consulats des États membres dans les pays tiers, qui offrirait la possibilité aux personnes souhaitant effectuer une demande de protection internationale d’accéder au territoire européen par une voie légale et sûre.

Alors qu’il avait été rejeté lors de la séance plénière de novembre, le rapport a cette fois-ci été soutenu par 429 députés européens, 194 ayant voté contre et 41 s’étant abstenus. Par ce rapport , le Parlement demande à la Commission de présenter avant le 31 mars 2019 une proposition législative pour mettre en place un visa humanitaire européen donnant un accès au territoire de l’UE (uniquement à l’État membre délivrant le visa) dans le seul but de soumettre une demande de protection internationale.

Si le Code communautaire des visas (article 25-1-a) et le Code frontières Schengen (article 6-5-c) permettent de délivrer des visas de court séjour à validité territorialement limitée « pour motifs humanitaires », il n’existe pas de cadre juridique propre à la question des visas humanitaires dans l’Union Européenne, comme l’a souligné le rapporteur du texte, Juan Fernando López Aguilar. Cette absence de norme communautaire a conduit des milliers d’individus fuyant un conflit ou la persécution à risquer leur vie lors de « voyages désespérés » et a contribué à consolider l’influence des réseaux de passeurs.

Le rapport d’initiative législative rappelle en effet que, depuis 2000, près de 30 000 personnes ont perdu la vie en Méditerranée en tentant de rejoindre l’Europe, et 90% des individus s’étant vu accorder une protection internationale dans l’Union Européenne sont arrivés par des voies irrégulières. A l’issue du vote de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (Commission LIBE) du 3 décembre dernier en faveur de la mise en place d’un visa humanitaire européen, Juan Fernando López Aguilar avait critiqué le double discours de l’Union Européenne, qui dénonce le fait que les demandeurs d’asile arrivent de manière irrégulière alors qu’elle continue de leur fermer ses portes et les incite donc à rejoindre l’Europe illégalement.

Le visa humanitaire européen donnerait accès au territoire de l'Etat membre qui octroie le visa dans le seul but de présenter une demande de protection internationale. Les demandeurs devraient prouver leur exposition à un risque de persécution et ne pas déjà être partie à un processus de réinstallation. De même, avant la délivrance du visa, chaque bénéficiaire potentiel devrait faire l’objet d’un contrôle de sécurité via les bases de données nationales et européennes. Ensuite, une réponse serait donnée dans les 15 jours suivant le dépôt de la demande, après une évaluation par un personnel formé sur la question, avec la possibilité pour le demandeur d’intenter un recours en cas de refus. Enfin, une fois le visa obtenu, le demandeur pourrait entrer en toute légalité sur le territoire de l’État membre dans le seul but de faire sa demande.

Cette mesure permettrait de pallier le manque d'harmonisation des voies d'entrées sûres et légales pour les demandeurs d'asile dans l'UE. La mise en place d’un visa humanitaire européen serait une mesure forte, alors que les débats autour de l’instauration d’un système d’asile commun européen semblent s’enliser. Même si la décision de délivrer un tel visa humanitaire européen resterait de la seule compétence des États membres, cela représenterait une véritable avancée dans le développement des voies légales d’accès. Une telle mesure aiderait à lutter contre les passeurs. Elle permettrait également d’optimiser les fonds migratoires, d’assurer une meilleure régulation des arrivées et du traitement des demandes d'asile et enfin une meilleure répartition des réfugiés dans les États membres.

Il existe aujourd’hui dans certains États européens des visas dits « humanitaires », comme c’est le cas pour la France qui a délivré en 2017 9 257 visas de long séjour pour motif humanitaire et 5 616 visas de court séjour Schengen pour motif humanitaire, soit un total de 14 873 visas humanitaires délivrés en 2017. Cependant, la décision de délivrance d’un visa reste à la discrétion des États. Dans une décision du 7 mars 2017, la Cour de justice européenne (Affaire C 638/16 PPU – X et X contre État belge) a considéré que les États membre n’étaient pas tenus, en vertu du droit de l’UE, d’ « accorder un visa humanitaire aux personnes qui souhaitent se rendre sur leur territoire dans l’intention de demander l’asile, mais ils demeurent libres de le faire sur la base du droit national ». Les autorités belges estimaient qu’en sollicitant un visa à validité territoriale limitée pour introduire une demande d’asile en Belgique, la famille syrienne en syrienne en question avait manifestement l’intention de séjourner plus de 90 jours en Belgique. Aujourd’hui, la question est à nouveau étudiée par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’Homme dans l’affaire Nahhas and Hadri c. Belgique portant sur une famille syrienne ayant sollicité un visa humanitaire auprès de la Belgique. Si la Cour de justice européenne a du se prononcer sur l’interprétation du Code des visas combiné à la Charte européenne des droits fondamentaux, la Cour européenne des droits de l’Homme doit quant à elle se prononcer sur la possible violation de la Convention européenne des droits de l’Homme.

La mise en place d’autres voies légales et sûres d’accès à la protection internationale dans les États membres est nécessaire. Face aux besoins croissants des réfugiés et à l’insuffisance des programmes de réinstallation, le renforcement de programmes de parrainage privé de réfugiés, de la mobilité professionnelle et universitaire, de la réunification familiale, des corridors humanitaires, sont essentiels. Forum réfugiés-Cosi est engagé dans ce processus et a notamment porté et signé un appel à mobilisation pour appeler les dirigeants européens et internationaux à prendre des mesures pour développer et faciliter l'accès des demandeurs d’asile aux voies complémentaires.