Avec plus de 137 000 premières demandes enregistrées en préfecture sur l’ensemble de l’année 2022, on retrouve un niveau proche du pic historique de 2019. Le record du nombre de personnes protégées est lui dépassé, avec plus de 56 000 attributions de l’asile auxquelles s’ajoutent les protections temporaires accordées aux réfugiés d’Ukraine. 

 

Les premières données françaises sur la mise en œuvre du droit d’asile en 2022 sont désormais connues, suites à la publication des chiffres provisoires par l’OFPRA le 17 janvier 2023, du bilan statistique du ministère de l’Intérieur le 26 janvier 2023 et du rapport d’activité de la Cour nationale du droit d’asile le 1er février 2023.

En 2022, les services préfectoraux ont enregistré 137 046 premières demandes au sein des guichets uniques pour demandeurs d’asile (GUDA), bien davantage qu’en 2021 (104 381) et 2020 (81 531) mais légèrement en deçà du niveau historique de 2019 (138 420). Parmi ces premières demandes, 27% ont été placées sous procédure Dublin (36 891) dont une partie (7 356 demandes) a été requalifiée en procédure normale ou accélérée au cours de l’année. 

À cela s’ajoutent des demandes d’asile qui ne passent pas par le GUDA, lorsqu’elles sont enregistrées en centre de rétention administrative (657 demandes) ou quand elles émanent de personnes arrivées par le biais de certains dispositifs de réinstallation (1 502 demandes).

Au total, on recense donc 139 205 nouvelles demandes d’asile adressées à la France sur l’ensemble de l’année.

Les préfectures ont par ailleurs comptabilisé 19 057 nouvelles demandes déjà comptabilisées auparavant, notamment des réexamens ou des demandes enregistrées avant 2022 sous procédure Dublin et requalifiées en procédure normale ou accélérée en 2022 (10 437 demandes de ce type).

Parmi les premières demandes d’asile en GUDA, les Afghans sont les plus nombreux (22 570 soit 40% de plus qu’en 2021), suivis par les Bangladais (10 554), les Turcs (9 979) les Géorgiens (8 891) et les ressortissants de la République démocratique du Congo (6 734).

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a enregistré au total 130 933 demandes relevant de la responsabilité de la France (+27%) et placées en procédure normale ou accélérée, qu’il s’agisse de premières demandes, de réexamens ou de procédures Dublin des années précédentes « éteintes » en 2022.

Concernant les décisions, l’OFPRA a attribué l’asile à 38 789 personnes sur un total de 134 454 décisions soit un taux d’accord de 28,8%. La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a par ailleurs pris 14 456 décisions positives sur un total de 67 142 décisions soit un taux d’accord de 21,5% : les décisions CNDA n’incluant pas les mineurs (contrairement à l’OFPRA), il faut ajouter 2 934 mineurs accompagnants pour connaître le nombre total de personnes protégées par la France en 2022, soit 56 179 bénéficiaires du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire. Jamais la France n’avait protégé autant de personnes au titre de l’asile sur une seule année. Si l’on rapporte le nombre total de personnes protégées en 2022 au nombre de décisions OFPRA cette même année, on obtient un taux global d’accord de 41,8% contre 39,9% l’année précédente (cette statistique présente cependant un biais, les décisions CNDA de 2022 n’ayant pas nécessairement été traitées par l’OFPRA cette même année).

Concernant les délais d’instruction, l’OFPRA a atteint en 2022 un délai moyen de traitement de 5,2 mois (avec un « point bas » à 4 mois en fin d’année) tandis qu’un délai moyen de 6 mois et 16 jours était constaté à la CNDA. En moyenne, une demande d’asile était donc traitée en un an environ (11 mois et 22 jours) contre près de 16 mois l’année précédente. Si l’on ajoute les délais précédant l’enregistrement de la demande par l’OFPRA (environ 1 mois, hors procédures Dublin qui peuvent s’étendre pendant plus de 18 mois avant une requalification) ainsi que le délai de recours (1 mois), nous sommes encore bien loin des objectifs gouvernementaux dans ce domaine (voir notre article de juillet 2022).

Il faut enfin ajouter à ce tableau statistique les éléments concernant la protection des réfugiés d’Ukraine : ceux-ci bénéficiant du dispositif exceptionnel de « protection temporaire » (voir notre article de mars 2022), ils ne sont en effet pas comptabilisés dans les données portant sur les protections au titre de l’asile. Dans ce domaine, les données sont peu lisibles. Le ministère de l’Intérieur recense 65 833 autorisations provisoires de séjour « protection temporaire » fin 2022 mais cette donnée n’inclut pas les mineurs. La base de données de l’agence européenne Eurostat comptabilise 68 430 personnes (incluant normalement les mineurs) protégées à ce titre en France fin 2022 mais l’évolution par rapport aux mois précédents est difficilement explicable (on passe de 90 495 protections fin octobre 2022 à 134 740 fin novembre et donc presque deux fois moins fin décembre). De son côté, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) indiquait dans une publication sur les réseaux sociaux de janvier 2023 que 81 885 personnes (incluant a priori les mineurs) bénéficiaient de l’allocation pour demandeurs d’asile versée au titre de la protection temporaire à la fin de l’année 2022.