Les personnes obtenant une protection au titre de l’asile doivent se voir délivrer un acte d’état civil par l’OFPRA. Toutefois, les délais d’obtention de ce document ne cessent de s’allonger, entraînant de multiples obstacles dans l’accès aux droits qui freinent l’intégration des réfugiés.  

 

Le parcours administratif des personnes recevant une réponse positive à leur demande d’asile ne s’arrête pas à la réception de leur décision de protection prise par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou la Cour nationale du droit d’asile (CNDA)

Afin d'assurer la "protection juridique et administrative" des bénéficiaires de la protection internationale (BPI : réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire), la division de la protection de l'OFPRA doit reconstituer et mettre à jour l''état civil des personnes protégées qui, de par leur statut, ne peuvent contacter les autorités de leur pays d'origine ou de résidence pour mener ces démarches. Cette étape est cruciale en ce qu'elle permet aux BPI de disposer d'une identité et d’un état civil officiellement reconnus par les autorités française, indispensables pour entamer de nombreuses démarches d'intégration notamment l'obtention d’un titre de séjour.

Dans un contexte de hausse de la demande d’asile et du nombre de personnes protégées chaque année, avec des délais d’instruction en baisse, les besoins en matière d’état civil ont fortement augmenté ces dernières années. La hausse de l’activité de l’OFPRA s’est avérée insuffisante, les moyens accordés à l’Office pour son rôle de protection n’ayant pas été adaptés aux besoins croissants dans ce domaine. Il en résulte que, pour l’année 2022, le délai moyen d’établissement des premiers actes d’état civil était de 309 jours, soit plus de 10 mois, contre 240 jours (8 mois) en 2021. Entre 2017 et 2022, on constate une hausse de 119% de ce délai.

Un changement législatif intervenu en 2018 est venu assouplir le caractère indispensable du document d’état civil : dans l’attente de son document d’état civil, le BPI peut ainsi « solliciter le bénéfice des droits qui lui sont ouverts » sur la base de la composition familiale mentionnée lors de la demande d’asile. Cette disposition permet notamment d’enregistrer une demande de logement social en présentant simplement l’attestation familiale provisoire délivrée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), sans attendre la délivrance de l’acte d’état civil. Mais cet assouplissement est loin de couvrir l’ensemble des enjeux d’intégration et de résoudre les difficultés liées aux délais.

Les retards dans la délivrance des actes d’état civil ont pour conséquence de retarder aussi la délivrance d'un titre de séjour, qui doit normalement intervenir dans un délai de trois mois à compter de l’octroi de la protection. L’obtention d’une carte de résident de 10 ans pour les réfugiés ou d’une carte pluriannuelle de séjour de 4 ans pour les bénéficiaires de la protection subsidiaires et apatrides est en effet conditionnée au versement des actes d’état civil au dossier. Dans l’attente de l’obtention de l’acte d’état civil, les BPI se voient délivrer depuis le printemps 2022 sur la plateforme dématérialisée Administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) une "attestation de prolongation d’instruction" (API) afin de permettre, en théorie, l’accès à certains droits.

La durée de validité des API est de 6 mois renouvelables par la préfecture tant qu'une décision n'a pas été prise sur la demande de titre de séjour. Pendant cette période où ils ne disposent que de cette API, les réfugiés se trouvent soumis à de nombreuses situations d’instabilité ou de blocages qui freinent considérablement leur intégration.

L’API ne figure pas dans plusieurs textes réglementaires qui listent les pièces justificatives pour accéder à certains droits. Les réfugiés ne peuvent ainsi pas s’inscrire aux épreuves du permis de conduire, et ils peuvent rencontrer des difficultés pour accéder à certains droits sociaux. L’ouverture d’un compte bancaire est également marquée par des blocages auprès de nombreux établissements. Pour l’accès à l’emploi, les employeurs sont souvent réticents à embaucher les BPI dans des contrats longs ou à durée indéterminée, lorsque le seul document qui leur est présenté dispose d’une validité courte. Par ailleurs, les BPI ne peuvent se voir délivrer un titre de voyage ou un document de circulation pour étranger mineur (DCEM) qu’à l’appui d’un titre de séjour et non pas d’une API ou autre document provisoire.

Les délais excessifs de délivrance des actes d’état civil par l’OFPRA, qui retardent la délivrance des titres de séjour, ont des conséquences pour l’ensemble du système d’asile. Ne pouvant accéder aux ressources suffisantes pour disposer d’un logement, les BPI se maintiennent souvent plusieurs mois au sein des places d’hébergement pour demandeurs d’asile du dispositif national d’asile (DNA) – accentuant ainsi les défaillances de notre système d’accueil pour demandeurs d’asile. Les obstacles à la mobilité en raison des difficultés liées au permis de conduire, et les autres difficultés pour accéder à l’emploi créées par ces retards, maintiennent par ailleurs les réfugiés dans une dépendance aux aides sociales (RSA, allocations diverses…) qui pourrait être évitée ou raccourcie. Aussi, il semble indispensable d’augmenter significativement les moyens humains attribués au pôle protection de l’OFPRA, pour une meilleure intégration des réfugiés mais également pour générer par ricochet d’importantes économies pour les finances publiques.